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À mon sens, une association de camarades anarchistes, c’est un milieu anti-autoritaire dont les composants ont décidé, entre eux, de se procurer la plus grande somme de joie et de jouissances compatible avec la notion anarchiste de la vie. La tendance d’une association ou union d’anarchistes, toujours selon moi, est qu’en son sein se réalise la satisfaction de tous les besoins, de tous les désirs, de toutes les aspirations que peuvent éprouver et ressentir des êtres qui, tout en niant les dieux et les maîtres, ne veulent être des dieux et des maîtres pour aucun d’entre eux.

Je ne trouve pas de meilleur synonyme pour le terme camaraderie que le vocable bonté.

On peut exposer que tout recours à l’autorité étant écarté pour régler les rapports entre êtres humains, il va de soi que le recours au raisonnement s’impose pour la solution des difficultés qui peuvent surgir dans le milieu anti-autoritaire. N’est capable ― semble-t-il au premier abord ― de se passer d’autorité extérieure que celui qui se sent apte à se servir lui-même et de loi et de coutume. Sans doute. Dans tout milieu actuel ou à venir où on ignore les institutions étayées sur la contrainte, il est évident qu’on aura recours à la raison, à la logique pour résoudre les conflits ou les désaccords qui peuvent ou pourront malheureusement survenir ou subsister parmi ceux qui le constituent. Toujours ? Cet éternel, ce continuel appel à la froide raison ou à la logique implacable est insatisfaisant. Pareil milieu ressemblerait, à y réfléchir sérieusement, à une salle d’hôpital ou à un couloir de prison cellulaire bien entretenue.

Non, la raison, la logique ne suffisent pas à établir, à régler les rapports entre les hommes lorsque le recours à la violence ou à l’action gouvernementale en est exclu. Un facteur autre est indispensable, et ce facteur, c’est la bonté, dont la camaraderie est la traduction concrète. Force ici est de se rappeler que l’humain assez conscient pour écarter l’autorité de ses rapports avec ses semblables, n’est pas seulement doué de puissantes facultés d’analyse ou de synthèse, n’est pas seulement un mathématicien ou un classificateur ; c’est un être sensible, compréhensif, bon. Bon, parce qu’il est fort. On peut suivre une marche désespérément rectiligne et être un faible ― plus qu’un faible ― un pauvre hère qu’une excursion hors de la ligne droite désorienterait irrémédiablement. Le logicien imperturbable est souvent un déficient qui perdrait toute faculté de se conduire s’il était transporté hors du cycle de ses déductions. La logique indistinctement appliquée à tous les cas trahit souvent un manque de compréhensibilité, de la sécheresse intérieure. Or, voici, pour moi, comment se définit la camaraderie, mise en pratique de la bonté : essayer, s’efforcer, tenter de saisir, de comprendre, de pénétrer, voire de s’assimiler les désirs, les aspirations, la mentalité en un mot, de celui, de celle, de ceux avec qui les habitudes ou les imprévus de la vie quotidienne nous mettent en présence ou nous laissent en contact.

Quoiqu’en prétendent les secs doctrinaires, je maintiens que la bonté reste sinon le principal, du moins l’un des principaux facteurs qui président aux relations entre les composants d’un milieu d’où est bannie toute autorité ― la bonté qui se penche sur la souffrance que l’existence engendre chez les vivants, la bonté qui n’est pas envieuse, la bonté que ne rebute pas une apparente froideur, la bonté qui ne s’irrite point et qui ne soupçonne point le mal, qui use de patience et de longanimité, la bonté qui revient plusieurs fois à la charge si elle a des raisons de supposer que son geste a été faussement interprété, la bonté qui espère et qui supporte ; la bonté qui sait tout le prix, toute la valeur d’une parole qui apaise,

d’un regard qui console ― oui, la bonté en action, c’est-à-dire la camaraderie.

Nous pensons que c’est l’autorité qui est la cause de tous les maux dont se plaignent les individus et dont se lamentent les collectivités ; nous pensons que la « douleur universelle » est la résultante des institutions coercitives. Un milieu sans autorité, un milieu camarades, c’est un milieu où on ne doit plus souffrir, un milieu où on ne saurait rencontrer un cerveau qui s’atrophie faute de culture, un seul estomac qui se contracte faute de nourriture, un seul cœur saigne faute d’amour ― car où tout cela manque, fait défaut la possibilité de liberté de choix. ― Un milieu anti-autoritaire qui ne fait pas, qui ne ferait pas tout son possible pour assurer cela à ses constituants nous est, nous serait une pénible déception, une désillusion cruelle, n’aurait avec « un milieu de camarades », que des rapports vraiment trop lointains.

On peut objecter qu’il est des souffrances inévitables ; qu’en supposant même que toute autorité soit bannie des groupes où l’on évolue, il n’est pas certain qu’on se comprenne, les uns les autres sur tous les points. J’en conviens. Mais je demande à mon tour si le raisonnement aride, âpre et dur est à même de réduire à un nombre toujours moindre, les cas de douleur évitable ? Je maintiens que la bonté souple, flexible, assimilatrice réussira là où échouera l’implacable logique. Le monde de nos aspirations ― celui où nous souhaitons nous développer, croître, nous sculpter ― le milieu de camarades, le milieu nouveau après lequel languissent et notre chair et notre esprit, c’est une ambiance sociable, où ne seront plus trouvées rancœur, amertume, insatisfaction. C’est un monde nouveau pour de vrai. C’est un monde où un effort constant, inlassable, est voulu pour réduire à un minimum toujours plus restreint les occasions de souffrance inévitable. C’est un monde de camarades. Eh bien, selon moi, dans ce monde nouveau, la bonté joue, jouera un rôle plus décisif que la raison pure. Et c’est ce rôle déterminant de la bonté, rôle volontaire, qui résume, à mon sens, toute la camaraderie. ― E. Armand.


CAMARILLA. n. f. (mot espagnol diminutif du latin camera, chambre). La camarilla est la coterie influente qui règne à la Cour d’Espagne. Par extension on se sert du mot camarilla pour désigner le groupe des courtisans qui dirigent les actes d’un chef d’État, d’un prince, d’une haute autorité quelconque. Dans un État, la camarilla est d’autant plus puissante que le chef est plus faible. Autant que le chef ― et parfois plus que lui ― elle est responsable des guerres et autres calamités qui s’abattent sur les peuples. Composée d’arrivistes et de jouisseurs sans scrupules, la camarilla n’a qu’un but : satisfaire ses intérêts, fût-ce en provoquant la ruine d’une nation. Pour citer des exemples récents, rappelons le rôle criminel des camarillas qui entourèrent Guillaume II et Nicolas II. Les camarillas sévissent dans tous les états, aussi bien dans les états républicains que dans les états monarchiques. Et elles sont aussi néfastes dans les uns que dans les autres. Seul un énergique assainissement pourra délivrer les peuples de ces coteries de parasites. Et seule la Révolution pourra réaliser cet assainissement.


CAMBRIOLAGE. n. m. Action qui consiste à s’introduire dans la demeure d’autrui, pour y dérober ce qui lui appartient.

De même que le vol, l’escroquerie, le meurtre, le crime, le cambriolage est un fruit de l’arbre social actuel, il est un des vices qu’engendre le capitalisme.

La bourgeoisie et sa justice prétendent que le cambriolage est fils de l’oisiveté, de la paresse, etc…, alors qu’en réalité il est souvent déterminé par la misère et