Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/472

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ISR
1080

qu’il adopte la seule voie qui lui reste : le commerce. Si nous admettons que le Juif attribue à l’argent plus d’importance que qui que ce soit, ce n’est pas que son or sonne plus agréablement à son oreille, c’est parce que cet or le sauve fréquemment des persécutions et des mauvais traitements.

Dans tous les cas, les Juifs évoluent rapidement sous ce rapport, et une majorité de ce peuple se livre actuellement au travail physique et n’en a pas honte comme anciennement, mais s’en fait gloire. Quant à la religion, l’on peut dire qu’aucun autre peuple n’est si près de la libre pensée que le juif, et cela s’explique par le fait qu’il n’y a pas de gouvernement qui lui impose une religion, et par sa tendance à s’assimiler. Cette inclination pourrait avoir une étendue beaucoup plus grande et plus bienfaisante n’étaient les persécutions dont ils ont souffert dans tous les pays en général, mais surtout dans les contrées plus arriérées, plus cléricales. Ces persécutions ont resserré les liens entre les Juifs et développé l’idée de nationalité juive.

Quand on pense aux affreuses persécutions auxquelles ce peuple a été exposé dans sa vie historique, on ne peut que s’étonner qu’il n’ait pas perdu son aspect humain. Nous ne rappellerons pas les atrocités du passé éloigné, parlons seulement des pogromes en Russie pendant les soulèvements populaires de 1818-1819. Ces événements sanglants éveillent en nous l’horreur de ces actions infernales, de ceux dont les ambitions politiques, les intérêts économiques, la soif du pouvoir, ont armé des bandes sauvages et les ont lancé comme des chiens affamés contre les paisibles populations juives. Ils nous forcent à mépriser ceux qui, pendant ce temps, continuaient à s’occuper de leurs propres affaires, à dormir, à manger, à se promener, à danser même sans remords de conscience.

Bien des révolutionnaires disent que les Israélites font trop de bruit, qu’ils se plaignent trop, que d’autres peuples aussi ont souffert des guerres et des révolutions. Mais ces révolutionnaires ont-ils pensé, même une fois, à l’énorme différence qu’il y a entre la guerre, les révolutions et les pogromes ? Dans la guerre, les soldats sont armés, animés par une sorte de sentiment (même artificiel) de leur supériorité sur l’ennemi, ils ont confiance en leur cohésion, ils sont enivrés d’une croyance fanatique qu’ils mourront pour une cause sacrée, et enfin ils se nourrissent de l’espérance que ce seront les autres soldats qui seront tués, pas eux.

Un révolutionnaire meurt avec la foi enthousiaste qu’il donne sa vie pour la sainte cause de l’affranchissement de l’humanité.

Dans les pogromes, des foules de bandits sanguinaires envahissent des villages paisibles, désarmés, attaquent de faibles vieillards, les femmes, les enfants, violent les femmes en face de leurs maris, les petites filles sous les yeux de leurs mères, éventrent les malheureux, leur remplissent le ventre de paille et font encore mille autres épouvantables actions qui font dresser les cheveux quand on les a vues.

Ils se trompent fort les Israélites qui, sous l’influence de la bourgeoisie juive, croient se sauver de leur situation en organisant un État à eux, c’est-à-dire en établissant ce dont ils souffrent eux-mêmes. Pour tourner la vérité, ces « amis du peuple » parlent de la « question juive », mais en dépit de la situation particulière des Juifs, en réalité il n’existe pas de question juive, pas plus qu’il n’y a de question française, anglaise ou allemande. Il n’y a qu’une question pour toute l’humanité, et cette question consiste à extirper de la conscience et du cœur de l’homme ces fanatismes sauvages et dangereux qui s’appellent : religion, nationalisme, patriotisme. Il faut que la domination d’un homme sur un homme soit impossible. Il faut que ceux qui se gorgent de nourriture et s’adonnent aux plaisirs à côté de ceux

qui souffrent de la faim et du malheur soient considérés comme des criminels.

Il faut que la vie et la liberté personnelle soient plus précieuses que tout. Il faut que chacun se considère comme responsable de tout ce qui se passe autour de lui. Il faut que les gens comprennent qu’ils sont comme deux fleurs croissant sur le même sol et qui ont également besoin de soleil et de pluie, qu’eux ont également besoin d’amour et de solidarité, le bonheur pour tous. — Ryskine. (Trad. de G. Brocher).

ISRAÉLITE. Les Juifs se nomment eux-mêmes Israélites et souvent se fâchent si on les désigne sous le nom de Juifs. J’ai offensé gravement une doctoresse russe en employant devant elle le mot Jid (juif russe), sans que je susse qu’elle était d’origine juive, car elle était femme d’un révolutionnaire et incrédule elle-même, mais elle avait cru que j’exprimais du mépris pour sa race. L’origine du mot Israélite est curieuse. Voici ce que la Bible nous apprend au chapitre 32 de la Genèse : Jacob, craignant la vengeance de son frère Esaü, avait envoyé au-devant de celui-ci une partie de ses vastes troupeaux, et lui-même avait fait passer la rivière Jabok à ses femmes et au reste de son bétail. Lui voulut passer le dernier, à la nuit tombante.

« Jacob étant demeuré seul quelqu’un lutta avec lui jusqu’à ce que l’aube fût levée. » (Verset 24).

« Quand ce quelqu’un vit qu’il ne pouvait le vaincre, il toucha l’endroit de l’emboîture de l’os de la hanche, de sorte que cette emboîture fut démise pendant que l’homme luttait avec lui. » (Verset 25).

« Et ce quelqu’un lui dit : Laisse-moi car l’aube du jour est levée. Mais il dit : Je ne te laisserai point que tu ne m’aies béni. » (Verset 26).

« 27. « Et il lui dit : Quel est ton nom ? Et il répondit : Jacob. »

« 28. « Alors il dit : Ton nom ne sera plus Jacob, mais Israël, car tu as été le plus fort en luttant avec Dieu et les hommes. »

« 29. « Et Jacob l’interrogea, disant : Je te prie, apprends-moi ton nom, et il répondit : Pourquoi demandes-tu mon nom ? Et il le bénit. »

« 30. « Et Jacob nomma ce lieu Péniel, car il dit : J’ai vu Dieu face à face et mon âme a été délivrée. »

« 31. « Et le soleil se leva aussitôt qu’il eut passé Péniel, et il était boiteux d’une hanche. »

« 32. « C’est pourquoi jusqu’à ce jour les enfants d’Israël ne mangent point du muscle qui est à l’endroit qui est à l’emboîture de la hanche, parce qu’Il toucha l’endroit de l’emboîture de la hanche de Jacob à l’endroit du muscle retirant. »

Dans le prophète Osée, chapitre 12 (versets 3-4.), nous lisons :

« Dès sa naissance il supplanta son frère et, par sa force, il fut le maître en luttant avec Dieu. »

Dans la Genèse, 35, v. 10 :

« Dieu apparut encore à Jacob et Il lui dit : Ton nom ne sera plus Jacob, car ton nom sera Israël. Et il s’appela Israël. »

Ainsi Israël signifie vainqueur de Dieu.

Ce Dieu promit à son vainqueur une postérité innombrable, comme le sable des plages des mers.

Cette légende absurde d’un homme plus puissant que son Dieu qui est obligé d’avoir recours à un coup interdit dans la lutte, est encore en honneur parmi les Juifs qui se font gloire de cette origine abracadabrante.

La postérité de Jacob n’est pas innombrable comme l’avait annoncé Dieu de sa propre bouche, mais malgré les persécutions et la misère indescriptible qui fut le lot des Hébreux pendant des siècles, on compte une trentaine de millions de Juifs sur la terre. Ce peuple est toujours resté attaché à sa race, même lorsque presque