Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 3.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MED
1485

cin », p. 63, Hachette, 1927). En un siècle où l’argent est roi, comment les médecins ne se rangeraient-ils pas parmi ses humbles sujets ?

Pourtant, les préoccupations morales ne sont pas étrangères au corporatisme médical, comme le démontre son attitude actuelle en face de la loi française sur les Assurances Sociales. Les praticiens refusent leur collaboration au gouvernement tant que ne sera pas respecté le secret médical, assuré le libre choix de son médecin par le malade, sauvegardée la liberté de médication durant le traitement. Ils ne veulent pas laisser traiter les assujettis à la loi en personnes de deuxième ou troisième catégorie, auxquelles seraient refusées les garanties dont jouirait la clientèle bourgeoise. Ils entendent épargner aux déshérités de la fortune l’étalage de leurs misères physiques et mentales sur une masse inutile de papiers administratifs ; leur réserver la latitude de faire appel aux soins de qui a leur confiance ; leur voir donner le droit à tous les médicaments sans restriction ni considération de leur prix marchand : trois conditions de traitement rationnel et légitime que les projets de règlement jusqu’ici élaborés refusent au futur assuré. Enfin, pour éviter tout soupçon de connivence en vue de l’exploitation abusive des caisses d’invalidité, le médecin traitant demande à être honoré directement par le malade en lui délivrant un reçu d’après lequel l’administration calculerait la part légalement remboursable à l’intéressé.

L’âpreté au gain, remarquée complaisamment chez les médecins mais d’ailleurs commune à toute la génération actuelle, rencontre une justification dans l’âpreté concomitante du fisc. La saison des privilèges officiels est le passé ; la discrétion tutélaire et ancien régime des agents des contributions, un rêve évanoui. Le praticien paie toues les taxes imposées aux contribuables de marque : personnelle, mobilière, patente, impôt sur les bénéfices professionnels, sur le revenu global. L’échappatoire devient pour lui un sport difficultueux devant la ténacité et la curiosité des contrôleurs qui exigent la preuve flagrante de la sincérité des déclarations. Le gouvernement fouille les poches et les allège consciencieusement. Les clients à leur tour voient s’élever leur note d’honoraires dans une juste proportion. Le désintéressement miséricordieux de jadis a disparu. Quand viendra le temps des échanges fraternels ? Et quel est l’avenir du médecin ?

Son sort ne peut qu’être étroitement lié à celui de son siècle. Par le développement et la particularisation de ses techniques, la médecine subit une mécanisation progressive ; et chaque jour davantage le médecin deviendra le serviteur d’une machinerie, un véritable « ouvrier » ; d’une part ouvrier d’élaboration, de perfectionnement, de modification et de contrôle des techniques ; d’autre part ouvrier d’application et de commande des techniques. Le praticien fera figure de distributeur automatique ; le chirurgien de manipulateur de manettes d’embrayage et de débrayage. Ne voit-on pas les opérateurs commencer à utiliser des bistouris électriques ?

Comme ses contemporains le médecin de demain constituera un rouage d’une énorme mécanique sociale. ‒ Docteur F. Elosu.

MÉDECIN, MÉDECINE, MÉDICASTRE… — Les mauvais médecins sont ceux qui ont été investis par le jeu des bonnes relations de leurs papas « dorés » ou qui deviennent médecins pour satisfaire des traditions de famille ou de caste.

Pour ces parents, peu scrupuleux de l’idéal, peu importe la nature de leurs enfants à diplômer, coûte que coûte, au détriment de ceux sur lesquels ils s’exerceront sans humanité.

Les médecins, ni bons ni mauvais, sont ceux qui monnayent leur savoir ‒ ceux-là en ont ‒ sans plus s’occuper des causes pitoyables, nourrissant le mal dont ils vivent le plus largement possible.

Les bons médecins sont ceux qui instruisent le malade, mais seulement jusqu’où leur industrie commence.

Les vrais médecins sont ceux qui n’exercent pas ou n’exercent plus ou qui n’ayant jamais recherché le diplôme, malgré des études sérieuses et persévérantes, font de la médecine vulgarisatrice des secrets d’une santé se passant, à tout jamais, de la médecine, sans vivre de cet enseignement.

La médecine, telle qu’on l’enseigne dans les facultés, ne s’apprend que sur ce qui meurt et non pas sur ce qui vit.

Poursuivre le mal sur un terrain ensemencé d’éléments favorables à la maladie, à la dégénérescence, avec la chimie en ampoules, en flacons ou en cachets, alors que l’organisme est saturé de chimie organique virulente, corrodante, voilà à quoi se résume la science médicale contemporaine.

À l’École de Médecine, c’est comme à l’École Militaire : on y apprend à combattre, à guerroyer et non pas à secourir ou à pacifier.

Le médecin et le militaire possèdent, chacun, un arsenal et un laboratoire : deux choses dont la nature saurait se passer.

Quand l’homme appelle le médecin, déjà la morbidité s’organise en lui, quelque part, où le mal fait son trou. Le médecin, lui, fera le sien propre dans la vie du « patient ».

Mais, insistons sur ce point : que c’est très probablement le malade qui a créé le médecin ; ce dernier, lui, a créé le « sens médical », ce qui fait dire : que n’ont besoin du médecin, que ceux voulant bien se donner la peine d’être malades ou de se croire tels.

Le chirurgien, quand il n’est pas un sadique de la vivisection et lorsqu’il ne mesure pas le morceau à couper avec les ressources probables de ses clients, est presque indispensable à l’humanité. Je dis ressources probables, car il n’y a pas de gens plus experts pour juger, d’après les « signes extérieurs et intérieurs », de l’état de fortune des gens, qu’un médecin ou un chirurgien. Quels admirables agents du fisc feraient ces messieurs !

Quant aux guérisseurs, ce sont des malins dont toute la… science consiste à savoir déplacer la mal ou à séparer, pour un instant, le malade de sa douleur.

Les guérisseurs procèdent du phénomène qui se produit, lorsqu’une personne, souffrant atrocement du mal de dent, voit sa souffrance se calmer, ou disparaître, en saisissant le pied de biche à la porte du dentiste.

C’est ce trouble humoral, ce trouble émotif, que les guérisseurs provoquent, pour guérir, à la petite semaine, des malades tout spéciaux qui, pendant le reste de leurs jours, restent de fidèles clients, malgré qu’ils soient ‒ selon leurs dires ‒ parfaitement guéris !

Quand le malade tient, consciemment ou inconsciemment, à sa maladie et qu’il a perdu confiance en la médecine ou lassé l’honnête médecin, quand il ne croit plus aux vaines et coûteuses « combines » des guérisseurs, on le voit se livrer aux littérateurs de la médecine qui feront métier de l’embarrasser, de plus en plus, à mesure que les livres s’ajouteront aux livres, et quels livres !

Livres que l’on achète sur le conseil intéressé des conférenciers subtils, ramasseurs marrons des clientèles d’officines d’hypnotiseurs professionnels ; livres qui conduisent de malheureux malades, pieds et