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cause de leurs opinions. Elle est intervenue de même en faveur des condamnés de droit commun mis au ban de la société. Elle a mené campagne pour des communistes faussement inculpés de « complots ». Maintes fois, elle a pris la défense des militants libertaires. On n’a pas oublié les émouvants plaidoyers de Ferdinand Buisson, de Victor Basch, d’Henri Guernut, de Maurice Viollette, de Séverine, au procès de Germaine Berton. Après plusieurs démarches, elle a obtenu la libération anticipée d’E. Armand, condamné en 1918, par le conseil de guerre de Grenoble, à 5 ans de prison pour « complicité de désertion ». On connaît ses interventions en faveur de Sacco et de Vanzetti, condamnés à mort par la justice des États-Unis d’Amérique.

La Ligue, on le voit, par ces quelques exemples, ne fait point acception de personnes ; quiconque souffre l’injustice, qu’il se nomme Joseph Caillaux ou le bagnard no X…, par cela seul qu’il souffre l’injustice, est son client.

III. L’œuvre de la Ligue à l’extérieur : Les mêmes principes de justice et d’impartialité inspirent l’action de la Ligue à l’extérieur. Dans ses congrès, dans ses meetings, elle affirme que les nations, comme les individus, sont des personnes morales et que chaque peuple a des droits dont le respect s’impose à tous les autres.

Dès 1916, avant même que le Président Wilson l’eût rappelé dans ses propositions, la Ligue des Droits de l’Homme avait défendu le Droit des Peuples et demandé l’organisation d’une Société des Nations, fondée sur la justice et l’équité.

On n’a pas oublié ses campagnes pour l’Arménie et pour la Finlande. Dès le début de la guerre, elle revendiqua le droit à l’indépendance pour la Pologne, pour la Tchéco-Slovaquie, pour la Yougo-Slavie, pour toutes les nationalités opprimées.

Éprise d’impartiale justice, elle a défendu les populations en difficultés avec les Alliés ou avec la France : Irlande, Égypte, Albanie, Annamites, Indigènes de l’Afrique du Nord. Elle avait protesté, jadis, contre l’oppression de la Finlande par le gouvernement des tsars. Elle a protesté, depuis la révolution russe, contre l’invasion de la Géorgie par le gouvernement des Soviets.

La Ligue veut être, par-dessus tout, une Ligue de la Paix. Elle ne peut admettre qu’un État ait le droit de se faire justice par la force. Convaincue que la guerre, tout comme le pillage et l’assassinat, est un crime de droit commun, elle mène campagne depuis plus de vingt ans pour que les conflits internationaux, comme les différends des particuliers, soient réglés juridiquement, c’est-à-dire pacifiquement. Elle demande, pour la Société des Nations, le droit de poursuivre les manquements au pacte international et le pouvoir d’en châtier les auteurs.

« Point de justice sans réparation des injustices, a écrit Ferdinand Buisson, président d’honneur de la Ligue française, point de réparation des injustices sans une juste sentence des tribunaux autorisés à la rendre ; point de juges et de jugement possibles sans une Société des Nations qui prête main-forte à la justice et qui dispose souverainement des sanctions nécessaires pour faire exécuter ses justes décisions. »

IV. La Ligue Internationale des Droits de l’Homme : En vue d’organiser à l’extérieur l’œuvre de justice et de paix, la Ligue française des Droits de l’Homme a créé ou facilité la fondation, pour les autres nations, de plusieurs Ligues-sœurs. C’est ainsi que des Ligues des Droits de l’Homme, indépendantes dans leur action mais animées du même idéal et s’inspirant des mêmes méthodes, ont été constituées pour les pays suivants :

Albanie, Allemagne, Angleterre, Arménie, Autriche,

Belgique, Bulgarie, Dantzig, Espagne, Géorgie, Grèce, Haïti, Hongrie, Italie, Luxembourg, Portugal, Pologne, Roumanie, Russie, Tchéco-Slovaquie.

Une Fédération, dont le siège est à Paris, leur sert d’agent de liaison sous le nom de « Ligue Internationale des Droits de l’Homme et du Citoyen ». Mme Ménard-Dorian en est la secrétaire générale.

Le IIIe Congrès de la Ligue Internationale des Droits de l’Homme, réuni à Bruxelles, les 26 et 27 juin 1926, a étudié plus spécialement la Constitution des États-Unis d’Europe dans l’esprit et dans le cadre de la Société des Nations.

V. Publications de la Ligue française : Au cours de ses campagnes, la Ligue française des Droits de l’Homme a édité une importante bibliothèque formée de nombreux tracts, brochures, comptes rendus sténographiques de Congrès. Nous en donnons ci-après un aperçu très sommaire.

Depuis 1900, elle publie régulièrement un Bulletin Officiel, devenu en 1920 une revue bi-mensuelle de grand format sous le titre : Les Cahiers des Droits de l’Homme. C’est, à l’usage des militants de la démocratie française, une source d’informations documentaires et un organe de combat.

VI. Administration de la Ligue française : La Ligue française des Droits de l’Homme, dont le siège est à Paris, 10, rue de l’Université (7e), comprend plus de 130.000 ligueurs, groupés en 1.800 sections locales et en 81 fédérations départementales.

Elle est administrée par un Comité Central élu par l’ensemble des ligueurs à la majorité absolue.

Tous les ans, un Congrès national contrôle l’action du Comité Central au cours de l’exercice écoulé, précise la doctrine de la Ligue sur les questions à l’ordre du jour et formule, pour l’année suivante, les directives que devront suivre ses militants.

Elle a eu successivement pour présidents :

MM. Ludovic Trarieux (1898-1903), Francis de Pressensé (1903-1914), Ferdinand Buisson (1914-1926), Victor Basch.

Le Bureau du Comité Central pour 1927 est ainsi composé : MM. Victor Basch, président ; A. Aulard, C. Bouglé, A.-Ferdinand Hérold, Mme Ménard-Dorian, Paul Langevin, vice-présidents ; Henri Guernut, secrétaire général ; Alfred Westphal, trésorier général.

M. Victor Basch, élu président le 15 novembre 1926, a rappelé dans les Cahiers du 25 novembre les buts de la Ligue et défini en ces termes quelle doit être son action dans l’avenir :

« Défendre le droit des individus, à quelque parti qu’ils appartiennent, à quelque degré de la hiérarchie sociale qu’ils soient placés, et le défendre avec d’autant plus d’énergie que ce degré est plus humble ; — faire rendre au Droit, tel qu’il est inscrit dans la Loi, tout son suc de justice et travailler incessamment à adapter cette Loi à la réalité sociale et à la faire plus clémente et plus humaine ; — défendre le droit des peuples, de tous les peuples » à disposer librement d’eux-mêmes, à se développer librement, à harmoniser leur développement avec celui des autres peuples, de tous les autres peuples ; travailler passionnément à la cause sacrée de la paix ; — défendre inlassablement la démocratie ; défendre, dans cette démocratie, ce qui est conforme au fond dernier, au fond sacré de la personne morale et sociale, mais combattre inlassablement aussi la démagogie, qui n’est que la caricature de la démocratie vraie ; — défendre les droits de l’enfant et de la femme et prêter plus d’attention aux problèmes sociaux et donner aux concepts de liberté et d’égalité toute leur valeur et toute leur portée — voilà la mission de la Ligue.