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EAU
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E


EAU n. f. (du latin aqua, ou du provençal aiga. Autrefois on disait aige, aigue, ege, egue). L’eau est un liquide transparent, sans odeur, très peu élastique et contenant en volume, une partie d’oxygène sur deux d’hydrogène et en poids 88, 90 d’oxygène, sur 11, 10 d’hydrogène. Elle est incolore en petite quantité, mais bleuâtre ou grisâtre sous grande épaisseur. Elle se solidifie et augmente en volume à une température qui a été choisie pour le zéro du thermomètre centigrade, elle prend alors le nom de glace ; quant à sa température d’ébullition, elle a été choisie pour le degré 100 du thermomètre centigrade.

Les eaux des océans, des fleuves, des rivières s’évaporent continuellement, et cette évaporation forme les nuages, qui, entraînés par le vent, se résolvent en pluie ou en neige, qui retombe sur la surface du globe et en partie s’accumule aux points les plus bas ; le reste s’infiltre plus ou moins dans la terre, ce qui donne naissance aux sources. Enfin, toutes les eaux retournent à la mer par la voie des rivières et des fleuves.

L’eau n’a pas toujours le même goût. Celle de la mer est salée ; l’eau provenant d’un amas de neige est fade, et celle d’un lac a une saveur différente de celle d’une source. Cela provient de ce que l’eau à l’état naturel n’est pas pure, et qu’au contact des terrains qu’elle traverse et au contact de l’air, elle se charge d’impuretés et de matériaux, parmi lesquels on trouve la chaux, des sels alcalins, des nitrates, etc., etc… On peut se rendre facilement compte des impuretés que véhicule l’eau. Si on laisse évaporer quelques gouttes d’eau de puits ou de rivière sur un morceau de verre, lorsque l’eau a disparu, il reste une tache blanchâtre formée par les matières solides que l’eau a déposées.

Toutes les eaux ne sont donc pas, à l’état naturel, propres à la consommation. Une eau potable doit être aérée (30 cm. cubes de gaz environ par litre), et ne pas contenir trop de matières solides (4 décigr. par litre au maximum), et surtout ne contenir aucune matière organique.

On appelle matières organiques des êtres vivants ou déchets d’êtres vivants, des microbes et des bacilles (typhoïde, choléra, dysenterie, etc…), ordinairement très dangereux. Pour libérer l’eau de ces parasites, il faut la faire bouillir. D’autre part, certaines eaux contiennent trop de sels de calcium, durcissent les légumes, et moussent difficilement avec le savon.

Une eau n’est pas purifiée sitôt qu’elle est en ébullition ; pour la rendre potable, il faut la faire bouillir pendant environ 15 ou 20 minutes, afin de bien tuer tous les germes qu’elle peut contenir ; l’ébullition fait disparaître également l’oxygène qui était dissous dans l’eau, et si l’on mettait des poissons dans de l’eau récemment bouillie, ceux-ci périraient asphyxiés.

Les eaux minérales sont celles qui contiennent des sels en quantité notable ; elles sont employées en médecine. Les principales sont : Eaux sulfureuses ; thermales : Bagnères-de-Bigorre ou Enghien-les-bains, contre les rhumatismes, les maladies de la gorge et de la peau. Les eaux chlorurées sodiques contre le rachi-

tisme et les fibromes utérins. Les eaux alcalines (Vichy), contre les maladies de l’estomac, du foie, des reins, etc. Les eaux magnésiennes (Contrexéville), contre la goutte et les affections vésicales. Les eaux ferrugineuses employées contre l’anémie et la chlorose.

Toutes ces eaux bienfaisantes ne sont, hélas, pas destinées à la consommation des pauvres bougres. Elles ont créé une véritable industrie exploitée aux profits des riches qui seuls peuvent se permettre d’en user pour les soins que nécessite leur état. Même l’eau n’est pas gratuite, car il est, en effet, impossible au travailleur d’avoir à son gré de l’eau de Vichy, si son estomac en réclame, et il lui est encore plus impossible de se baigner dans les eaux de Bagnères-de-Bigorre, s’il souffre de rhumatismes.

L’eau n’est pas seulement utile, elle est indispensable et l’on ne peut s’en passer, car elle concourt à tout instant aux commodités et aux besoins de l’existence. Les contrées qui en sont dépourvues sont misérables, et si les philosophes anciens la considéraient comme le principe fondamental de toute chose, ils n’avaient pas tout à fait tort, car elle est une source de richesse, de fertilité et de vie.

En dehors de l’usage que l’on en fait dans le ménage, pour l’alimentation et les soins d’hygiène, l’eau est l’élément indispensable au laboureur, pour que sa semence ne reste pas improductive ; c’est elle qui nous nourrit et qui nous désaltère ; sans eau nous ne pourrions vivre.

Il y a cent ans seulement, lorsque les voies ferrées ne sillonnaient pas le monde, la voie fluviale était la seule qui puisse permettre le transport de grosses quantités de marchandises de manière économique, et c’est encore l’eau qui faisait tourner le moulin qui broyait le grain récolté par le paysan.

C’est grâce à l’eau que l’industrie s’est développée. Lorsqu’en 1615, Salomon de Caus songea à utiliser la pression de vapeur d’eau comme moteur industriel, et lorsque 200 ans plus tard, en 1824, Stéphenson appliqua la chaudière tubulaire à la première locomotive, l’avenir était conquis.

Depuis, le progrès ne s’est pas arrêté. L’eau qui, transformée en vapeur, a permis aux hommes de traverser le monde par terre et par mer, se transforme maintenant en électricité. Demain, toutes les chutes d’eau, naturelles ou artificielles, nous fourniront une puissance et une force électriques suffisantes pour nous chauffer, nous éclairer, nous véhiculer, et le pauvre mineur, qui vit et qui crève au fond de son puits disparaîtra ou apparaîtra plutôt au grand jour et à la lumière ; pour faire un travail aussi utile et moins pénible, et surtout moins dangereux. Où s’arrêteront les découvertes humaines ? Déjà des savants travaillent et espèrent arriver à capter les forces improductives des eaux de l’Océan. Que nous fournirons demain, toutes ces richesses naturelles ? Le bien-être sans doute, car il est impossible que bien longtemps encore, en face de toutes ces richesses, de tous ces facteurs de bonheur, le peuple reste dans l’esclavage et l’insuffisance. Il peut y avoir de la joie pour tous sur la surface du globe, et ce n’est