Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 1.djvu/357

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
COE
356

solu du propriétaire sur son immeuble. Il a maintenu les locataires en possession, à condition qu’ils fussent de bonne foi et pour des périodes différentes fixées par ses dispositions moratoires. Nous applaudissons à cette expropriation relative. Nous saluons cette atteinte que subit la propriété destinée à usage de location et qu’on oblige à subir comme une servitude sa destination profitable. Le législateur qui a voté la loi du premier avril 1926 ne s’est pas trompé sur la portée de son œuvre. Il a dit que ses prescriptions constituaient un démembrement du droit de propriété. Il affirme son désir de revenir au droit commun : le droit commun devrait toujours résider dans la subordination de l’intérêt privé à l’intérêt général ; les lois sur l’habitation contiennent en germe une révision du droit de propriété.

Le législateur sent bien que des raisons d’équité non moins impérieuses l’obligent à voter la loi sur la propriété commerciale. Il ne montre aucun empressement pour hâter l’éclosion de cette loi : il ne sait comment l’équilibrer avant de lui donner son vol.

Pour créer un fonds de commerce, il faut un local. Le propriétaire, par un congé intempestif, pourra-t-il reprendre au commerçant le local et ruiner le commerce, pourra-t-il, par le retrait du contenant, répandre dans le ruisseau le contenu ? L’avenir répondra : le monde se meurt d’une propriété immobilière implacable et d’une puissance financière effrénée.

La vie nouvelle. ― Les taudis du droit. ― Autour de la cité juridique, composée de ses bâtiments les plus robustes et les plus vieux, toute une ville nouvelle s’est construite, notamment par l’édification des lois sur les sociétés, sur les associations, sur les syndicats.

À côté de l’individu, personne privée, à côté des villes, mineures administrées, se sont créées des personnes morales collectives, réglementées et régies par un droit nouveau.

En revanche, le Droit est encore obligé de s’abriter dans des masures délabrées et désuètes dont la réfection s’impose. Les malades ne se doutent pas que le règlement fondamental de la pharmacie est encore la loi du 21 germinal an II, que toutes les « spécialités », aujourd’hui innombrables, vendues sous les enveloppes et les cachets les plus attrayants, sont mises dans le commerce par tolérance ; que, strictement, tout remède devrait être préparé par le pharmacien, dans son office, sur ordonnance et pour chaque commande isolément. M. Aristide Briand, lorsqu’il était simple député, avait déposé un projet de loi pour réorganiser la législation en ce qui concerne la pharmacie ; le Parlement n’a pas trouvé le loisir de discuter le projet.

Le Parquet recourt encore à la vieille loi de 1836 sur les loteries pour arrêter la hardiesse des dragueurs d’épargne lorsqu’ils réunissent des souscriptions pour leur affecter globalement le profit des tirages sans leur conférer la propriété des actions.

La loi de 1838 sur les aliénés est lamentablement rudimentaire et permet les séquestrations arbitraires : tel fils prudent a fait interner son père pour l’empêcher de faire un testament valable.

Quels cahiers les États-généraux des juristes pourraient rédiger !

L’état des personnes. ― Sont Français plus de sujets d’après leur lieu de naissance ou la nationalité de leurs auteurs. Le divorce a été rétabli ; la prohibition du mariage avec le complice a été supprimée ; la femme peut disposer des salaires qu’elle s’est acquis par son travail. On peut dire que la puissance paternelle a été démantelée. Le père tuteur ne peut plus disposer du bien de ses enfants mineurs : il est soumis au contrôle et à la décision du Tribunal. Le mariage a été facilité par la simplification de sa procédure propre ; en outre par la réduction au minimum des anciennes exigences

pour l’autorisation des parents ou pour les sommations respectueuses. De même, l’adoption a été simplifiée et cette faveur a produit un curieux abus. On voit des personnes mêmes âgées se faire adopter pour recueillir un héritage en ligne directe à titre d’enfant adoptif. L’adopté échappe ainsi au prélèvement démesuré de l’État sur les successions attribuées au collatéral ou à l’étranger.
VIII

Nous venons de voir comment les Codes se sont créés en France. Cet exposé, pour être complet, devrait rechercher comment ils se sont créés dans les principaux pays d’Europe.

Il devrait également traiter du Droit international. Mais ces questions de droit comparé et de droit, des gens trouveront plus naturellement leur place au mot LOIS. — Paul Morel.


COÉDUCATION. n. f. L’éducation en commun des garçons et des filles a, depuis longtemps, été l’objet de controverses passionnées et bien qu’elle ait gagné du terrain, surtout ces dernières années, n’est pas encore pleinement réalisée.

« Ce fut au xviiie siècle, en Écosse et en Amérique, que les filles furent, pour la première fois, admises à des écoles de garçons. Sur le continent, Coménius avait, dans la « Grande Didactique » (1630), proclamé le droit de tous, filles et garçons, à une instruction intégrale en commun. Par contre Fénelon (1680), insistant sur les besoins différents des deux sexes, souligna l’idée qu’il faut à chacun d’eux une éducation spéciale.

« Le mérite d’avoir mis en honneur la coéducation revient à Pestalozzi. Sa conception : « l’École doit être l’image de la famille et par suite grouper filles et garçons », est un argument encore cher aujourd’hui aux partisans de la coéducation. Il l’appliqua à Stanz et en partie aussi à Berthoud ; à Yverdon, nous voyons filles et garçons des deux écoles différentes fraterniser, le soir, durant leurs loisirs. Son influence fut grande surtout dans les pays anglo-saxons.

« J.-P. Richter s’attacha aux avantages moraux de la coéducation et écrivit ces mots restés célèbres : « Pour garantir les mœurs, je conseillerai la coéducation des sexes. Deux garçons suffisent à préserver douze jeunes filles ; deux jeunes filles, douze garçons. Mais je ne garantis rien dans les écoles où les jeunes filles sont élevées à part, encore moins dans une école où il n’y a que des garçons ». Enfin vers 1840, Horace Mann inaugura le régime de la coéducation dans les écoles américaines ». Hil. Deman, La Coéducation des sexes. Pour l’Ère Nouvelle, avril 1922.



L’Église catholique s’est toujours opposé à la coéducation.

La religion catholique qui a inventé l’histoire du péché originel, qui considère la femme comme un être inférieur, ― « os surnuméraire », disait dédaigneusement Bossuet, ― qui a ordonné le célibat des prêtres et condamné l’ « œuvre de chair », ne pouvait qu’être favorable à une rigoureuse séparation des sexes.

Aussi ne faut-il pas s’étonner de voir toute la réaction en lutte contre toutes les entreprises coéducatives.

L’une des plus attaquées en France fut celle de Robin à Cempuis. Elle dura de 1880 à 1894. Mlle Félicie Numietska rappelle la lutte qu’elle eut à subir, dans un numéro spécial de l’Œuvre de décembre 1905.

La Patrie attacha le grelot en 1894 au nom de patriotisme ; Le Temps lança un mot qui fit fortune : « La Porcherie de Cempuis » ; La Libre Parole assura que « La pudeur naturelle à tous les animaux n’existe pas à Cempuis ».

« Les épithètes les plus amènes sont prodiguées aux