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La Fédération des Bourses restait la seule organisation vraiment vivante. Elle donna naissance à la C. G. T. en 1895, à Limoges.

Les Congrès de Nîmes (1895), Tours (1896), Toulouse (1897), Rennes (1898), Paris (1900), marquèrent le mouvement ascendant des Bourses du Travail et lorsque la fusion se fit en 1902 à Montpellier, il n’y avait plus, en fait qu’une seule organisation. Le Congrès de Paris comptait 57 Bourses et {1065 Syndicats. C’est assez dire l’importance de ce mouvement purement économique, après 14 années d’existence seulement.



Origine des Bourses du Travail. — Politiquement, dit Pelloutier, les Bourses du Travail datent d’un siècle. C’est-à-dire du jour (2 mars 1790), où un rapport (devenu introuvable), de M. de Corcelles, en agita le projet devant la Constituante, au moment même où Le Chapelier proscrivait les corporations mais mettait, en fait, les syndicats, qu’il sentait venir déjà, hors la loi.

Ce projet fut enterré par le département des Travaux publics.

Il ne revoit le jour qu’en 1845, c’est-à-dire 55 ans après. M. de Molinari, rédacteur en chef du Journal des Économistes, conçut l’idée d’une Bourse ouvrière. Il la définit dans son célèbre ouvrage les Bourses du Travail (1 vol. in-18). Pour la réaliser, il se mit en rapport avec les associations populaires et les entrepreneurs publics parisiens. Il ne fut compris ni par les uns ni par les autres. Après 7 années d’efforts et un essai de publication d’un Bulletin de la Bourse du Travail, il dut abandonner ses efforts.

Pourtant, dans cette époque la question de la Bourse des Travailleurs fut agitée tant à l’Assemblée législative qu’au Conseil Municipal où M. Ducoux, alors Préfet de Police, soumit, en 1848, un projet très complet. Le 3 février 1857, le même M. Ducoux, devenu Représentant du Peuple, disait à l’Assemblée, par allusion à la Bourse des valeurs : « Que nos agioteurs se promènent dans un palais somptueux, peu m’importe ; mais accordez-moi un modeste asile, un lieu de réunion pour les travailleurs. »

Langage subversif dans une telle bouche, et que ne tiendraient point ses successeurs d’aujourd’hui.

Il n’obtint pas satisfaction, bien qu’il eût à nouveau reposé la question le 12 août suivant.

Vingt-quatre années s’écoulèrent avant qu’il fût question de la Bourse du Travail au Conseil Municipal. C’est le 24 février 1875 qu’il fût de nouveau présenté un projet de construire deux salles : l’une rue de Flandre, l’autre avenue Laumière, « afin de pouvoir abriter les groupes d’ouvriers, qui se réunissent chaque matin pour l’embauche », disait ce projet.

Cet essai n’eut pas plus de succès que les précédents. Ce n’est qu’en 1886, le 5 novembre, que M. Mesureur déposa son rapport au Conseil Municipal de Paris, concluant à la création d’une Bourse du Travail à Paris. On trouvera rapport et statuts pages 126 et 127 de l’Histoire des Bourses du Travail.

Cette fois la cause fut gagnée et le 3 février 1887, le Conseil Municipal remettait solennellement aux Syndicats, l’immeuble de la rue Jean-Jacques Rousseau, auquel il ajoutait, en 1892, celui de la rue du Château-d’Eau.

Désormais l’immeuble existait. Il s’agissait d’en faire une œuvre syndicale, de la développer, de l’étendre au reste du pays. Ce fut le rôle du Congrès de Saint-Étienne en 1892 et dès 1894, les Bourses du Travail repoussaient, sous quelque forme que ce soit, l’ingérence, dans leur administration, des autorités gouvernementales et communales.

En juin 1895, la Fédération des Bourses comptait déjà 34 Bourses avec 606 Syndicats ; en 1896, 46 Bour-

ses et 862 Syndicats ; en 1900, 57 Bourses et 1.065 Syndicats.

Cette progression continue, l’affirmation d’indépendance formulée dès 1894, montrent mieux qu’on ne pourrait le faire aujourd’hui, la grande vitalité et le caractère de classe de ce mouvement économique de la classe ouvrière exerçant son action hors de toute tutelle politique. En 1901, le 30 juin, il y avait 74 Bourses et près de 1.200 Syndicats. C’était la forte ossature de la C. G. T. à la veille du Congrès de Montpellier (1902).



Comment se crée une Bourse du Travail. — De toute évidence pour constituer une Bourse du Travail, il faut, au préalable, constituer des Syndicats. Lorsque plusieurs Syndicats existent dans une même ville, leur première tâche doit être d’établir entre eux des relations suivies pour coordonner leur action face à celle des Chambres patronales. La Bourse du Travail ou Union locale des Syndicats, est l’organisme qui permet d’établir cette liaison indispensable. La constitution de la Bourse du Travail a pour but, dans la société actuelle, de former une « Association de résistance », capable de devenir à tout moment, une association d’organisation, de gestion et de répartition.

En ce moment, la Bourse du Travail a donc déjà deux tâches à remplir : lutte contre le patronat, préparation des organismes et des cadres de l’ordre social reposant sur le travailleur.

Dès qu’il y a plusieurs Syndicats dans une même localité ou dans les environs, il convient de provoquer une réunion de ces Syndicats, d’exposer à leurs représentants le rôle et l’utilité de la Bourse du Travail.

Aussitôt constitution de la Bourse, il faut, tout de suite, la doter d’un programme d’action immédiate : lutte pour augmentation des salaires, mesures à prendre contre le chômage, la vie chère, application des lois sociales, organiser un service de placement ouvrier.

Les services qui doivent être créés immédiatement sont : le Secrétariat, la Trésorerie, les archives, la bibliothèque, le placement, la tenue du registre de chômeurs par professions, la caisse de secours pour les ouvriers de passage, le service de l’enseignement professionnel, l’organisation de cours et conférences économiques.

Pour conserver son indépendance, il est préférable, si elle le peut, que la Bourse n’accepte pas de subvention communale ou départementale et qu’elle organise ses services dans un local lui appartenant. Si elle ne peut agir ainsi, si elle est obligée, en raison de la modicité de ses ressources, d’accepter une subvention, si elle s’abrite dans un local municipal, elle doit, dès le début affirmer son caractère d’indépendance vis-à-vis des pouvoirs départementaux et locaux et déclarer très nettement qu’elle se tiendra, et exclusivement, sur son terrain particulier de classe.



L’œuvre des Bourses du Travail. — Les services créés par la Bourse du Travail peuvent se diviser en quatre classes : 1o le service de la Mutualité qui comprend le placement, les secours de chômage, le viaticum ou secours de route, les secours contre les accidents ; 2o le service de l’enseignement qui comprend la bibliothèque, l’office de renseignements, le musée social, les cours professionnels et ceux de l’enseignement général ; 3o le service de la propagande, qui comprend les études statistiques et économiques préparatoires, la création des Syndicats industriels, agricoles, maritimes, des Sailors’ homes (maisons du marin), des sociétés coopératives, la demande de conseils de prud’hommes, etc. ; 4o le service