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mum, perd de son énergie et meurt. Tout être vivant descend d’un être auquel il ressemble : la cellule, vient d’une cellule, la souris d’une souris, etc…

Lorsqu’une cellule a atteint les dimensions qu’elle ne peut dépasser, elle se segmente et donne naissance à deux autres cellules. Celles-ci, à leur tour, vont grandir et donner naissance à deux nouvelles cellules, et ainsi de suite. Si en se divisant, une cellule donne naissance à deux cellules, qui, au lieu de vivre isolées, restent attachées, nous assistons à la constitution, non plus d’un être unicellulaire ou protozoaire, mais d’un être pluricellulaire ou métazoaire. Les cellules d’un être métazoaire se disposent d’une certaine façon qui leur est imposée par les lois physiques et les conditions spéciales du milieu dans lequel elles se développent. D’après les places qu’elles occupent, elles subissent des influences différentes auxquelles elles réagissent, de sorte que la forme des cellules d’un être métazoaire peut varier dans le même être d’un endroit à l’autre ; certains groupes de cellules s’adaptent à remplir certaines fonctions, d’autres groupes s’adaptent à d’autres fonctions ; ces groupements de cellules deviennent des organismes.


CENSURE. n. f (du latin : Censura). Droit de suspension, d’interdiction, d’examen, sur les écrits, les journaux, les livres, les pièces de théâtre, préalablement à leur publication ou à leur présentation.

La censure est une très vieille institution et était considérée comme un des premiers ordres de la magistrature chez les Romains. Son rôle avoué était de corriger les abus que la loi n’avait pas prévus ; son rôle réel — comme de nos jours du reste — était d’étouffer les protestations des adversaires du pouvoir.

En France, la censure subsiste toujours bien qu’elle ait été légalement brisée en 1791, puis rétablie à plusieurs reprises ; mais elle ne s’exerce préventivement que durant les périodes de trouble. Pendant la dernière guerre, la censure permit aux gouvernements du monde de poursuivre la boucherie, tout écrit devant être soumis à son autorité pour obtenir l’autorisation d’être publié. La suppression de la censure préventive n’implique pas la liberté d’écrire ou de penser, et ceux qui se permettent, en France, comme dans les autres pays, de s’attaquer aux institutions établies, en vertu de principes jugés subversifs par les lois bourgeoises, sont victimes de la répression. Ce n’est par conséquent qu’une question de mesure, et lorsque les gouvernants des États bourgeois considèrent qu’il est de leur intérêt de supprimer totalement la liberté de la presse, ils n’hésitent jamais à ressusciter la censure préalable. C’est donc le principe même de la censure qu’il faut combattre, car elle est un abus dont usent les maîtres du pouvoir pour emprisonner la pensée, et écraser toute liberté individuelle ou collective.


CENTRALISME. n. m. Deux méthodes ont toujours lutté l’une contre l’autre, au sein des sociétés ; c’est la méthode autoritaire, qui veut tout rassembler sous la direction d’une personne, d’une coterie ou d’une caste, laquelle inévitablement s’en sert pour ses intérêts particuliers contre l’intérêt général ; et c’est la méthode libertaire, qui veut au contraire que chaque être humain soit son propre maître, s’associe ou se sépare librement de sorte que, aucune contrainte n’existant, l’exploitation et la tyrannie disparaissent. Autorité et liberté sont les deux pôles d’attraction opposés : autorité préconisée par les maîtres du jour ou les maîtres de demain (en état d’opposition provisoire seulement) ; liberté, préconisée par les exploités désireux de s’émanciper, les révoltés de toutes les époques et de toutes les régions.

À ces deux mots d’autorité et de liberté correspondent exactement ceux de centralisme et de décentralisme : fédéralisme ou libre-associationnisme. Indistinctement, et quelle que soient leur étiquette ou leur couleur, tous les partisans du pouvoir sont pour la centralisation. Tout centraliser, tout ramener à un centre directeur, est la théorie chère à ceux qui sont ou veulent être les maîtres. Les théories centralistes sont toutes basées sur la même affirmation : « l’incapacité du peuple à s’administrer librement, autrement dit sa bêtise, donc la nécessité de le faire diriger par des hommes supérieurs. » Et elles aboutissent toutes au même résultat : la constitution d’une caste, d’une aristocratie ; hier, les nobles, aujourd’hui les bourgeois, demain peut-être les soi-disant intellectuels et les fonctionnaires, qui commencent à s’assurer une existence confortable par la consolidation des privilèges acquis ou l’instauration des privilèges nouveaux. Le centralisme aboutit inévitablement au parasitisme, à la contrainte, à l’inégalité, à l’injustice. D’ailleurs, en enlevant aux intéressés, aux dirigés, les moyens de s’administrer par eux-mêmes, il entretient soigneusement l’infériorité apparente ou réelle des administrés. Ceux que la centralisation place à la tête des organismes sociaux sont d’ailleurs des humains comme les autres, ni plus ni moins compétents et moraux. L’exercice de l’autorité leur crée une mentalité spéciale et des désirs de jouissance vaniteuse qui sont des maux redoutables dans une organisation sociale.

Le centralisme n’a jamais résolu aucun des problèmes posés devant l’espèce humaine, ou, s’il les a résolus, ce fut toujours au détriment des masses, au profit des détenteurs du pouvoir. La seule utilité arguée en faveur du centralisme est celle des bienfaits de la coordination dans les efforts humains. Mais par le fait qu’il aboutit à l’autorité, il provoque presque toujours le contraire ; l’ambition, la haine, la division, les déchirements entre les aspirants au gouvernail, et l’écrasement des couches sociales inférieures. Or, cette coordination peut s’obtenir, aisément et sans risques de tels maux, par la libre fédération des individus et des groupements. Le fédéralisme s’oppose pratiquement au centralisme. En laissant à chacun la liberté dans sa propre association, et la liberté des groupements au sein de fédérations plus vastes, il parvient à l’équilibre raisonné, à l’harmonie, sans laisser prise aux méfaits et aux conséquences néfastes du centralisme autoritaire. Il laisse la faculté aux initiatives isolées ou groupées de se développer ; et par là les stimule ; il ne permet point la contrainte ni l’exploitation ; il est donc l’expression même, du point de vue pratique, de la lutte pour l’émancipation. Le centralisme politique a conduit à des tyrannies abominables et à des guerres sanglantes. Le centralisme économique, qui a son expression dans les cartels et trusts capitalistes, vise à asservir matériellement l’humanité. Quant aux doctrines socialistes ou communistes, rêvant d’un centralisme intégral, d’une dictature, elles sont condamnées par l’expérience que les milliers d’observations ont consommée ; elles ne peuvent aboutir qu’à une tyrannie nouvelle, valant l’ancienne. Les peuples révoltés et conscients se débarrasseront de l’autorité et du centralisme, sa forme d’organisation. — Georges Bastien.


CERVEAU. n. m. La célèbre proposition de Carl Vogt : « Le cerveau secrète la pensée comme le rein secrète l’urine », soulève à peine aujourd’hui la surprise par la trivialité de sa comparaison et de fortes réserves sur son exactitude physiologique. Naguère, il y a quelque cinquante ans, elle provoqua un véritable scandale et ameuta la science officielle contre son auteur. Si l’on tenait pour à peu près indiscutable que