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« Rompez brutalement avec ces errements qui veulent que votre ennemi devienne l’artisan de votre salut et interdisez à vos militants de s’engager dans le pourrissoir patronal et gouvernemental où on leur promet — et leur donne — sinécures et prébendes, qui les éloignent de vous, de vos misères et de vos douleurs qu’ils ne comprennent plus, qu’ils n’entendent plus. » — Pierre Besnard.


COLLECTIF (Le). Grammaticalement, « le collectif » (nom collectif) se dit d’un mot qui, bien qu’au singulier, désigne un groupe ou un assemblage de personnes ou de choses. (Une nation, une armée, un nombre.) Dans le domaine économique et social, il a une toute autre signification.

Si, en biologie, on considère que la vie se présente comme une lutte constante entre deux facteurs, dont l’un est l’être vivant et l’autre le milieu ambiant et l’hérédité ; en sociologie, on peut admettre également, que la vie des sociétés se présente comme une lutte constante entre deux facteurs, dont l’un est le collectif et l’autre le particulier. Philosophiquement et scientifiquement, le « collectif » a, depuis longtemps, triomphé du « particulier » et il semblerait puéril de soutenir une thèse cherchant à démontrer que le concours de tous n’est pas nécessaire pour la vie harmonique des sociétés. Même dans la vie pratique de nos temps modernes, on a été contraint de donner certaines satisfactions, plus apparentes que réelles, il est vrai, mais qui marquent, néanmoins, une victoire, au collectif, et l’application de lois constitutionnelles, la prépondérance de l’esprit démocratique, même dans les puissances à régime monarchique, est une conquête du collectif sur le particulier.

Pour ceux qui ont, sociologiquement, « une croyance finaliste ». c’est-à-dire qui conçoivent un but à atteindre et luttent pour s’en approcher ― c’est le cas pour les anarchistes ― le collectif ne se manifestera que lorsque sera complètement vaincu « le particulier ». (Nous ne donnons pas, ici, au mot « particulier », un sens péjoratif et ne l’employons pas dans le sens commun. Il représente, comme nous le disons plus haut, un des facteurs de la vie des sociétés modernes. Nous n’en faisons donc pas le synonyme « d’individu », mais il signale à notre esprit l’élément qui s’oppose à la réalisation, dans le domaine économique et social, du bonheur de la grande majorité des individus.)

Il a suffisamment été démontré que toutes les richesse sociales, que tous les moyens de production sont détenus par une faible minorité qui tient courbé sous son joug tout le restant de la population mondiale, pour que nous n’ayons pas besoin d’insister ; or, du point de vue Anarchiste, l’on ne peut considérer que comme arbitraire cet ordre social et nous estimons que tout doit appartenir à tous, c’est-à-dire au « collectif ».

Il peut sembler paradoxal, que malgré le développement des idées, et des démonstrations philosophiques et scientifiques qui concluent nettement en déclarant que l’ordre social continuera à être troublé tant que l’ensemble des individus ne sera pas assuré de sa vie matérielle, on en soit encore au règne du Capital et de la ploutocratie et que les intérêts collectifs soient sacrifiés aux intérêts particuliers. Les raisons en sont pourtant bien simples. Les diverses écoles sociologiques ont toujours cherché à libérer le peuple politiquement sans vouloir comprendre que la liberté politique était subordonnée à la liberté économique et que jamais la collectivité ne sera libre tant qu’elle ne se sera pas rendu maîtresse d’elle-même en livrant à tous les moyens de production détenus par le particulier.

De là découlent toutes les erreurs, et si la démocratie

qui prétend être le régime politique qui favorise les intérêts de la masse, bénéficie d’un si large crédit, c’est que la masse elle-même s’est laissée prendre à cette Illusion de la liberté politique.

D’autre part, l’individu est assez lent à assimiler les idées nouvelles. Il est attaché par l’hérédité et par l’ambiance aux vieux préjugés, et l’amour du calme et de la tranquillité l’éloigne de tous les mouvements révolutionnaires qui permettraient à la collectivité de conquérir son indépendance. Il faut, pour qu’une idée produise ses effets, qu’elle pénètre dans la grande majorité des masses. Une fois les masses convaincues, l’idée se matérialise ; sinon, elle est accaparée par ceux qui la déforment et n’en retirent que ce qui peut servir leurs propres intérêts.

Cependant, « le Collectif » gagne chaque jour du terrain. Si nous disons que le régime monarchique constitutionnel est un progrès sur le monarchisme absolue, et que la démocratie est un progrès sur le monarchisme constitutionnel, ce n’est pas par opportunisme, ni pour soutenir l’un ou l’autre de ces régimes. Les Anarchistes sont convaincus de la novicité de toute organisation sociale d’inspiration politique, et par conséquent d’essence autoritaire ; mais ils sont obligés de reconnaître que, au point de vue moral et intellectuel, l’esprit démocratique est une victoire partielle du collectif sur le particulier. La démocratie n’est que le « purgatoire » offert sur la terre aux masses populaires par les politiciens. Il faut donc, pour établir un ordre social stable et qui donne satisfaction non pas à une majorité mais à tous les individus, la victoire totale du collectif sur le particulier. Et cette victoire ne doit pas être politique, mais économique. Politiquement, la victoire de la collectivité ne peut être qu’un mirage, une illusion et ne peut que perpétuer l’asservissement de l’individu.

Certains anarchistes individualistes s’effraient de la victoire du collectif et sont adversaires du Communisme anarchiste. Nous ne pensons pas qu’il y ait là un danger pour l’individu ; car si, sur le terrain de la production du travail matériel, il est indispensable en vertu même des lois du progrès, de la science et de la nature, d’unir les efforts de tous pour amoindrir les efforts de chacun, il sied de reconnaître que dans le domaine des idées, des choses de l’esprit, le collectif peut être une source de contrainte et il faut laisser à chaque individu sa liberté pleine et. entière, qui ne peut être subordonnée à la volonté d’un groupe ou d’une association quelconque. ― J. Chazoff.


COLLECTIVISME. n. m. Dans la lutte contre la propriété, deux écoles sont en opposition. C’est : d’un côté, l’école du Communisme libertaire et de l’autre, l’école du collectivisme ou socialisme autoritaire.

Le collectivisme s’est, en France, depuis 1920, au Congrès socialiste de Tours, divisé en deux fractions : l’une d’elles prétend réaliser le collectivisme par les moyens pacifiques de la réforme et du parlementarisme, et l’autre composée de communistes bolchevistes et se réclamant de la Révolution russe, entend, en provoquant et profitant de la révolte des masses, s’emparer du pouvoir et instaurer la dictature du prolétariat pour matérialiser son programme. Nous ne nous occuperons pas ici des moyens employés par ces deux fractions qui veulent atteindre le même but en empruntant une route différente ; elles sont animées l’une et l’autre par le même esprit politique et économique. Ce qui nous intéresse : c’est de savoir si le collectivisme peut résoudre le problème social, s’il peut libérer du patronat les classes productrices, s’il peut abolir l’exploitation de l’homme par l’homme, et