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répudier sa femme pour quelque sujet que ce soit, celui-ci leur répondit qu’il était dans la volonté divine que les époux ne formassent qu’une seule chair, et que l’homme ne doit point séparer ce que Dieu a uni.

Fort de ce texte, le catholicisme condamna le divorce comme un crime, avec pour sanction l’excommunication. Mais, avec la casuistique spécieuse qui le caractérise, il devait l’admettre en fait, quoique d’une façon hypocrite et détournée, pour favoriser, à l’occasion, les desseins de puissants personnages. Henri IV, devenu roi de France, ne pouvait épouser Marie de Médicis, étant uni déjà à Marguerite de Valois. L’Église ne pouvant rompre ce premier mariage par le divorce, ce qui eût été un scandale, tourna la difficulté en le frappant de nullité, c’est-à-dire en déclarant qu’il n’existait pas ! Et tout le monde fut satisfait, sauf peut-être Marguerite de Valois. Grâce à ce grossier subterfuge, le bon roi Henri put reposer la conscience à l’aise, et profiter de la bénédiction du clergé, dans une circonstance qui aurait fait accuser d’adultère et vouer aux flammes éternelles le premier venu des paysans.

Pour les pauvres gens, rivés l’un à l’autre par les chaînes du mariage religieux, l’Église n’a jamais admis, en cas de mésentente, que la séparation de corps, qui est la faculté d’aller vivre chacun de son côté, mais sans que soit dissous le mariage, sans la possibilité, par conséquent, de rechercher le bonheur dans une autre union. Il en est encore ainsi, de nos jours, dans les pays soumis à l’autorité papale : l’Autriche, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la presque totalité de l’Amérique du Sud. Par contre, les nations protestantes : l’Allemagne, l’Angleterre, la Hollande, le Danemark, la Suisse, ont rejeté le rigorisme catholique et adopté le divorce, avec des facilités diverses, dès la Réforme, c’est-à-dire au début du xvie siècle.

En France il fallut, pour obtenir ce résultat, l’effort libérateur de la Révolution. L’Assemblée législative reconnut le divorce par la loi du 20 septembre 1792, sur la proposition du député Aubert-Dubayet. Il fut autorisé sur la demande d’un seul des conjoints dans chacun des cas suivants : 1° Démence ou folie ; 2° Condamnation à une peine afflictive ou infamante ; 3° Sévices ou injures graves ; 4° Dérèglement des mœurs ; 5° Abandon pendant deux ans au moins ; 6° Absence sans nouvelle pendant cinq ans au moins ; 7° Émigration.

Mais le divorce comptait beaucoup d’ennemis et, après nombre de débats, le Décret du 20 mars 1803 en réduisit considérablement la portée. Puis le retour des Bourbons annula cette conquête révolutionnaire. Il fut aboli par la loi du 8 mai 1816. Il ne devait renaître de ses cendres que soixante-huit ans après, sur l’initiative d’Alfred Naquet, après sept ans d’efforts parlementaires.

Les lois du 27 juillet 1884 et du 18 avril 1886 ont reconstitué le divorce de la Révolution, mais avec des restrictions regrettables, et tout en laissant subsister la séparation de corps, par égard pour le culte catholique. Avec ces nouvelles dispositions légales, les motifs de divorce reconnus valables sont réduits à trois : 1° Les excès, sévices et injures graves ; 2° La condamnation à une peine afflictive et infamante ; 3° L’adultère.

Le premier motif est laissé à l’estimation du juge. Seuls les deux derniers motifs sont considérés comme péremptoires, c’est-à-dire de nature à faire obtenir le divorce sans difficulté, — ce qui ne signifie point sans frais ni lenteurs — dès l’instant que les faits sont bien établis. Mais si la constatation est aisée qu’une pénalité judiciaire a été prononcée contre un des époux, il n’en va pas toujours de même pour l’adultère et ceci donne lieu à des recherches et expertises à la fois grotesques et répugnantes.

D’abord, il faut distinguer : le flirt, les mignardises, l’essai de prise de possession, certains attouchements risqués, ne sont pas considérés comme péché d’adultère,

non plus que les relations homosexuelles ! Et pourtant… Mais passons ! Pour que, du point de vue de la loi, il y ait adultère, il faut qu’il y ait eu consommation de l’acte sexuel entre personnes de sexe différent. Et s’il n’existe pas de documents probants, tels des lettres édifiantes susceptibles d’être présentées comme pièces à conviction, il faut qu’un commissaire de police, muni d’un mandat de perquisition, se rende dans la chambre des amants pour y faire les constatations nécessaires, et dresser procès-verbal de toutes les circonstances utiles. C’est-à-dire qu’il retiendra soigneusement les propos enflammés des coupables, leurs soupirs significatifs, les craquements de leur sommier, s’il a pu entendre, à la dérobée, quelque chose de semblable. La porte ouverte, il notera l’état de désordre de leurs vêtements et de leur chevelure, vérifiera si le lit est défait, s’il est encore chaud et porte l’empreinte de deux corps allongés, si les draps portent des traces intimes, et cœtera…

Bien qu’il s’agisse d’enquête au service d’une loi condamnée par l’Église, cette casuistique malpropre est trop dans le caractère de sa littérature spéciale à l’usage des confesseurs, pour que l’on n’en soupçonne point l’inspiration.

Le divorce, tel qu’il a été rétabli par la République Française, est à part ceci, très imparfait, et conserve la marque de toutes les concessions que le législateur a dû faire aux gens « bien pensants », pour obtenir gain de cause. Il est hérissé d’obstacles. Les démarches en sont excessivement longues et coûteuses. Ici encore, il n’est aucune parité entre les possibilités pratiquement offertes aux riches, et celles mises à la portée des pauvres. La dissolution du mariage par consentement mutuel des époux n’ayant pas été retenue, le divorce français actuel n’est pas la liberté pour l’homme et la femme de se séparer de corps et de biens quand ils le veulent, avec faculté de convoler en d’autres noces. Ce n’est que la libération accordée à l’un d’eux, sur sa demande, en conséquence de certaines fautes graves commises par son conjoint, et sur lesquelles un tribunal doit se prononcer tout d’abord.

Que de complications inutiles et barbares ! Même dans les conditions de la vie sociale actuelle, le divorce pourrait être sans inconvénient, mais avec tout avantage, débarrassé des entraves que lui ont infligées à plaisir des pions paperassiers et de malfaisants « vertuistes ». Dès à présent, l’effort du législateur laïque pourrait et devrait porter exclusivement sur le souci de protéger contre la misère l’épouse et l’enfant abandonnés — car c’est surtout cela qui importe ! — et délaisser le souci de préserver, soi-disant, la dignité du mariage par la sauvegarde des apparences et le sacrifice du bonheur d’autrui. Dès à présent, le législateur, pour la plus grande satisfaction de ses contemporains, pourrait renoncer à la poursuite de cette utopie : L’amour dans le mariage et le bonheur des enfants dans la maison, assurés par la contrainte judiciaire.

Car l’amour, qui se ressent mais ne s’impose point, se révèle sans préoccupation des articles du Code. Et, pour ce qui est des enfants, si c’est pour eux un très grand bonheur, un incontestable avantage que d’être élevés par des parents unis, il.est cependant pour eux préférable d’être confiés à des éducateurs affectueux, que de rester dans l’atmosphère attristante et dangereuse d’un foyer où l’on se hait. — Jean Marestan.

DIVORCE. — Le divorce, on peut le définir la porte de sauvetage du mariage. Il est, en effet, un compromis entre l’union libre et le mariage légalement indissoluble. Le divorce est admis en presque tous les pays du monde. Aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne, en Russie, en Suisse, en Norvège, au Danemark, en Belgique, en Hollande, en Grèce, en Bulgarie, au Japon, en France, etc… Dans les pays dominés par le