Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 1.djvu/193

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
ATT
192

Argentine), le 23 septembre 1920, en qualité d’immigrant, ouvrier mineur, tua avec une bombe de dynamite le lieutenant-colonel Hector B. Varela, qui avait ordonné le massacre des ouvriers de Santa Cruz (Patagonie-Argentine), révoltés contre leurs oppresseurs. — Novembre. La Ligue de l’Action Française, dans son journal, lance chaque jour des calomnies abominables sur les anarchistes. Une impulsive jeune fille de 20 ans Germaine Berton, veut mettre fin à ces insultes en tuant l’inspirateur des gens du roi : Léon Daudet. Dans les bureaux, elle ne trouve que Plateau, le metteur en scène de tous les mauvais coups. Elle lui décharge son browning, il tombe mortellement atteint.

1925, Égypte. Assassinat d’un chef militaire anglais. — Sofia (Bulgarie). La cathédrale est le théâtre d’une formidable explosion. Cet attentat est, sans doute, celui (de ce genre) qui fit le plus grand nombre de victimes. La répression qui s’en suivit dépasse en horreur tout ce que l’Histoire a enregistré de plus sauvage et tout ce que l’imagination peut concevoir.



À cette liste, qu’il convient de compléter par l’attentat de Law, de Taulèle, de Bouvet, de Castagna, de Bonomini, pour la France et de quantité d’autres attentats ― individuels ou collectifs ― ayant eu lieu un peu partout, il faut ajouter la foule de complots, d’attentats, de gestes de révolte et de soulèvements populaires que cette énumération, rapide et forcément incomplète, ne mentionne pas. Aux mots Bolchevisme, Dictature, Fascisme, on trouvera une liste édifiante des innombrables attentats provoqués, d’un côté et de l’autre, par ces odieux et néfastes régimes.

De 1914 à 1918, au cours des horreurs sanglantes qui ont converti une partie de la planète en une scène gigantesque sur laquelle se sont déroulées les plus épouvantables péripéties d’un Drame sans précédent, innombrables ont été les mutineries de soldats las d’être brimés et sacrifiés par l’incapacité, l’imprévoyance et la froide férocité du Haut-Commandement, ainsi que les gestes de désobéissance par lesquels les combattants se sont refusés aux ordres qui leur étaient donnés. Lorsque ces faits seront divulgués et, avec le recul suffisant, appréciés et compris, on constatera que si l’obéissance aveugle fut la règle générale en ces années de massacre frénétique, vaillantes cependant et beaucoup moins rares qu’on est tenté de le croire, furent l’indiscipline chez les soldats et l’indignation active chez les civils.

Nous avons déjà dit et nous répétons que cette étude concernant les attentats n’est pas close. Nous y reviendrons. (Voir Complot, Conspiration, Émeute, Grève, Insurrection, etc. Consulter surtout la deuxième et la troisième partie de cette Encyclopédie Le lecteur y trouvera nombre de précisions et de faits dont nous renvoyons l’exposé à ces deux parties, afin de ne pas surcharger cet article déjà copieux.) — L. Guérineau.


ATTRACTION. n. f. (du latin attractio, de ad, et trahere, supin, attractum, tirer). Action d’attirer, aussi bien au sens propre qu’au sens figuré. — En Physique : loi de l’attraction universelle ou loi de Newton, loi par laquelle tous les corps de la nature s’attirent mutuellement, en raison directe de leurs masses et en raison inverse du carré de leurs distances (cette loi permet d’expliquer les mouvements des astres) ; Attraction moléculaire ou force de cohésion : attraction qui s’exerce entre les parties d’un même corps par le contact immédiat ; Attraction magnétique : attraction par laquelle les aimants attirent le fer. (Voir Magnétisme) ; Attraction électrique, attraction par laquelle les corps électrisés attirent les corps légers ou s’attirent entre eux (Voir Électricité). — Au figuré, on dit que

quelque chose exerce une attraction sur quelqu’un lorsque ce quelqu’un est particulièrement attiré et intéressé par ce quelque chose. On dira par exemple : Le mirage politique exerce une souveraine attraction sur les ambitieux ; ou bien : les cérémonies religieuses et les fables cléricales exercent une redoutable attraction sur les âmes faibles ; et aussi : l’anarchisme exerce une invincible attraction sur l’esprit des hommes libres. Les sujets de l’attraction changent naturellement avec le caractère et la mentalité des humains. Le propagandiste anarchiste doit être assez psychologue pour savoir en tenir compte et faire vibrer la corde sensible : particulière à chaque individu. Il doit combattre et ruiner par tous les moyens, dans les esprits simples et influençables, les attractions néfastes, telles celles de la religion ou de la gloire militaire. Sa tâche est de faire naître ― ou de cultiver lorsqu’elles existent déjà ― les attractions régénératrices que tout homme sincère et évolué doit éprouver pour une société future d’où seront balayés l’autorité, le mensonge et l’inégalité.


AUTODIDACTE. adj. et n. (du préf. auto et du grec : didaskein, enseigner). On dit d’une personne qu’elle est autodidacte quand elle s’est instruite elle-même, sans professeur. Dans la société actuelle, c’est un des plus beaux éloges que l’on puisse faire d’un homme de dire que c’est un autodidacte. Car il faut une volonté bien trempée et une intelligence de premier ordre pour triompher des difficultés sans nombre que rencontre celui qui, né de famille humble, veut enrichir son esprit de quelques connaissances humaines. On sait, en effet, la déplorable pauvreté des connaissances que l’École primaire met à la disposition des enfants pauvres. On y enseigne à l’écolier juste assez pour que, devenu homme, il fasse un ouvrier point complètement illettré mais ignorant toutefois des plus passionnantes activités de l’esprit. Celui qui ne veut pas se résigner à rester toute sa vie un outil passif aux mains des classes possédantes, doit donc continuer ― ou plutôt commencer ― à s’instruire au sortir de l’école. Mais il lui faut lutter contre les obstacles d’ordre matériel et contre les obstacles d’ordre moral. Il lui faut disputer les heures d’études aux heures du travail pour le pain de chaque jour, et il lui faut défendre sa personnalité naissante contre le dédain haineux des privilégiés de l’instruction. Mais aussi, quelle différence avec les mécaniques étudiants, lorsque l’autodidacte a pu arracher quelques-unes des précieuses connaissances ! Désormais, l’autodidacte sera armé pour la lutte des idées et pourra prendre avec succès la défense de ses frères de misère. Il faut que le peuple apprenne à s’instruire par lui-même. Là seulement est son salut. Beaucoup, hélas ! reculent devant l’effort qu’il faut fournir. Mais ils auraient tort de se décourager. L’épreuve est ardue, mais elle n’est pas impossible. Et chaque pays fournit des exemples qui en disent plus long que toutes les exhortations. N’a-t-on pas vu, en France, le jeune J.-H. Fabre, commencer ses études en vendant des oranges sur le marché de Beaucaire ? Armé de son seul courage, il a pu cependant conquérir diplômes et connaissances plus vite que tous les privilégiés des collèges ; et il a pu, par la suite, devenir un de nos plus remarquables savants. En littérature, n’a-t-on pas vu Pierre Hamp, ancien gâte-sauce, devenir un de nos meilleurs écrivains ? À l’étranger, faut-il citer le cas de Jack London, tour à tour débardeur, chercheur d’or, docker, et, finalement, un des plus célèbres romanciers du globe ? Faut-il rappeler la vie mouvementée et miséreuse de Maxime Gorki, en Russie, et de Panaït Estrati, dans les Balkans ? Les exemples ne manquent pas, comme on le voit, d’hommes qui, par leur énergie, sont arrivés non seulement à une profonde culture mais encore sont parvenus à bâtir une