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poings liés, aux « psychothérapeutes » se refilant le client jusqu’à épuisement de ses ressources d’argent, de patience, de vie !

Les livres de médecine soignante ou de vulgarisation de la médecine officielle, quelle bonne blague… pour eux qui ne tiennent pas à être malades ou ne font rien pour le devenir !

Dans ces livres, la maladie y est traitée comme si elle ressemblait toujours à elle-même, cependant que, d’un malade à un autre, elle différencie de nature, d’intensité même, d’une heure à une autre.

Devant ce fait, à quoi sert toute cette littérature, dite de vulgarisation médicale ?

Un médecin est appelé au chevet d’un malade et diagnostique une affection toute autre que celle dépistée par un premier médecin appelé la veille ; cela s’explique facilement. Ces deux médecins ont raison tous les deux. Confrontez-les, ils ne s’entendront que si le consultant les garde tous les deux. Deux raisons s’offrent à expliquer cette attitude : la première, c’est qu’en quelques heures, ainsi que nous le disons plus haut, le mal peut changer de nature, se déplacer ; la seconde, c’est qu’un médecin qui revient d’une erreur, en face d’un client, est perdu vis-à-vis de ce dernier. On croit trop facilement que le médecin ne peut jamais se tromper et, de même, que la maladie ne le trompe pas.

Un médecin-naturiste (pourquoi pas des pharmaciens naturistes aussi ?) a demandé que chacun fasse son apprentissage de malade, pour être capable de se choisir un bon médecin ! C’est absolument comme si l’on demandait à quelqu’un de se faire cordonnier pour acheter de bonnes chaussures.

Chacun sait combien de défaites cela vaut, pour un électeur, de chercher à avoir un bon député ! Si, pour savoir se choisir un médecin, il fallait passer son existence à être malade, se laisser transformer en écumoire par les piqûres et les vaccins et s’ivrogner de médicaments jusqu’à se faire interner, les rôles de malade et d’électeur s’identifieraient, dans le plus grand supplice de la compréhension humaine.

Ce serait peut-être un moyen conduisant l’humanité vers la sagesse qui sait se passer de députés et de médecins ‒ ils sont souvent les deux à la fois ‒ par motif de suppression de leur nécessité, même quand ils se disent « naturistes ».

Laissons le médecin aux malades, plus ou moins volontaires et voyons l’hygiéniste à son rayon ; car, là encore, on tient boutique.

L’hygiéniste, quand il ne nous a pas indiqué cent produits de sa signature, avec des noms bizarres où il se reconnaît du reste à peine lui-même, nous aura comblés de littérature (lui aussi !) et de conseils, admettons-le, sages et désintéressés.

Il nous a dit : « Respirez profondément, ouvrez vos fenêtres la nuit, lavez-vous, chaque matin, le corps entièrement nu, à l’eau froide, portez des vêtements légers, fréquentez la campagne, la mer, la montagne, autant que vous le pourrez » Mais, la consultation terminée, notre éminent hygiéniste s’entoure de plusieurs épaisseurs de flanelles (de sa marque), de tricots « spéciaux », de paletots, de pardessus, de trench-coats, puis s’engouffre dans le métro, ou dans sa limousine plus souvent, pour, de la journée, de la semaine, d’un mois à un autre, y être enfermé pour courir les adresses de ses clients ‒ de plus en plus nombreux ‒ entre deux bains de vapeur !

Sur ses conseils, vous achetez ‒ chez lui ‒ un spiroscope, des instruments à singer le travail utile, des haltères de toutes natures, des cordes à nœuds, et une foule d’attirails qui feront ressembler l’endroit où on les resserre, à un coin de tribunal sous l’Inquisition !

Notre hygiéniste aura sa gymnastique « spéciale », condamnant toutes les autres. Il excellera dans l’art de créer, de toutes pièces, un régime excluant tout ce que ses confrères auront permis et recommandant tout ce qu’ils auront interdit. Et tout cela, avec force théories qui lui vaudront d’être la véritable « Sorbonne » d’une foule de sociétés, dites savantes.

Quelquefois, un établissement spécial ‒ le sien ‒vous est plus particulièrement imposé et l’on vous y soigne en « ami » pendant tout le temps… nécessaire.

La maladie a ainsi créé ses commerces, ses industries, ses politiques, ses modes, ses arts, ses sciences, ses intrigues et ses poètes ! Dénoncer tout cela, ce serait soulever un monde, et quel monde ! Nous ne voulons pas, ici, nous spécialiser dans cette partie, quelque belle œuvre de salubrité que ce soit.

Nous en avons juste assez dit pour que soient avertis ceux qui ne sont pas tout à fait inaptes à la santé du corps et de l’esprit. ‒ L. Rimbault.

(Voir aussi maladie, prophylaxie (hygiène), nourriture (et alimentation), naturisme, santé, végétarisme, végétalisme, etc.)


MÉDECINE n. f. (rad. médecin). La médecine est l’art de soigner les malades. Depuis qu’il y a des hommes, elle s’est penchée sur la souffrance pour la soulager. Elle a pris, pour arriver à cette fin, ce qui lui a semblé le meilleur, c’est-à-dire qu’elle a usé des connaissances qu’elle avait sous la main ‒ connaissances qui n’étaient parfois que des croyances ou des préjugés, mais qui souvent étaient des acquisitions empiriques d’une efficacité réelle, bien qu’assez limitée.

La médecine est donc essentiellement une pratique. Le médecin est surtout un praticien ; il a souvent besoin d’agir tout de suite, sans attendre la certitude, d’agir pour le mieux, avec la préoccupation de ne pas nuire à son client.

En toutes choses l’humanité a vécu d’empirisme, c’est-à-dire qu’elle a agi par tâtonnements. Mais elle s’est efforcée de remonter aux causes des phénomènes et même de les mesurer : c’est ce qui constitue la science, qui, elle, nous donne le moyen de reproduire le phénomène, ou de l’éviter, ou de le combattre. La science est en perpétuel devenir. Ce n’est pas parce qu’elle se meut dans le relatif qu’il faille proclamer sa faillite. Ceux qui ont besoin d’une certitude absolue ont conservé l’âme et la mentalité des primitifs, c’est-à-dire de ceux qui ne savent rien.

La science a commencé de se constituer dans l’étude des phénomènes les plus simples. Même là, l’évolution a été très lente. L’esprit humain était trop encombré par la croyance aux influences mystiques pour envisager la causalité toute nue. Les Grecs ont libéré l’esprit humain, mais l’arrivée du christianisme a annihilé l’essor scientifique, et il a fallu parvenir aux temps modernes pour que la science reprît librement le cours de ses recherches. Il n’y a pas si longtemps que la chimie est étudiée scientifiquement. À cause de la complexité des phénomènes et de l’impossibilité presque complète de faire des expériences, la médecine et la sociologie vont encore plus lentement.

Pourtant un grand pas a été fait, lorsque Pasteur, qui était non pas médecin, mais chimiste, découvrit, en étudiant les fermentations, la cause des maladies infectieuses. Or, les maladies infectieuses, c’est-à-dire les maladies microbiennes, tiennent la plus grande part dans la pathologie. La connaissance des microbes, de leur culture, de leurs réactions a été un débroussaillement nécessaire. L’étude des réactions humorales, celle des glandes à sécrétion interne commencent à s’amorcer. On ira plus loin, on ira, de plus en