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justice les jugements partiaux et criminels d’un tribunal ou d’un jury. Etc… Seule la candeur de la foule permet à certaines institutions de continuer leur besogne néfaste. Le jour où tous les hommes jugeront sainement, en pesant soigneusement les arguments, en examinant froidement les choses et les gens, ce jour-là ils se demanderont comment ils ont pu être les victimes de mensonges aussi grossiers. Leur candeur aura fait place à une raison saine et clairvoyante. Le règne des charlatans aura vécu.


CANDIDAT. (du latin : candidatus, blanc). L’origine du mot laisse supposer, qu’un candidat, qu’elle que soit la place, le titre, la fonction qu’il postule doit être « blanc » de toute souillure, vierge de tout reproche. Vulgarisé, le mot a dépassé sa valeur étymologique.

On s’inscrit comme candidat pour subir un examen, pour obtenir un diplôme, mais le mot candidat s’applique surtout aujourd’hui à celui qui se présente pour obtenir des électeurs un mandat politique, ou une charge publique : « candidat au Parlement, candidat au Conseil municipal, candidat au Conseil général, candidat au Conseil d’arrondissements, etc. ».

Pour tout homme raisonnable et logique, un candidat est un homme moralement discrédité ; car, pour obtenir de ses électeurs les suffrages qu’il réclame, il est obligé d’user d’intrigues et de bassesses. La corruption des candidats n’est pas nouvelle et certaines lois romaines du reste inopérantes, édictées cinq siècles, avant l’ère chrétienne prévoyaient des mesures pour assurer la loyauté des candidats et la propreté des élections. En étendant son champ d’action, la politique a également étendu son champ de corruption, et le candidat n’hésite pas à affirmer les monstruosités les plus invraisemblables, à employer la délation, la diffamation, le mensonge, pour abattre un adversaire, qui n’est du reste d’ordinaire pas plus intéressant que lui. Les procédés les plus ignominieux sont employés par le candidat pour assurer son succès. Il ne recule devant aucune promesse, même les plus ridicules, les plus irréalisables, pour s’attacher les faveurs de l’électeur sollicité et, si cela ne suffit pas, il ne répugne pas à acheter les consciences, de même qu’il est prêt à vendre la sienne.

Les exemples de candidats qui ont trahi sont innombrables et nombre de pays offrent un curieux assemblage d’hommes de toutes classes, qui, entrés dans la politique par la porte de gauche, se trouvent, quelques années plus tard, les plus farouches adversaires de la classe ouvrière. On se demande qui est le plus à blâmer : de l’électeur naïf et par trop crédule, ou du candidat retors et menteur. L’électeur est la cause dont le candidat est l’effet ; ce n’est que celui-ci qui peut supprimer celui-là. (Voir Électeur. Élection.)


CAPITAL. n. m. Dans les milieux ouvriers, on confond facilement « Capital » et « argent », bien que ce soient deux choses tout à fait différentes. L’argent n’est qu’un intermédiaire, en usage pour faciliter l’échange d’un produit contre un autre produit (voir Argent), alors que le capital est la source de toute la production du globe.

Sa définition pourrait être très brève : « Le capital est la matière inerte qui, soumise à l’influence du travail humain, prend contact avec la vie et donne naissance à toute la richesse sociale du monde », Dans le langage courant, le terme est employé différemment et sert à désigner l’ensemble des produits accumules, un somme d’argent destinée à une entreprise, le dépôt initial d’une banque ou le principal d’une rente ; mais, quelle que soit la signification qu’on lui donne, on peut dire que le travailleur est dépourvu de capital et que

celui-ci est entièrement entre les mains des puissances capitalistes.

Même si l’on considère comme Capital la puissance de travail de l’homme, il faut immédiatement reconnaître que ce capital est improductif s’il n’a pas à sa disposition un champ d’expérience où il puisse s’exercer. On ne peut en effet concevoir le travail d’un laboureur qui n’aurait pas de terre à ensemencer ou celui d’un forgeron dépourvu d’acier ou de fer. Même dans le domaine intellectuel, le capital « pensée » est improductif s’il n’arrive pas à s’extérioriser et à se matérialiser. Or, tout le capital matière, le capital visible, palpable a été accaparé par une minorité qui, par la ruse et par le vol, s’est rendue maîtresse de toute la terre et de tous les moyens de production. Les outils, les machines, les banques, les journaux, les champs, sont la propriété d’une poignée de jouisseurs, et le travail manuel et intellectuel ne peut se dépenser qu’autant que les possesseurs du capital, consentent à livrer leurs richesses à l’exploitation, et ils ne la livrent qu’à l’unique condition, que le capital travail leur réserve la part du lion.

Il est évident, que si le travailleur, refusait de louer ou de livrer son capital, celui des possédants serait également improductif ; nous croyons donc juste et logique notre définition du capital, lorsque nous disons qu’il est le composé de la matière, de la pensée, de l’intelligence et du travail.

Malheureusement par la vitesse acquise, par la routine, par les siècles et les siècles d’asservissement qui se sont succédés, le travailleur, totalement dépourvu de capital matière,’est incapable de se refuser à vendre à vil prix sa force productrice. La nécessité brutale et quotidienne l’oblige, s’il veut manger, à travailler en cédant la moitié ou les trois quarts de son capital travail et c’est ce qui produit, le bénéfice de celui qui, l’exploite. Alors que les stocks accumulés permettent aux détenteurs du capital d’attendre durant les périodes de trouble des jours meilleurs, le producteur est contraint par la faim de livrer sa seule richesse à un prix réduit.

La détention du capital par une poignée de privilégiés est donc une source de misère et de souffrance pour les uns et de bien-être pour les autres. Pourtant non pas seulement au point de vue anarchiste, mais en respect de la logique la plus élémentaire, le capital ne doit appartenir à personne, mais à tous. Il est le travail de générations entières qui ont souffert et fait effort pour nous léguer cet immense héritage et personne ne peut dire : « Ceci est à moi ».

Kropotkine écrit :

« Science et industrie, savoir et application, découverte et réalisation pratique menant à de nouvelles découvertes, travail manuel ― pensée et œuvre des bras, ― tout se tient. Chaque découverte, chaque progrès, chaque augmentation de la richesse de l’humanité a son origine dans l’ensemble du travail manuel et cérébral du passé et du présent. Alors de quel droit quiconque pourrait-il s’approprier la moindre parcelle de cet immense tout et dire : Ceci est à moi, non à vous ? »

Certes, Kropotkine a raison, avec tous les Anarchistes. Il s’est trouvé pourtant, en dépit de toute raison, des hommes pour affirmer : « Ceci est à moi » et d’autres pour se laisser déposséder.

Il est donc facile à comprendre qu’une nation, une province, une contrée, une famille, un individu, ne sont pas riches par la somme d’argent qu’ils possèdent et qui ne représente qu’une faible partie de leur capital, mais surtout par l’étendue des domaines productifs et exploitables qu’ils ont acquis : terrains cultiva-