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sant et sur lesquels les délégués ont à se prononcer par un vote qui donnera à la thèse ainsi consacrée le caractère d’une décision qui constitue pour un ou deux ans, la ligne de conduite, de propagande et d’action des groupements affiliés à l’organisation qui a tenu ce Congrès. Ce sont là des principes généraux que suivent tous les groupements, qu’ils soient ouvriers ou patronaux ; ces principes constituent une sorte de jurisprudence consacrée par l’usage et passée dans les mœurs. On retrouvera ce terme dans l’exposé général du syndicalisme.

Il y a aussi d’autres sortes de Congrès. Dans l’ordre religieux, il y a les Conciles qui ont charge d’examiner les thèses de l’Église, de surveiller l’intégrité du Dogme et de condamner réformateurs et iconoclastes. Jean Huss, précurseur de la Réforme, fut condamné à être brûlé vif par le Concile de Constance, et exécuté en 1415. On retrouve d’ailleurs, le mot Concile, à son ordre, dans cette encyclopédie. Les Conclaves sont des Congrès de prélats portant le titre de cardinaux, qui ont charge d’élire le pape lorsque le successeur de St-Pierre vient à décéder. On retrouve également ce mot à son ordre. Il y a enfin les Congrès de Parlements. En France, les deux Chambres : députés et sénateurs se réunissent en Congrès, à Versailles, pour élire le président de la République, ou pour modifier la Constitution. Il en est de même aux États-Unis, en Suisse.

Il y a encore des Congrès de la Paix, qui, généralement, préparent la guerre. Celui de la Haye fut le plus fameux. La Société des Nations, avec ses séances trimestrielles et mensuelles, tient elle aussi, des Congrès où sont pris des engagements aussi solennels que vite oubliés. Ce qu’il faudrait souhaiter, c’est que toutes ces parlotes inutiles et vaines de gens qui ne sont là que pour mentir et tromper les peuples soient remplacés par un Congrès des Peuples, où ceux-ci fixeraient leurs rapports et enterreraient définitivement la guerre, le capitalisme et son exécrable régime. Mais ce jour n’est pas encore venu. Ce jour-là, les Congrès ouvriers auront, eux aussi, plus d’intérêt qu’en ce moment. Ils auront aussi de plus graves responsabilités à prendre. — Pierre Besnard.

CONGRÈS. Assemblée de gens ayant pour mission de délibérer sur des intérêts communs. Les Congrès se différencient des Assemblées ordinaires, de ce fait qu’ils ne sont convoqués qu’à des périodes indéterminées et assez éloignées les unes des autres. Un Congrès ne siège jamais en permanence. Il y a plusieurs catégories de Congrès, et leur importance est relative aux questions qui y sont traitées et aux sujets qui y sont débattus. Nous avons tout d’abord les Congrès diplomatiques, dont les acteurs sont les représentants de différentes nations ayant des conflits à régler. Les représentants des dites nations ont ordinairement comme mandat, de défendre les intérêts généraux de leur pays, et de chercher un terrain de conciliation pour éviter les ruptures qui sont les prémices de la guerre ; c’est du moins ce que l’on dit au peuple ; mais, en réalité, les diplomates et les ambassadeurs s’acquittent de leur besogne, sans s’inquiéter aucunement des intérêts généraux de la nation, mais simplement de ceux d’une infime minorité qui tire les ficelles de la politique. Lorsque ces Messieurs de la diplomatie ont du temps à perdre, ils s’attaquent parfois à des questions d’ordre sentimental ; c’est ainsi qu’au Congrès de Genève, en 1863, ils accouchèrent d’une convention internationale neutralisant les blessés en temps de guerre et que en 1878, le Congrès de Saint-Pétersbourg prononça l’interdiction de l’emploi des balles explosives. Nous savons comment ces conventions furent respectées, et le cas que l’on fit, entre 1914 et 1918, des décisions de Genève et de Pétersbourg. En France, on

appelle également « Congrès », la réunion de la Chambre des députés et celle du Sénat, lorsqu’il faut élire un nouveau président de la République, ou modifier la constitution. Ce Congrès se réunit au Palais de Versailles. Mais il se tient d’autres Congrès que ceux d’essence politique et diplomatique, et, bien qu’ignorés du public, ils offrent cependant un intérêt autrement appréciable que les premiers. Ce sont les Congrès de savants, qui enregistrent les découvertes récentes et dans lesquels les hommes de science se concertent pour étudier les phénomènes de la nature et, en unissant leurs connaissances, arriver à poursuivre l’œuvre de civilisation ; ce sont les Congrès de médecins, dans lesquels on travaille pour alléger et abréger les souffrances physiques de l’individu et ce sont, enfin, les Congrès ouvriers, où le travailleur cherche son orientation et les moyens utilisables pour lutter contre le capital et l’abolir. Nous dirons donc, s’il nous faut donner une définition, de ce qu’est un « Congrès » : que c’est la réunion de délégués d’une nation, d’un parti politique, d’une organisation syndicale ou philosophique ; et que son rôle est d’enregistrer le travail accompli dans le passé, de souligner une situation de fait et de déterminer une situation et un travail d’avenir.

Quelles que soient les imperfections, dues plutôt à la manière qu’à l’esprit dans lequel il est organisé, le Congrès est l’unique forme de représentation en usage dans les organisations de réforme sociale, et si les résultats que l’on pouvait en espérer ont souvent été négatifs, c’est que, même dans les associations d’avant-garde, on ne s’est pas encore libéré des pratiques politiques, que la « manœuvre » y est d’une pratique courante et que l’on cherche trop souvent à satisfaire son petit orgueil par une victoire oratoire, sans songer aux intérêts profonds de la classe ouvrière.

Il y a, en France, deux importantes organisations prolétariennes : la Confédération générale du Travail et la Confédération générale du Travail unitaire. La ligne de conduite de ces organisations est déterminée par le Congrès, qui se réunit tous les deux ou trois ans, et plus souvent, si la nécessité s’en fait sentir. Il est évident qu’il serait préférable que ces Congrès nationaux fussent convoqués à. des dates plus rapprochées les unes des autres ; mais on sait les frais qui sont occasionnés par le déplacement de centaines de délégués ; nous ne devons pas oublier que nous sommes en régime capitaliste, et que les caisses des organisations ouvrières sont plus souvent vides que pleines. Les délégués à ces Congrès sont désignés par l’Assemblée générale de leur organisation particulière, et y sont également représentées les diverses fédérations d’industrie ou de région ; ces fédérations n’ont pas voix délibératives, mais consultatives. Nous pouvons donc considérer que dans son esprit, la représentation est assez logique, et qu’il serait difficile de faire mieux dans la situation présente de l’organisation ouvrière et sociale. Les délégués au Congrès doivent s’inspirer des désirs de leurs mandants, pour approuver ou désapprouver le travail et la politique du bureau qui, ordinairement, fut désigné par le Congrès précédent et qui accepte, secondé par une Commission exécutive, la responsabilité de l’organisation, durant la période qui sépare deux Congrès ; d’autre part, les représentants des organisations ont à charge, toujours en s’inspirant de l’esprit des organisations qui les ont mandatés, de déterminer la ligne de conduite future de l’organisation nationale. Nous avons dit plus haut, que la façon dont sont organisés les congrès ouvriers n’était pas exempte de critiques. Il est, en effet, regrettable de constater qu’il arrive fréquemment que des « chefs » d’organisation usent du pouvoir et de l’autorité dont ils disposent