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de Schrank-Notzing qui voulait confier à la prostitution féminine des maisons closes la guérison des invertis !

Il y a relativement peu de temps, l’homosexualité « était un vice honteux et dégoûtant, auquel on ne pouvait toucher qu’avec des pincettes en prenant toutes sortes de précautions, aujourd’hui c’est un phénomène psychologique et médico-légal d’une telle importance sociale que nous devons l’examiner franchement et ouvertement » (Havelock Ellis). « Chez les dirigeants éthiques ou religieux et en général chez les individus doués d’un puissant instinct moral, il existe une tendance vers les formes supérieures du sentiment « homosexuel » (Id). Le philosophe du Pragmatisme, William James, a même émis l’opinion que la plupart des hommes possédaient le germe potentiel de l’inversion sexuelle.

Cependant la loi intervient et de deux façons selon les pays. Dans les pays dits « de civilisation latine » on se conforme en général au Code Napoléon qui n’intervient pas dans les cas d’inversion sexuelle, sauf s’ils se compliquent d’outrages publics à la pudeur ou de violence ou non consentement, à quelque degré que l’acte ait été consommé — ou si l’une des parties est mineure ou incapable de donner son consentement. C’est le droit commun. Ce point de vue du Code Napoléon, du à l’ancien Directeur Cambacérès, est celui adopté en Belgique, Espagne, France, Hollande, Italie, Portugal, en Amérique et dans les colonies hispano-portugaises.

En Allemagne, dans les pays anglo-saxons, en Russie (avant la Révolution), l’inversion est considérée comme un crime en soi.

En Angleterre, tout coït anal avec une femme ou un homme ou un animal est passible des travaux forcés à perpétuité, de deux ans de « hard labour » au minimum. Le Criminal Law Amendment Act de 1885 punit de même tout acte d’indécence grossière entre hommes, même commis en privé, d’une peine ne dépassant pas deux ans, avec ou sans travaux forcés. Il s’est trouvé un juge anglais, paraît-il, pour regretter que cet Act ne comportât pas la peine de mort ! Les États-Unis suivent l’Angleterre et la pénalité peut atteindre jusqu’à 20 ans d’emprisonnement.

En Allemagne existe le fameux § 175 du Code Pénal qui ne s’appliquait jadis qu’à « l’acte » semblable au coït anal ; on l’a aggravé en y joignant l’addition des « mouvements » semblables, addition très arbitraire, cela va sans dire.

En Russie, la loi tsariste, adoucie ensuite, infligeait à l’homosexuel la privation des droits politiques et l’exil en Sibérie. Aujourd’hui, le droit criminel de la Russie soviétique n’inflige aucune pénalité, ni pour sodomie ni pour homosexualité masculine ou féminine. (Correspondance Internationale, 11 août 1928, n° 80).

Examinons quel a été l’effet de la répression légale. Elle n’a eu aucune influence sur la « prospérité » de l’inversion sexuelle, même en pays anglo-saxons ; elle a simplement ruiné à jamais des malheureux incapables de réagir contre le séjour en prison et l’ambiance des établissements pénitentiaires (un exemple frappant est celui d’Oscar Wilde). En Allemagne, les partisans de « l’amitié masculine » ont réagi avec vigueur ; ils ont leurs journaux, leurs associations, leurs clubs ; quant au § 175, il a naturellement servi de prétexte a maints chantages ; sous prétexte de servir la morale, il a favorisé l’escroquerie. Son abolition a été réclamée par des personnalités éminentes (parmi lesquelles le grand socialiste Bebel, mort aujourd’hui) et l’est encore.

Il s’est publié quelque temps à Paris une revue d’amitié masculine, Inversions, supprimée à la suite d’une intervention parlementaire et d’une poursuite judiciaire, dont la suppression aurait pu soulever davantage de protestations. Il nous a paru que les fondateurs de cette revue, que son prix mettait hors de l’atteinte du

grand public, n’ont pas réagi avec l’énergie de leurs camarades d’outre-Rhin.

Il convient de dire aussi que certains invertis sexuels — et il y en a trop de ceux-là — dépassent la mesure en affirmant sur un mode dithyrambique que l’amour homosexuel est supérieur a l’amour normal, hétérosexuel. Cela indispose même les mieux prévenus en leur faveur. On peut citer, parmi les hommages littéraires à l’inversion, un poème d’Edward Carpenter, philosophe doublé d’un sociologue anarchisant, disciple de Walt Whitman, et qui n’a jamais été soupçonné d’être un inverti lui-même. Ce poème, intitulé O enfant d’Uranus, est extrait de Vers l’Affranchissement (traduction M. Senard), Paris, 1914 ; c’est une véritable glorification du « troisième sexe » :

« O enfant d’Uranus, qui erres et passes à travers les temps…

Mystérieux deux fois né, deux mondes te sont ouverts…

Etc.…, etc.… ».

Ce n’est que depuis 1870 que l’inversion sexuelle a été étudiée de façon scientique et rationnelle. On peut attribuer à quatre causes l’existence de l’homosexualité.

L’hérédité ou congénitalité (les invertis-nés). — Dans le Progrès Médical du 10 janvier 1925, le docteur Saint-Paul, le plus éminent des savants qui se sont occupés, en France, de la question, a défini l’inversion (vraie) comme le fait d’une structure ou de conditions antérieures à la naissance. Selon la statistique dressée par Hirschfeld (pour l’Allemagne), il y aurait 1, 5 % d’homosexuels purs, 3, 9 % de bisexuels, le reste des humains se composant d’individus normaux. Selon Havelock Ellis, il y aurait en Angleterre 5 % d’invertis, la plupart répandus parmi les classes libérales et instruites. Nous ne croyons pas ces statistiques (et d’autres) concluantes.

La race. — Dans ses Arabian Nights, Richard Burton avait établi sa fameuse « Zone Sotadique » qui comprenait le midi de la France, l’Espagne, l’Italie, la Grèce, les côtes méditerranéennes de l’Afrique, l’Asie Antérieure jusqu’au Cachemire, au Turkestan, au Gange, puis le Japon, la Chine, l’Océanie et le Nouveau Monde, où, avant l’arrivée des Européens, la pédérastie était de pratique courante. Richard Burton voulait qu’au dedans de cette zone l’inversion sexuelle fût considérée comme une peccadille, au dehors comme un délit. Cela répond à peu près à l’état de la législation en matière d’homosexualité, mais ne repose sur aucune base scientifique d’observations, les Anglo-Saxons et les Slaves fournissant un contingent important à l’homosexualité.

3°) La suggestion. — On n’est pas très bien renseigné sur le rôle de la suggestion dans l’homosexualité. Sur les 49 cas étudiés par Havelock Ellis, 13 indiqueraient qu’un événement ou milieu spécial a détourné, pendant l’enfance, l’instinct sexuel vers l’homosexualité ; et encore, dans 1 ou 2 cas au moins, il y avait une prédisposition déjà bien marquée.

4°) La privation normale de la satisfaction des besoins sexuels. — Bouchard, dans ses Confessions (1861) ; Sainte-Claire Deville, dans sa communication sur « L’Internat et son influence sur l’éducation de la jeunesse » ; Balzac, dans la Dernière incarnation de Vautrin ; Dostoïevski, dans ses Souvenirs de la Maison des Morts, A. Hamon, dans La Psychologie du Militaire professionnel ; Lucien Descaves, dans Sous-Offs ; G. Darien, dans Biribi, Mirbeau, dans Sébastien Roch, etc., etc., nous ont magistralement dépeint la façon dont la pSébastien Rochromiscuité masculine, jointe à l’impossibilité des échanges habituels avec le sexe féminin, dans les établissements d’éducation, les casernes, les lieux d’emprisonnement et de déportation, etc., favorisaient, déve-