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Les gosses prennent-ils conscience de la beauté d’une vie de travail ? Non !

Ensemble ils se racontent leurs coups, en combinent d’autres pour le jour de leur libération et il est commun de voir des gosses qui seraient devenus de bons et de braves petits gars monter des associations. Quand ils sortent, pour la plupart ils recommencent en grand ce qu’ils n’avaient fait qu’en petit et tels qui auraient fait des hommes courageux, vont inaugurer, dès leur sortie, une vie qui les conduira de prison en prison, quand ce n’est pas au bagne ou à l’échafaud.

Vous avez pris, ô moralistes, des gosses égarés qui pouvaient se reprendre et vous en avez fait de la chair à souffrance, de la chair à prison.

Non seulement votre but n’est pas atteint, mais, au contraire, il est complètement éloigné : vous ne faites que fournir des contingents aux machines à condamner que sont les magistrats.

Conclusion. — Même du point de vue bourgeois, la théorie des maisons de correction ne tient pas devant les faits.

Rien ne peut légitimer, à quelque tendance politique qu’on appartienne, la survivance des « bagnes d’enfants ».

Aussi devons-nous nous attacher à dénoncer devant l’opinion publique ce reste de barbarie qu’est l’institution des maisons de correction.

Combattons pour faire supprimer ces lieux où l’on torture l’enfance.

En attendant le jour où nous établirons un milieu social qui, assurant à chaque individu le droit au bonheur, supprimera la misère : cause de tous les vices et de tous les crimes. ― Louis Loréal.


CORRUPTION. n. f. Action par laquelle une chose se désorganise, s’altère, se putréfie. « La corruption de la viande. »

Le mot « Corruption » s’emploie surtout comme synonyme de dépravation physique ou morale. « L’époque du Directoire s’est signalée par la corruption de ses mœurs ».

L’argent est une source de corruption et les hommes qui se vendent à une cause, qui sacrifient leurs opinions et leurs idées et qui se laissent corrompre pour de l’argent, sont nombreux. C’est surtout sur le terrain politique que s’exerce la corruption. Il est peu de parlementaires qui ne se laissent acheter et qui ne consentent à tromper pour certains avantages matériels, leurs électeurs confiant en la sincérité de leurs représentants.

Peut-il du reste en être autrement au sein d’une société où tout se vend et tout s’achète, où on ne vit que sur le mensonge et où le bonheur appartient au plus adroit et au plus rusé ? C’est toute l’organisation sociale présente qui est corrompue, et c’est la raison pour laquelle elle ne peut être réformée, mais qu’il est nécessaire d’en ébranler les assises et d’en abolir les institutions, si nous voulons réellement voir succéder à la corruption moderne une ère de loyauté et de franchise.


COSMOS. n. m. Ce mot grec n’entrait dans le latin du moyen-âge et dans les langues modernes qu’en composition (macrocosme, microcosme, cosmopolite etc.). Le succès de Cosmos, ouvrage consacré par Alexandre de Humboldt à la description de l’univers (1847-1851), a fait des doux mots cosmos et univers des synonymes ou à peu près.

Le penchant unificateur de l’esprit humain rend tendancieux et anti-pluralistes tous les termes qui servent à désigner l’ensemble des choses. Le langage ne permet pas plus d’exposer, sans contradiction apparente, une philosophie pluraliste qu’une doctrine phénoméniste. La

prudente périphrase que je viens d’employer, « l’ensemble des choses », chuchote déjà, malgré mon sentiment, je ne sais quelle unité. Univers aussi. Monde et cosmos affirment, en outre, que l’univers est ordonné selon un plan.

Cosmos, chez les premiers grecs, n’avait d’autre sens que celui d’ordre ou arrangement. Ce sont les pythagoriciens qui commencèrent à désigner ainsi l’univers ; ils voulaient que leur seule façon de le nommer fut déjà éblouissement d’adoration devant l’ordre et l’harmonie qui leur paraissait éclater en lui.

Le succès du pythagorisme dans la grande Grèce le fit pénétrer de bonne heure à Rome. Mundus ne signifiait d’abord, lui non plus qu’ornement et arrangement. Dès Ennius et Plaute il devint le nom le plus fréquent, comme le plus glorieux et le plus pieux, de l’univers.

Lorsque Socrate se dit « citoyen non d’Athènes, mais du Cosmos », il veut se déclarer le frère de tous les hommes, hellènes et barbares ; et il se glorifie de faire partie de la totale organisation. La première intention est certaine ; la seconde, fort probable, puisque Diogène répétant qu’il est « citoyen du Cosmos » ajoute : « Et je ne connais qu’un gouvernement digne d’admiration, le gouvernement du Cosmos. » Les stoïciens proclament aussi leur admiration pour « la cité de Zeus »… Sommes-nous bien loin de la « cité de Dieu » de Saint Augustin ?

Oui et non. Pour le stoïcien, la cité de Zeus est le monde actuel ; pour le chrétien, la cité de Dieu est un monde futur, ciel ou millénarisme théocratique. En outre, pour le chrétien, l’œuvre suppose un ouvrier personnel. Le stoïcien n’adore pas un Dieu sage qui aurait créé ou ordonné le monde ; mais il croit qu’une sagesse abstraite, une loi, le gouverne et le rythme.

Le chrétien affirme en dehors de l’expérience et compense le mal réel par un bien chimérique ; le stoïcien, plus hardi, nie le mal et affirme contre l’expérience.

Tout dans l’univers est mouvement aveugle, mort et renaissance. L’équilibre apparent y est comme on dit statique : fait de chancellements et de luttes qui se compensent ou à peu près. Des étoiles s’éteignent puis se rallument au choc d’autres astres éteints. L’attraction jette des masses incandescentes vers d’autres incendies. La répulsion lance à toute vitesse dans l’étendue des planètes brisées, ruines et débris. Il n’y a pas de pensée même abstraite, dans ce désordre. Le prétendu Cosmos est un chaos.

Il n’y a pas sagesse dans l’effarant gaspillage de germes auquel se livre ce que nous avons le tort d’appeler au singulier la Nature ; dans la mort de tant d’êtres à demi formés pour le développement d’un seul. Quelle fantaisie ridicule charge la femelle enfant d’un nombre d’œufs infiniment plus considérable que la femelle adulte ? Le biologiste Hansemann constate que, chez la femme, l’ovaire contient à deux ans, cinquante mille œufs, vingt-cinq mille à huit ans ; à dix-sept ans, cinq mille. Cinq cents en moyenne parviendront à maturité. Et cette dépense fantastique pour obtenir la fécondation de combien d’œufs ? La nature maladroite fait peu avec beaucoup et, si nous cherchions en elle de la sagesse, nous voici obligés de crier à la folie. Ailleurs elle fait beaucoup avec peu et multiplie les bouches affamées plus rapidement que les nourritures.

L’ordre, le cosmos, simples désirs de notre esprit et de notre cœur. Le chaos mondial est moins encore justice ou amour qu’harmonie.

« L’exploration de notre système solaire — dit Auguste Comte — a fait disparaître toute admiration aveugle et illimitée en montrant que la science permet de concevoir aisément un meilleur arrangement ». Et il remarque, non sans finesse : « Quand les astronomes se livrent à un tel genre d’admiration il porte sur l’orga-