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AGR

immédiatement après le passage de l’instrument, qui le laissera dans un état d’ameublissement complet, tout en enfouissant dans son sein tous les engrais dont on l’aura recouvert à l’avance. Et c’est ainsi qu’avec l’outillage mécanique, on ne saurait trop le répéter, nous pouvons faire énormément de besogne dans très peu de temps et avec peu d’effort personnel. Mais tous les travaux ne peuvent pas se faire à la machine, notamment la cueillette du raisin et de la plupart des fruits, la taille de la vigne et des arbres fruitiers ; mais, comme tous ces travaux sont légers, peu pénibles, tout le monde accepte de les faire avec plaisir, il faut seulement plus de personnel.

Et maintenant, nous allons nous occuper des engrais minéraux, dits engrais chimiques. Nous avons parlé au début de cette étude des engrais provenant de tous les déchets du règne végétal et animal qui, une fois décomposés, constituent les engrais dits humifères, indispensables au développement des végétaux ; mais l’analyse nous démontre que dans la structure des végétaux il entre une certaine dose d’acide phosphorique, de potasse, d’azote et de chaux. La science a trouvé le moyen de nous fournir en aussi grandes quantités qu’il est nécessaire ces matières qui entrent dans la composition des plantes, et c’est le sous-sol qui va nous en donner trois : l’acide phosphorique, la potasse et la chaux.

Nous trouvons en France des gisements importants de phosphates qui, moulus et traités par l’acide sulfurique, nous donnent les superphosphates, fournissant l’acide phosphorique aux plantes ; les gisements des phosphates d’Algérie sont immenses. Les gisements des potasses d’Alsace sont aussi infiniment importants ; quant à la chaux, on la trouve partout ; les roches calcaires abondent. Il reste l’azote ; il ne se trouve guère que dans les déchets du règne animal et végétal, mais la science est déjà arrivée à puiser cet élément, pour faire l’engrais azoté, à sa source la plus abondante : dans l’atmosphère même dont est entouré notre globe, l’azote de l’air.

Ainsi, grâce à la science, nous sommes pourvus en abondance de tous les éléments de fertilisation de nos sols, sans lesquels, malgré toutes les façons culturales les mieux appropriées, nous n’obtiendrions que très maigres récoltes. Pour l’élément azoté, nous aurions encore une autre ressource : la culture de certaines légumineuses. On sait que les légumineuses puisent leur azote dans l’air, et l’enfouissement en vert de ces légumineuses enrichit le sol de tout l’azote qu’elles contiennent : c’est ce qu’on appelle les engrais verts. En dehors de tous ces engrais, il y a encore ce qu’on appelle les stimulants de la végétation dont l’étude n’est encore qu’ébauchée : la magnésie, le soufre, dans certaines conditions, activent la végétation et la rendent plus luxuriante. Bientôt, les expériences scientifiques allongeront cette liste des stimulants, tout en faisant connaître les moyens pratiques de les employer. D’autres essais ou expériences ont été tentés, en soumettant la végétation à l’influence des courants électriques ; dans certaines circonstances, on a obtenu des résultats merveilleux, une végétation abondante. Des carottes sont devenues comme de grosses betteraves ; dans d’autres circonstances, le résultat a été une dépression de la végétation. Dans un avenir prochain, l’expérience scientifique éclairera toutes ces questions. Maintenant, tous nos groupes agricoles sont organisés et ont entre les mains tous les éléments nécessaires machines et engrais, pour produire abondamment tout ce qui est nécessaire à l’alimentation de la population et des animaux domestiques.

C’est le moment de dire que dans chaque groupe on a organisé la préparation de conserves alimentaires de toute sorte ; viandes, légumes et fruits divers, mar-

melades et confitures de tous genres, en sorte que pendant la saison hivernale, les légumes verts : pois, haricots, fèves, lentilles, etc., ne manquèrent jamais à la bonne cuisine, et alors les travailleurs agricoles, de même que leurs frères de l’industrie, jouiront d’un bien-être matériel allant toujours s’élargissant et que n’auraient jamais pu soupçonner leurs ancêtres, les vieux parias de l’ancienne société capitaliste. À la Révolution, les prolétaires ayant pris possession de tous les moyens de transport, les échanges de produits d’un groupe à l’autre, d’une contrée à l’autre, et jusqu’au bout du monde, sont faciles et rapides, de telle sorte que chacun dans l’ensemble a toujours à sa disposition tout ce qui est nécessaire à assurer son bien-être et son bonheur.

Liberté et bien-être seront désormais le partage de l’humanité jusqu’à la consommation des siècles. — P. Maugé, aîné (Petit Agriculteur).


AGRICULTURE. Le mot agriculture désigne, d’une façon générale, tout ce qui a trait à la technique du travail du sol, dans toutes les branches de la culture et de l’élevage des animaux domestiques. Il est employé pour la partie pratique de cette immense fraction du travail humain, le mot agronomie étant plutôt réservé pour désigner la science théorique et expérimentale s’occupant des questions agricoles. L’agriculture se subdivise en spécialités et catégories différentes, de plus en plus nombreuses au fur et à mesure que les connaissances exigées pour amener les différentes sortes de culture et d’élevage à un rendement toujours plus intensif, avec des moyens toujours plus perfectionnés, nécessitent une spécialisation du travail. L’agriculture proprement dite ou la grande culture s’occupe principalement des céréales, plantes alimentaires ou industrielles cultivées sur une grande échelle et de l’élevage. La sylviculture est la partie relative aux forêts, à la reproduction et à l’entretien des arbres et arbustes. L’arboriculture a principalement trait aux arbres fruitiers. L’horticulture est le terme indiquant la culture intensive ou maraîchère. L’élevage est une autre importante fraction de l’agriculture avec ses sous-produits : lait, beurre, fromages, etc. Il y a encore des parties spécialisées se rattachant de près à l’agriculture : la pisciculture, élevage des poissons ; l’apiculture, élevage des abeilles, etc. C’est une erreur trop généralement ancrée dans les cerveaux superficiels que l’agriculture ne nécessite pas, pour être pratiquée, de grandes connaissances techniques, et que le « paysan » est intellectuellement un homme inférieur à ce point de vue. Cette branche du travail humain, la plus importante et la plus nécessaire, celle qui sert de base à presque toutes les autres en leur fournissant des matières premières ; celle de qui dépend la vie physiologique de l’humanité par l’alimentation, doit être considérée comme une industrie et la plus indispensables des industries. L’agriculture fabrique des plantes alimentaires ou industrielles et des animaux, comme la métallurgie fabrique des objets métalliques ou l’industrie du bâtiment construit des maisons. Le développement de certaines industries textiles, fabrication du sucre, etc., a poussé à la culture de certains produits de la terre. D’autre part, les besoins de la civilisation et une population augmentant sans cesse ont contraint l’agriculture à intensifier le rendement, à faire produire un sol beaucoup plus en quantité qu’en qualité et en variété qu’il ne le ferait naturellement.

De nos jours, l’agriculture est devenue une technique qui ne le cède en rien aux autres industries. L’agriculteur doit être doublé d’un agronome. Des connaissances sur la physique, la chimie, la météorologie, la biologie, la physiologie végétale et animale sont indispensables à la bonne administration d’une entreprise agricole. De nombreuses écoles, des établissements