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moins remarquables selon la tournure et la force de l’imaginative chez l’hypnotisé.

Restent certains phénomènes peu fréquents, mais non moins naturels, quoi qu’en disent les prêtres des différentes religions. La vision à distance est du nombre ; un très bon somnambule décrira un événement qui se passe au loin, nous renseignera sur les occupations d’un ami, d’un parent. C’est chose rarissime ; dans ce domaine la supercherie règne en maîtresse ; l’adresse est prise pour du merveilleux, par des spectateurs simplistes. Aucune difficulté, d’ailleurs, pour expliquer les cas certains, sans recourir ni à dieu ni au diable. Il s’agit là de faits télépathiques, d’ondes nerveuses probablement qui, à l’instar d’une télégraphie sans fil, permettent à quelques cerveaux de communiquer entre eux directement.

Rien de surnaturel non plus dans les phénomènes organiques obtenus par suggestion. « Un magnétiseur, constatait déjà Charpignon, peut faire qu’une douleur fictive produise une trace de blessure ou qu’un sinapisme idéal rougisse la peau. » Les médecins savent combien de guérisons s’obtiennent avec de l’eau ou des pilules de mie de pain, baptisées de noms extraordinaires. De nombreux magnétiseurs sont parvenus à produire des plaies, qu’il est impossible de ne pas prendre pour des brûlures véritables ; et par la seule force de l’imagination des sinapismes inexistants provoquent un gonflement de la peau. « Ce gonflement de la peau, écrit Pierre Janet, est étroitement en rapport avec la pensée du somnambule ; d’abord il se produit à l’endroit qui a été désigné et non à un autre ; puis il affecte la forme que le sujet lui prête. Je dis un jour à Rose, qui souffrait de contractures hystériques à l’estomac, que je lui plaçais un sinapisme sur la région malade pour la guérir. Je constatais quelques heures plus tard une marque gonflée d’un rouge sombre ayant la forme d’un rectangle allongé, mais, détail singulier, dont aucun angle n’était marqué, car ils semblaient coupés nettement. Je fis la remarque que son sinapisme avait une forme étrange : « Vous ne savez donc pas, me dit-elle, que l’on coupe toujours les angles des papiers Rigollot pour que les coins ne fassent pas mal ? » L’idée préconçue de la forme du sinapisme avait déterminé la dimension et la forme de la rougeur. J’essayai alors un autre jour (les sinapismes de ce genre enlevaient très facilement ses contractures et ses points douloureux) de lui suggérer que je découpais un sinapisme en forme d’étoile à six branches ; la marque rouge eut exactement la forme que j’avais dite. Je commandai à Léonie un sinapisme sur la poitrine du côté gauche en forme d’un S pour lui enlever de l’asthme nerveux. Ma suggestion guérit parfaitement la malade et marqua sur la poitrine un grand S tout à fait net. » Nous saisissons, ici, le secret des stigmates portés par François d’Assise et plusieurs saintes, ainsi que celui des guérisons miraculeuses obtenues à Epidaure dans l’antiquité, sur la tombe du diacre Pâris au xviiie siècle, à Lourdes et dans les milieux théosophiques aujourd’hui. Un médecin suisse vient tout récemment de confirmer cette action thérapeutique de la pensée, non seulement lorsqu’il s’agit de maladies nerveuses, mais lorsqu’il s’agit d’affections manifestement organiques. Par la seule force de l’imagination, et sans recourir au sommeil hypnotique, il est parvenu à guérir un nombre prodigieux de verrues, jusque-là rebelles à toute médication. Ces petites tumeurs de la peau semblaient pourtant n’être soumises que très médiocrement à l’influence du système nerveux.

L’idée est une force, du moins lorsqu’à l’élément cognitif s’ajoutent des éléments d’affectivité : joie ou souffrance, désir ou répulsion. Elle tend à se réaliser, et

se réalise en fait lorsqu’aucun obstacle ne l’empêche de se transformer en actes, en mouvement. De cette loi psychologique des vérifications expérimentales nous sont constamment données : lorsqu’on n’y prend garde, rire, bâillement, toux, accent sont contagieux, aussi la peur, l’enthousiasme et les autres émotions. La mode, en matière d’habits comme d’opinions, les multiples manifestations de l’esprit grégaire, l’imitation sous toutes ses formes sont autant de preuves nouvelles de la puissance de l’idée. Dans un troupeau de moutons, il suffit d’un fuyard pour déterminer une panique ; et les manifestations de joie ou d’irritation collective sont fréquentes chez les animaux. Le vertige a sa cause dans l’idée du vide ; les mouvements du pendule de Chevreul dans celles du nombre et de la direction pensés, ceux des tables tournantes ou frappantes dans la croyance des assistants ; on sait que la publicité repose sur la suggestion. C’est de la même façon que s’expliquent un très grand nombre de phénomènes magnétiques. Sans reconnaître à ces derniers l’importance excessive que leur attribua le xixe siècle finissant, nous refusons de faire nôtre l’opinion de Delmas et Boll qui réduisent l’hypnotisme à une « simulation de sommeil somnambulique par mécanisme mythomaniaque ». Sujets et médiums sont quelquefois des mythomanes et des « menteurs constitutionnels » ; il serait faux de croire qu’ils le sont toujours. ‒ L. Barbedette.


MAHOMÉTISME. (ou Islamisme). n. m. (de Mahomet, forme occidentale de l’arabe Mohammed). Sans parler des travers inhérents à toute religion, l’islamisme a répandu trop de sang, fait verser trop de larmes pour que nous prenions sa défense. Pourtant l’on doit reconnaître que les auteurs occidentaux, ceux qu’anime la mauvaise foi catholique surtout, se montrent en général d’une partialité insigne lorsqu’ils parlent de Mahomet, de sa personne ou de son enseignement. Accusations injustifiées, mensonges, calomnies foisonnent sous leur plume ; contre le concurrent arabe de Jésus-Christ ils font flèche de tout bois. Alors que nous manquons de documents authentiques concernant le Christ et qu’il est même permis de douter de son existence effective, nous possédons sur le fondateur de l’islamisme des renseignements absolument certains. Sa bonne foi ne saurait être mise en doute. Impressionnable au point de se trouver mal en respirant certaines odeurs, il était sujet à de violentes crises nerveuses qu’il tenait de sa mère. Halluciné, comme tant de mystiques chrétiens, il crut sincèrement voir des anges, entendre des voix. Ses préoccupations religieuses l’avaient conduit à s’affilier aux Hânijs, secte de dévots dissidents qui priaient, jeûnaient, se privaient de vin et voulaient remplacer le polythéisme arabe par le culte d’un dieu unique. Mais il fut épouvanté et se crut possédé d’un djinn, quand un ange (il sut plus tard que c’était Gabriel) lui révéla pour la première fois sa mission en 611. La vision, semble-t-il, eut lieu pendant son sommeil, alors que, retiré dans la solitude du mont Hira, il se livrait à des jeûnes et à des méditations qui surexcitaient son cerveau. Fort simple, bon pour les femmes, les pauvres, les animaux, Mahomet ou mieux Mohammed, n’était ni orgueilleux, ni vaniteux ; et, bien que le prophétisme fut chose assez courante chez les sémites, il s’estimait indigne d’être choisi par Dieu. Ses scrupules devinrent tels, malgré les encouragements de sa femme Khadidja, qu’il songea au suicide. Mais, trois ans plus tard, les visions reparurent et en plein jour la voix de Gabriel avait toujours le même timbre ; Mahomet la percevait à travers un bourdonnement comparable, disait-il, à la grosse clochette du chameau qui marche en tête d’une caravane : « Tu es le prophète du Seigneur », disait