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COHABITATION. n. f. Qu’au point de vue individualiste la cohabitation soit un non-sens, quel individualiste anarchiste le nierait sérieusement ? Que ce soit sous le rapport du renouvellement de l’émotion amoureuse, sous celui de la recherche de l’expérience effective pour l’expérience elle-même, sous le rapport, enfin, de la variété dans les sensations voluptueuses, la cohabitation implique toujours rétrécissement du champ des possibilités et des réalisations en matière amoureuse, appauvrissement de l’initiative sentimentale. Et non seulement cela : les cohabitants ― les observations le démontrent ― finissent par se co-pénétrer à un point tel de leurs manières de voir et de sentir, qu’ils finissent pas s’imiter, même en ce qui concerne les tics et les marottes !

La cohabitation ne saurait donc jamais être, au point de vue individualiste, qu’un pis-aller, un pis-aller que subissent certains tempéraments auxquels répugne la vie solitaire, ou qui ne peuvent donner toute leur mesure que dans cette situation (et ils sont plus nombreux qu’on se l’imaginerait tout d’abord) ― ou encore que peut justifier le plan défectueux sur lequel évolue la société contemporaine.

La tendance individualiste anarchiste est au « chacun chez soi » et c’est celle qui, logiquement, prédominera dans tout milieu individualiste digne de ce nom.

Envisagée donc actuellement comme pis-aller, prolongée ou de durée restreinte, la cohabitation à deux ou à plusieurs ― dans ce dernier cas, le péril de la fusion est moins grave ― se résume en une association d’un type très étroit dont les participants s’efforcent de donner à leurs facultés affectives et sentimentales, en vue de leur bonheur amoureux individuel, le maximum de rendement possible. Si cette union implique la mise en commun des joies et des jouissances mutuelles, elle entraîne également le partage des douleurs et des souffrances. Quoi qu’on fasse ou dise, la cohabitation n’est possible qu’au prix de concessions, elle appelle une volonté réciproque de compréhension et de pénétration intellectuelle, elle sous-entend un effort d’ordre éthique. La conformité des caractères ou des concessions n’est pas toujours de rigueur pour la réussite de l’entente. Les faits montrent qu’en maints cas, les expériences de cohabitation réussissent d’autant mieux que ceux qui y participent se complètent et se contrebalancent, beaucoup plus qu’ils ne s’amalgament. L’appréciation du caractère et des attributs de ceux dans la compagnie desquels on vit, l’exercice des qualités du sentiment jouent un rôle puissant dans le bon résultat des expériences de cohabitation.

Mais les anarchistes dénoncent vigoureusement ce fait trop fréquent : que, lorsqu’ils cohabitent, extra-légalement ou avec la permission de la loi, la femme ou l’homme, désormais considérés comme étant « en puissance » de leur conjoint respectif, voient s’écarter les amants et les amantes. À examiner la question de près, de quel aspect de l’anarchisme, de quelle tendance anarchiste peuvent bien se réclamer ceux ou celles qui, abusant de l’affection ou de la passion qu’ils peuvent momentanément inspirer à qui cohabitent avec eux, s’abstiennent ou négligent de leur faire connaître que « cohabitation » ne signifie, en aucun cas, « dépendance sexuelle » ― qu’en aucun sens non plus, au cas de cohabitation à deux, la fidélité sexuelle de l’un des constituants du couple n’entraîne forcément la fidélité de l’autre ?

Profiter qu’on vit en commun avec un ou plusieurs hommes, une ou plusieurs femmes, qu’on s’est créé « une famille » pour empêcher son ou ses cohabitants de faire l’amour hors du nid ― présenter la cohabitation comme une entrave à la liberté sexuelle des coha-

bitants ou de l’une ou l’un d’entre eux est indéfendable et illogique, individuellement parlant. Tout au contraire, c’est de celle, de celui, de ceux qui ont concédé au pis-aller de la cohabitation qu’il y a lieu d’attendre la pratique d’une « liberté sexuelle » ou d’une « camaraderie amoureuse » dont la sincérité et l’intensité compensent leur « faiblesse ». ― E. Armand.


COHÉRENCE. n. f. Au sens propre, ce mot est synonyme de « adhérent ». Il signale l’état de connexion entre une chose et une autre et se dit des parties qui sont liées entre elles. « La cohérence des molécules. » Au sens figuré, le terme « cohérence » a à peu près la même signification et s’emploie particulièrement pour désigner les rapports qui existent entre une idée et une autre. Un discours cohérent est un discours dont toutes les démonstrations se déroulent d’une façon méthodique et logique et dont les arguments s’enchaînent les uns aux autres. Dans la discussion et le raisonnement, la « cohérence » est d’une utilité primordiale. Sans elle, aucun exposé démonstratif ne peut être poursuivi, et nous assistons souvent, dans les assemblées populaires, à la déviation d’un débat par le manque d’enchaînement des idées qui y sont développées. La cause réside dans l’absence de cohérence dans les idées et les arguments. La cohérence détermine la lumière et économise un temps précieux. Il faut donc être cohérent, si l’on veut arriver rapidement au but que l’on se propose d’atteindre.


COHORTE. n. f. À l’origine, corps d’infanterie composé de quelques centaines d’hommes, formant la dixième partie d’une légion et dont l’organisation est attribuée au général Marius, 150 ans environ avant l’ère chrétienne. Il y avait également à Rome des cohortes urbaines dont le rôle consistait à assurer la sécurité de la ville. Le terme est assez peu employé à présent, sinon pour désigner une troupe de combattants ou de gens quelconques, mais il présente toujours un caractère agressif et guerrier. « De vaillantes cohortes. » « Il voit des saints guerriers, une vaillante cohorte. » (Boileau)


COLLABORATION. n. f. Action de travailler en commun ou de prêter son concours à une œuvre quelconque. Se dit surtout pour désigner l’association en vue d’une production intellectuelle. Une pièce de théâtre, une encyclopédie, un roman, peuvent être le produit d’une collaboration de gens de lettres ou de science. Les recherches scientifiques ont besoin de la collaboration de tous les savants. La collaboration abrège et simplifie la besogne à condition d’être cohérente. On la met en pratique en toutes occasions et, si chaque collaborateur à un ouvrage déterminé, possède à fond la matière qu’il a à charge de traiter, s’il travaille consciencieusement et sincèrement à l’œuvre entreprise, celle-ci sortira enrichie des capacités et des connaissances collectives. Malheureusement, en littérature, et en tout ce qui touche à l’art et qui se monnaye, la collaboration est devenue une source de revenus pour certains individus sans scrupules. Les collaborateurs de certains écrivains ― on les appelle des nègres ― fournissent la plus grosse part de l’effort intellectuel en vue d’une production, et une fois l’œuvre terminée, seul bénéficie de tous les avantages et récolte tous les profits celui qui, par sa célébrité, est appelé à la signer. Ce n’est plus de la collaboration, c’est de l’exploitation.

Pour tout ce qui a trait à la participation à quelque ouvrage d’ordre matériel : l’association en vue d’une exploitation industrielle, agricole ou commerciale, on se sert plus couramment du terme coopération.

Il faudra la « collaboration » de tous les travailleurs