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vol des fortunes énormes, de spéculer, d’affamer, de pressurer, au nom de l’ordre, tout un peuple pour la satisfaction d’insatiables appétits. Le commerce va de pair avec la propriété. Comme elle, il est le vol organisé, légalisé ou toléré.

Il ne disparaîtra dans ce qu’il a de mauvais que par la disparition de la propriété dont il est le corollaire malfaisant, après qu’on l’aura remplacé par l’échange national et international, soit en nature, soit en utilisant une base d’évaluation existante et un étalon monétaire de même caractère. ― Pierre Besnard.


COMMISSAIRE. n. m. « Il vaut mieux avoir à faire à Dieu qu’à ses Saints » dit un vieux proverbe. Ce proverbe pourrait s’appliquer admirablement au Commissaire de police, qui, bien que placé au premier échelon de la magistrature, n’en est pas moins le plus redoutable et le plus dangereux des fonctionnaires. En apparence ses pouvoirs sont restreints et ses possibilités de nuire assez réduites ; en réalité, ils sont énormes car c’est lui que l’on voit apparaître en premier lieu, lorsque par malheur on se laisse prendre entre les griffes de la « Justice ». Examinons donc quels sont les « droits et les devoirs du commissaire de police ». Laissant de côté ceux d’importance secondaire, nous nous attacherons particulièrement à ceux qui en font de véritables autocrates contre lesquels il est presque impossible de se défendre.

« Ils sont chargés du maintien de l’ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes. Ils ont le soin de réprimer les délits ou les contraventions contre la paix publique, tels que les rixes et disputes accompagnées d’attente dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d’Assemblée publique, les bruits et attroupements qui troublent le repos du citoyen ».

Ce n’est déjà pas mal et nous sommes payés pour savoir de quelle façon le commissaire accomplit ce que, par ironie sans doute, on appelle ses « devoirs ». En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés et pour maintenir l’ordre, nous assure-t-on, le commissaire de police a le droit de pénétrer dans toutes les assemblées publiques, d’assister à tous les meetings ou conférences et comme c’est lui qui est chargé d’établir le rapport signalant les incidents qui se sont produits au cours de cette réunion, l’orateur et les assistants sont entièrement à sa merci. Que de fois agissant par ordre de ses chefs, et pour se débarrasser d’un militant considéré comme dangereux pour la « sécurité » publique, avons-nous entendu le commissaire de police lui prêter des propos jugés subversifs, alors qu’il était sincèrement démontré que celui-ci ne les avait pas prononcés ! Mais un commissaire de police ne se trompe pas et, étant assermenté, c’est-à-dire que légalement il est incapable d’un mensonge. On sait où tout cela nous entraîne.

« Ils exercent les fonctions de ministère public près le tribunal de simple police, et sont, en cela, de véritables substituts de procureurs généraux. Ils sont tenus, lorsqu’ils sont informés d’un crime ou d’un délit, de dresser des procès-verbaux tendant à constater le flagrant délit ou le corps du délit, encore qu’il n’y ait pas de plainte déposée. Ils peuvent dans ce cas décerner des mandats d’amener et retenir les inculpés à la disposition du procureur dont ils sont les auxiliaires ». Voilà qui est mieux et le commissaire de police peut se vanter d’avoir, avec ses mandats d’amener, qui ne sont qu’une forme modernisée de lettre de cachet, fait d’innombrables victimes. Les révolutionnaires savent, lorsqu’ils sont pris dans une manifestation et qu’ils ont à subir la brutalité de la police, que ce n’est jamais, malgré le témoignage de centaines d’individus, celui ou ceux qui sont responsables, qui sont inquiétés ou arrêtés par le commissaire de police.

Ce n’est pas simplement sur le terrain social ou révolutionnaire que le commissaire de police est un être malfaisant. Il est également chargé de la délivrance des pièces nécessaires à l’obtention d’un permis de chasse, d’un passe-port, de certificats ouvriers ; c’est lui qui a pour fonction d’enquêter sur « l’honorabilité » des habitants de son quartier, et si, pour une raison ou pour une autre, ou encore sans raison aucune, il ne lui plaît pas que vous vous déplaciez, que vous alliez en Angleterre ou en Allemagne, il vous refuse purement et simplement les pièces demandées et vous n’avez qu’à vous incliner. Sur les déclarations fantaisistes ou réelles, de voisins intéressés, il vous permet de travailler ou vous oblige au chômage en fournissant sur votre compte des renseignements presque toujours inexacts et se fait l’auxiliaire de la bourgeoisie en pénétrant dans la vie la plus intime des individus et en dévoilant les secrets de votre existence. En un mot le commissaire est le bras qui exécute la plus basse des besognes pour le compte du capitalisme. Il y a, dans la magistrature, d’autres commissaires encore, mais leurs fonctions tout en étant aussi répugnante, sont particulières et seront traitées au mot « police ».

Dans certaines organisations on emploie le terme de « commissaires » pour désigner les membres chargés d’assurer lors des manifestations le bon ordre et la discipline et dans certains pays ce mot est synonyme de « ministre ».


COMMUNE. n. f. Nom que l’on donne, en France, à une certaine fraction de territoire qui est administrée municipalement par des fonctionnaires recrutés en son sein.

La Commune a son origine dans la lutte contre le servage et au xie siècle elle était formée de l’association des habitants d’une même ville désirant se gouverner eux-mêmes et se libérer des violences exercées par les seigneurs. Les communes furent pendant une certaine période soutenues dans leur affranchissement par le pouvoir royal, qui cherchait à amoindrir la puissance des grands barons. Mais une fois que les rois furent victorieux, petit à petit ils enlevèrent aux communes tous les privilèges qui leur avaient été accordés et, sous Richelieu et Louis XIV, toutes les libertés municipales furent abolies au bénéfice du Pouvoir central.

De nos jours il y a en France, exception faite de l’Alsace et de la Lorraine, qui sont gouvernées en vertu d’un statut spécial, 36,000 communes. Elles sont administrées par un Conseil municipal élu au suffrage universel, ayant à sa tête un maire, qui est le premier magistrat de la commune et qui est investi par ce Conseil du pouvoir exécutif, pour tout ce qui intéresse l’intérieur de la commune.

Si, en apparence, la commune est autonome, en réalité elle ne l’est pas et est soumise à l’autorité du Préfet représentant le Gouvernement et qui a la faculté, s’il le juge utile pour maintenir « l’ordre », de révoquer le maire, de lui retirer ses pouvoirs et même de dissoudre le Conseil municipal. C’est fréquemment, et plus particulièrement en période de lutte ouvrière que nous voyons un préfet, agissant sur l’ordre de son gouvernement, prendre entre ses mains la direction de la police et faire violence à la commune qui ne veut pas se soumettre à l’autorité et à l’arbitraire du Gouvernement. En vertu même des principes de centralisme qui régissent les sociétés modernes, la « commune » est écrasée par le poids de l’autorité qu’elle subit. Dans une société organisée selon les règles de la raison et de la logique, la commune libre sera la base de tout régime social. C’est en abandonnant le centralisme et en s’inspirant du fédéralisme que nous arriverons à ce résultat. (Voir Centralisme et Fédéralisme.)