Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 1.djvu/601

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
DRO
600

déclare, en présence et sous les auspices de l’Être Suprême, les Droits suivants de l’Homme et du Citoyen :

« I. — Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

« II. — Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.

« III. — Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.

« IV. — La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.

« V. — La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.

« VI. — La loi est l’expression de la volonté générale : tous les citoyens ont le droit de concourir, personnellement ou par leurs représentants, à sa formation ; elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.

« VII. — Nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis, mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l’instant ; il se rend coupable par la résistance.

« VIII. — La loi ne doit établir que les peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée.

« IX. — Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

« X. — Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.

« XI. — La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

« XII. — La garantie des Droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l’avantage de tous et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée.

« XIII. — Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

« XIV. — Tous les citoyens ont le droit, par eux-mêmes ou par leurs représentants, de constater la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.

« XV. — La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.

« XVI. — Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution.

« XVII. — La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »

Par cette Déclaration solennelle qui eut en France et en Europe un immense retentissement, l’Assemblée nationale entendait faire table rase de l’ancien régime ; elle voulait, en outre, instituer une société toute nouvelle dont les bases essentielles devaient être la souveraineté nationale, la séparation des pouvoirs, l’égalité et la liberté des citoyens.

La partie négative de cet audacieux programme, celle qui consistait simplement à détruire, l’Assemblée nationale l’exposa dans la Constitution de 1791, en rappelant brièvement les abus qu’elle supprimait :

« L’Assemblée nationale, voulant établir la Constitution française sur les principes qu’elle vient de reconnaître et de déclarer, abolit irrévocablement les institutions qui blessaient la liberté et l’égalité des droits.

« Il n’y a plus ni noblesse ni pairie, ni distinctions, ni justices patrimoniales, ni aucun des titres, dénominations et prérogatives qui en dérivaient, ni aucun ordre de chevalerie, ni aucune des corporations ou décorations pour lesquelles on exigeait des preuves de noblesse, ou qui supposaient des distinctions de naissance ; ni aucune autre supériorité que celle des fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs fonctions.

« Il n’y a plus ni vénalité ni hérédité d’aucun office public.

« Il n’y a plus, pour aucune partie de la nation ni pour aucun individu, aucun privilège ni exception au droit commun de tous les Français.

« Il n’y a plus ni jurandes, ni corporations de professions, arts et métiers.

« La loi ne reconnaît plus ni vœux religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la Constitution. »

L’œuvre positive définie par la Déclaration de 1789 embrassait tous les droits dont l’Assemblée nationale entendait garantir la jouissance aux citoyens français.

On en trouve le plan général au titre I de la Constitution de 1791, intitulé : « Dispositions fondamentales garanties par la Constitution » :

« La Constitution garantit, comme droits naturels et civils :

« 1o Que tous les citoyens sont admissibles aux places et emplois, sans autre distinction que celle des vertus et des talents ;

« 2o Que toutes les contributions seront réparties entre tous les citoyens également, en proportion de leurs facultés ;

« 3o Que les mêmes délits seront punis des mêmes peines, sans aucune distinction de personne.

« La Constitution garantit pareillement, comme droits naturels et civils :

« La liberté à tout homme d’aller, de rester, de partir, sans pouvoir être arrêté ni détenu que selon les formes déterminées par la Constitution ;

« La liberté à tout homme de parler, d’écrire, d’imprimer et publier ses pensées, sans que ses écrits puissent être soumis à aucune censure ni inspection avant leur publication, et d’exercer le culte religieux auquel il est attaché ;