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ses circonvolutions, modelant l’écorce cérébrale ou manteau. Pour leur étude, aux recherches normales d’anatomie macroscopique et microscopique, s’ajoutent les données fournies par les lésions consécutives aux maladies et les résultats obtenus par une expérimentation prudente et inoffensive effectuée dans quelques cas favorables sur des trépanés pour blessures ou maladies du crâne et de l’encéphale. Par ces moyens, la physiologie est parvenue à établir la localisation anatomique, matérielle d’un certain nombre d’importantes fonctions intellectuelles et continue la poursuite de découvertes nouvelles afin d’arriver à une connaissance de plus en plus complète de la bio-psychologie humaine.

Les corps opto-striés jouent un rôle très important dans les opérations sensitives et motrices du cerveau. Ainsi, le thalamus ou couche optique reçoit les faisceaux collecteurs de la sensibilité du corps tout entier, arrête les impressions reçues pour les transmettre soit directement au corps strié, centre moteur de l’activité automatique, soit à l’écorce, centre de l’activité consciente. Une lésion du thalamus entraîne d’abord l’insensibilité, puis au bout d’un temps variable, des impressions de douleur, même après la plus légère excitation superficielle. ― Le corps strié préside à l’activité motrice spontanée (déglutition, insalivation, phonation, mimique faciale), règle la vitesse et la précision des mouvements volontaires. Le malade atteint d’une lésion de ce groupe neuronique avale et parle avec difficulté, présente un masque rigide, figé, marche avec raideur et hésitation, perd en partie ses forces musculaires. ― Les corps opto-striés forment donc la première réalisation de l’appareil supra-segmentaire, élèvent les réflexes à l’état d’automatisme instinctif ; le thalamus accuse une obscure conscience sensible, origine de ses douleurs lésionnelles ; le corps strié commande l’automatisme moteur élémentaire, l’automatisme alimentaire et enfin l’automatisme mimique et expressif. « Ce serait donc une grande méprise que de refuser l’intégration des corps opto-striés à la base de la vie psychologique et de ne pas y voir vraiment les humbles serviteurs de la pensée (Lhermitte) ».

Plissée en multiples circonvolutions, creusée de sillons profonds, l’écorce ou manteau se présente comme une gaîne continue de substance grise enveloppant les deux hémisphères et composée de six couches d’innombrables cellules nerveuses superposées et disposées en strates parallèles de la superficie à la profondeur. Les rangées neuroniques sont parcourues à diverses hauteurs par des faisceaux de fibres nerveuses qui se réunissent en stries parallèles ou perpendiculaires à la surface. Cette multitude série de formations cellulaires et fasciculaires ne se trouve pas répandue dans toute l’écorce d’une façon uniforme ; elle se divise au contraire en groupes bien tranchés, d’architecture anatomique et histologique particulière à chacun d’eux. Il a été possible d’identifier un grand nombre de ces territoires corticaux, que l’on a relevés en une véritable carte du manteau cérébral. Et l’expérimentation physiologique a précisé la fonction spéciale afférente à chaque territoire cortical. Pour y parvenir, elle emploie deux méthodes : l’excitation artificielle des territoires délimités par l’anatomie microscopique chez l’homme et les animaux ; l’étude des troubles consécutifs aux lésions spontanées chez les hommes et les animaux, et aux lésions provoquées chez les animaux.

Ainsi a été découverte une zone corticale sensible aux courants électriques, l’ « aire précentrale », formée par une série de foyers bien distincts dont l’excitation électrique suscite des mouvements séparés non seulement pour les membres, la face et le tronc, mais encore pour chaque segment de ces organes et même, affirme Forster, pour chaque muscle isolé. Cette aire est sensi-

ble aussi aux actions mécaniques et chimiques. Mais le phénol demeure sans effet sur elle, tandis qu’il déprime l’excitabilité des cellules de la moelle épinière : preuve de la constitution physiologique différente des centres moteurs cérébraux et médullaires. ― Chez l’homme la destruction de l’aire précentrale n’amène pas la perte totale de la mobilité. « Seuls les mouvements les plus différenciés, les plus délicats, les plus humains sont atteints ; tandis qu’au contraire apparaissent exaltés les mouvements automatiques primaires dont les centres se situent dans les corps striés ».

L’ « aire précentrale intermédiaire » ou « psychomotrice » est placée à côté de la précédente. Non excitable par le courant électrique d’expérimentation, elle ne commande pas les mouvements mais détermine leur coordination, leur adaptation à un but donné. La destruction n’empêche pas le malade de remuer ses membres, tout en lui enlevant la capacité de les utiliser pour accomplir un acte précis, volontaire ou commandé.

L’ « aire postcentrale » a des fonctions exclusivement sensitives. L’excitation électrique de ses divers foyers provoque des sensations de choc, de chaleur, d’engourdissement dans les régions correspondantes des membres. La destruction abolit la sensibilité.

L’ « aire postcentrale intermédiaire » ou « somesthéso-psychique » est à la zone précédente ce que la zone psycho-motrice est à la zone électro-motrice : un centre d’intégration supérieure surajouté à l’autre. La lésion ne supprime pas la sensibilité ; elle la rend confuse, trouble, erronée. La sensation persiste, mais la perception fait défaut. Ainsi, les yeux fermés, le malade sent un objet placé dans sa main, mais il n’en peut apprécier exactement ni le poids, ni le volume. Il s’apercevra qu’on le touche sans pouvoir déterminer le lieu de la pression. L’aire somesthéso-psychique apparaît vraiment comme la région de la « pensée sensitive ».

Cependant un objet peut être senti par la main, le poids et le volume en être appréciés, sans que le malade puisse le reconnaître, l’identifier. Les sensations sont perçues sans prendre leur signification, sans former image ; elles ne parviennent plus au seuil de la connaissance intellectuelle. Cette « agnosie tactile » suit la destruction de l’ « aire pariétale », autre centre anatomique, matériel, spécial d’une fonction psychique bien déterminée.

L’ « aire striée » ou « sensorio-visuelle » élabore les sensations fournies par la rétine. « L’expérience de la guerre, grâce aux lésions très limitées que produisent les projectiles, a montré l’exactitude parfaite de la projection rétinienne sur l’aire corticale visuelle en apportant de nombreux faits de cécité partielle de la surface de la rétine correspondant au point cérébral détruit par le projectile (Pierre Marie et Chatelin) ». Lorsque la destruction porte sur la totalité des deux aires striées, elle cause une cécité complète souvent ignorée du blessé lui-même. Contrairement à l’aveugle par lésion directe des rétines ou des nerfs optiques, l’aveugle par lésion de l’écorce cérébrale est aveugle pour sa cécité. « Ce fait s’explique fort bien si l’on se souvient que la vision du noir ne se confond nullement avec l’absence de sensations visuelles et que la sensation de noir répond à une clarté moins intense, laquelle n’apparaît que par contraste. Or, les sujets atteints par une lésion destructive de l’aire visuelle corticale sont absolument et à jamais privés de tout élément visuel sensoriel. Au contraire, les malades dont la cécité est d’origine périphérique gardent indéfiniment les éléments dont est faite l’activité sensorielle de leur cerveau et, en conséquence vivent dans la conscience des ténèbres extérieurs (Lhermitte) ».

A côté de cette cécité corticale, il existe, par lésion de