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groupements de tous ordres. Issu de l’Assemblée générale des actionnaires ou des syndiqués, le Conseil d’administration, dont la composition numérique est variable, a charge, comme son nom l’indique, d’administrer la chose commune qui ne peut être gérée directement par tous. Dans l’ordre capitaliste, le Conseil d’administration, généralement composé des personnalités les plus marquantes, est la véritable puissance de cette société. La valeur d’une entreprise est presque toujours subordonnée à l’influence, au renom, à la richesse des membres du Conseil d’administration et, principalement, du Président de ce Conseil. C’est d’ailleurs lui qui est responsable devant la loi. La plupart des membres du Conseil d’administration d’une société sont également membres des Conseils d’administration d’entreprises similaires, alliées, ou de caractère différent. Responsable de la gestion de l’Entreprise, les conseillers jouissent aussi des privilèges que comporte la direction de l’affaire, de la Société, de l’Établissement, de l’exploitation. Ils en sont, en fait, les seuls maîtres et les Assemblées générales ne font, généralement, qu’entériner les décisions qu’ils ont prises, tant pour la gestion que pour l’administration.

Il est facilement concevable que les membres des Conseils d’administration des grandes affaires commerciales, industrielles, bancaires, etc…, acquièrent, de par leurs fonctions, autorité et puissance.

Cette autorité et cette puissance sont d’autant plus grandes que l’affaire est plus importante, que le conseiller est membre d’un plus grand nombre de conseils. C’est ainsi que sont nés les potentats de la finance des houillères, des peaux, des tissus, du papier, des mines, du blé, du sucre, du café, de la sidérurgie, des transports par eau et par fer, des pétroles, etc., qui, aujourd’hui, possèdent, à quelques-uns, toute la richesse réelle d’un pays.

Les Conseils d’administrations capitalistes sont en fait les vrais maîtres du jour. Ce sont ceux qui commandent aux gouvernants dont le rôle consiste à appliquer, dans l’ordre politique, les mesures arrêtées dans l’ordre économique et social par les Conseils d’administrations capitalistes. Dans ces conditions, on conçoit aisément que le Conseil des Ministres ne soit que l’appareil d’enregistrement et d’exécution des Conseils d’administration qui le dominent, ainsi que le Parlement, de toute leur puissance dorée. Nous savons comment s’organisent nationalement et internationalement les Sociétés d’exploitation bourgeoise. Nous savons, par l’étude des Cartels, comment fonctionnent et agissent ces appareils d’asservissement. Inutile d’y revenir. Il nous reste a examiner ce que sont les Conseils d’administration des Syndicats, à en exposer le fonctionnement et le rôle.

Institués, comme les Syndicats, par la loi de 1884, les Conseils syndicaux sont responsables, en face du pouvoir, de la marche, de l’attitude générale du Syndicat. Le bureau du Syndicat est tenu de fournir aux Pouvoirs publics, le nom et l’adresse des administrateurs syndicaux. Il doit également notifier à ces mêmes pouvoirs toutes les modifications survenant dans la composition du Conseil syndical. Toutes ces formalités sont d’ailleurs plus ou moins observées, plutôt moins que plus. Le Conseil d’administration est nommé, pour un temps déterminé par l’Assemblée générale des syndiqués. Il est renouvelable ou non, à l’expiration de son mandat, selon les stipulations statutaires. C’est lui qui a charge d appliquer les décisions prises par les Assemblées générales. S’il y a une situation générale grave, inquiétante, il lui appartient de provoquer une Assemblée générale pour examiner cette situation et prendre les mesures qui y correspondent. Le Conseil d’administration applique mais il ne décide pas. Du moins, il devrait

en être ainsi si on veut que la décision reste toujours placée entre les mains de tous les syndiqués. Il se peut pourtant que, devant une situation exceptionnellement grave, qui ne souffre aucun répit, le Conseil soit appelé à agir par lui-même. Il ne doit le faire que dans le cadre ou le prolongement des décisions déjà prises et se faire approuver dès que possible. Le Conseil est le pouvoir exécutif des syndicats, les assemblées générales, le pouvoir d’exécution et les comités, le pouvoir de contrôle. Ce sont les caractéristiques essentielles du mouvement syndical. Il est indispensable, pour que l’appareil syndical fonctionne à plein rendement, qu’il y ait délimitation très nette des rôles et attributions de ces organismes et que chacun remplisse bien sa mission. Sans quoi, c’est la paralysie, le chevauchement, le conflit d’attributions, le règne de quelques-uns sur l’ensemble rendu possible. C’est ce qui arrive, hélas ! de nos jours, dans l’ensemble du mouvement syndical de tous les pays. Les Assemblées générales ne décident plus, les Comités ne contrôlent pas et les Conseils, voire les Bureaux, agissent à leur guise.

Il ne faut pas chercher ailleurs les causes de la crise syndicale actuelle.

L’ensemble des Conseils syndicaux d’une localité forment par voie de délégation, le Conseil de l’Union locale des syndicats, de l’Union départementale ou régionale. Les Conseils syndicaux industriels forment de la même manière, les Conseils fédéraux d’industrie. Ceux-ci et les Conseils départementaux désignent les administrateurs confédéraux. Ainsi s’édifie et se constitue, en face de l’appareil bourgeois, l’appareil ouvrier qui aura charge de remplacer son adversaire lorsque celui-ci sera terrassé. Il y a aussi, maintenant, les Conseils d’usine, dont nous exposerons longuement le caractère au cours de l’étude sur le Contrôle ouvrier, dont les Conseils d’usine sont les agents d’exécution.

Ici, je me contenterai d’indiquer que les Conseils d’usine doivent être les sentinelles avancées du syndicat dans l’usine, la force grandissante et organisée qui fera chaque jour reculer un peu plus la puissance patronale.

Il y a encore le Conseil économique national, qui est d’invention confédérale et de réalisation gouvernementale. C’est au Congrès confédéral de Lyon, en 1919, que la C.G.T. décida de former un Conseil économique du Travail. Ce Conseil avait charge de préparer les voies a l’action confédérale, d’étudier les grands problèmes économiques et d’indiquer des solutions pour chacun d’eux.

On attendait beaucoup de ce Conseil dans le monde du travail. Il déçut bien des espoirs et finit lamentablement une existence courte et sans gloire.

Il ne renaquit qu’en 1925, sous le ministère Painlevé. Mais cette fois-ci, ce n’était plus une création ouvrière où ne siégeaient que des ouvriers ou des sociologues et techniciens d’avant-garde, mais au contraire une sorte d’aréopage composé de capitalistes haut cotés et de représentants ouvriers ayant oublié la nécessité de la lutte de classe. La collaboration des classes, cette panacée de la C.G.T., avait réalisé ce tour de force et rendu possible cette création hybride qui avait pour mission, flanquée d’un nombre imposant de Comités plus ou moins techniques, d’étudier les grands problèmes économiques et de soumettre au gouvernement des solutions à ces problèmes. Il n’y a rien à attendre d’un tel organisme. Ou il sera totalement impuissant, et disparaîtra de lui-même ou, au contraire, il agira, et ce sera à l’encontre des intérêts ouvriers qu’il confond avec ceux du patronat. Le Conseil syndical on le voit, est une institution importante dont il était bon d envisager le rôle et le fonctionnement. Il peut rendre des services éminents ou devenir un appareil d’oppression. La clairvoyance, l’intelligence, la compréhension,