Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 2.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
ECL
618

commencement de cet article, c’est à une observation attentive par l’astronome danois Olaf Rœmer que nous devons la découverte de la rapidité avec laquelle la lumière se transmet à travers l’espace. Rœmer a, en effet, pu constater en 1675, le premier, que les éclipses retardaient ou avançaient d’environ 16 minutes et demie selon que Jupiter se trouvait en conjonction ou en opposition avec le soleil. Or, le diamètre de l’orbite terrestre étant d’environ 300 millions de kilomètres, il était désormais prouvé que la lumière parcourt 300.000 kilomètres par seconde.

Deux siècles après Rœmer, c’est aussi à la lumière, à l’analyse spectrale, que nous devons la révélation suprême de l’unité constitutive de l’Univers qui nous permet l’affirmation scientifique de cette intuition des meilleurs penseurs d’autrefois : la vie dans l’Univers est illimitée et infinie, toutes les terres du ciel, nos sœurs, sont, ont été ou seront habitées. — Frédéric Stackelberg.


ÉCLIPSER (verbe). Au sens propre, cacher, couvrir en totalité ou en partie en parlant d’un astre qui en cache un autre. Au figuré : surpasser, effacer, obscurcir par son talent ou sa gloire, la gloire et le talent d’un autre. « Corneille éclipsa tous les poètes tragiques qui l’avaient précédé » (Voltaire). S’éclipser : s’enfuir, disparaître, faire une fugue, se mettre dans l’ombre, se soustraire aux regards. « Il est préférable que je m’éclipse et que j’attende la fin de l’orage ». « Il s’aperçut bien, à la surprise qu’on fit paraître, que l’on n’ignorait pas pourquoi il s’était éclipsé » (Le Sage).

Les politiciens et les meneurs intéressés du peuple s’éclipsent toujours lorsque l’action les réclame et qu’il y a danger à être au premier rang dans la lutte.


ÉCŒUREMENT n. m. Action d’écœurer : état d’une personne écœurée. Qui soulève le cœur, qui inspire de la répulsion. Une odeur écœurante ; un être écœurant ; un acte écœurant, un crime écœurant, une lâcheté écœurante, une trahison qui provoque l’écœurement.

Lorsque l’on jette un coup d’œil circulaire sur tout ce qui nous entoure, n’y a-t-il pas de multiples raisons d’être saisi d’écœurement ? La société est un bourbier duquel s’échappent des miasmes nauséabonds qui soulèvent le cœur de dégoût. « Un siècle de musc et de merde », disait Octave Mirbeau, en causant du siècle de Louis XIV ; le nôtre vaut-il mieux et les hommes ne se vautrent-ils pas aujourd’hui dans la bassesse et dans l’ordure, comme ils le faisaient au temps du grand roi ? Le courtisan a disparu et le politicien a vu le jour. L’un et l’autre se valent. Le courtisan flattait le roi, le politicien flatte le peuple. Mais pour le peuple c’est la même chose, que ce soit le roi ou lui, c’est toujours lui qui est victime et qui paie.

Comment peut-on ne pas être écœuré, lorsque l’on assiste au spectacle de l’orgie à laquelle se livrent les grands de ce monde, alors qu’il y a quelques années à peine, des milliers de jeunes êtres plein de vie et de santé se faisaient tuer pour bâtir ou consolider les fortunes des mercantis criminels. Comment ne pas être soulevé d’écœurement lorsque l’on sait qu’à l’ombre de la diplomatie se préparent d’autres carnages, que d’autres tranchées seront creusées et que les hommes périront encore dans la boue et dans le sang. N’est-on pas dégoûté lorsque se déroule devant soi la comédie électorale et que les candidats se couvrent d’insultes et d’injures pour arracher à l’électeur naïf la voix qui fera de lui un esclave ?

Mais ce qui nous écœure par dessus tout, c’est la passivité, l’indifférence, la lâcheté avec lesquels le peuple, pressuré, asservi, exploité depuis toujours, accepte son esclavage et se couche comme un chien à la voix de son maître. N’est-il pas lui-même dégoûté de tout

ce qui se passe, n’a-t-il pas assez de la tragédie dont il est l’un des acteurs, et n’est-il pas las de souffrir ?

Son écœurement ne va-t-il pas se manifester enfin par sa révolte, et sa répugnance ne va-t-elle pas le conduire à faire le geste qui le libèrera de toutes ses misères en mettant fin à la pourriture parlementaire et au régime abject du capitalisme !…


ÉCOLE n. f. (du latin schola). Il n’est pas nécessaire de définir l’école, mais il est utile de montrer les défauts les plus graves des écoles que fréquentent tous les jeunes enfants et d’indiquer ce qui devrait être fait pour rendre ces écoles meilleures.

Il n’est pas indispensable non plus d’étudier comment les écoles se sont différenciées ; mais il est bon de montrer que la différenciation qui a pour but de séparer les enfants des riches des enfants du prolétariat est combattue aujourd’hui par les partisans de l’école unique. Il nous faut signaler aussi l’influence de l’individualisme sur la différenciation des écoles, comment l’on se propose aujourd’hui de tenir mieux compte des intérêts et des capacités des enfants, pour aider ces enfants à devenir des hommes plutôt que pour en faire des croyants ou des citoyens.



Nul mieux que Roorda n’a su exposer d’une façon claire, et souvent caustique, les défauts des écoles d’aujourd’hui.

« Il y a, dit le pédagogue suisse, deux écoles :

« 1o L’école proprement dite…, où tous les enfants vont pour commencer ;

2o L’école spéciale ou professionnelle, où l’on entre plus tard, et où tous les élèves font un même apprentissage déterminé.

« Cette école spéciale sera, par exemple, une école de médecine, ou une école d’horlogerie, ou une école de droit, ou une école de commerce, ou une école de dessin, ou une école dentaire.

« On comprend que dans une telle école tous les élèves se livrent au même entraînement méthodique ; qu’on propose à tous les mêmes travaux et que, finalement, on exige de tous les mêmes connaissances techniques et un même minimum d’habileté : les uns exécuteront plus facilement que les autres les exercices réglementaires ; mais les exigences du maître ne varieront pas avec leurs aptitudes respectives. En somme, c’est sa science de spécialiste, ce sont ses propres talents, ses propres tours de mains qu’il s’efforce de communiquer à tous ses élèves indifféremment. Si les goûts de l’un de ceux-ci sont trop fortement contrariés par cette discipline uniforme, qu’il s’en aille. Car il y a des règles concernant la résistance des matériaux que doivent connaître tous les futurs constructeurs de ponts. Il faut exiger aussi de tous les élèves d’une école d’horlogerie, qu’en dépit de leurs tendances individuelles, ils fabriquent des montres marchant d’accord. Et je trouve bon que l’on interdise aux jeunes gens qui étudient l’art dentaire une originalité excessive dans la manière d’arracher les dents.

« Mais c’est de la première école que je veux parler, de celle que j’appellerai simplement l’École, et dont on oublie trop souvent l’un des caractères essentiels. Dans cette École-là, le maître s’adresse à des enfants qui exerceront par la suite les professions les plus diverses… L’École doit donc se demander : « Est-ce que la science que j’enseigne a une valeur générale ? … » Donc, ici, nous ne sommes plus à l’école professionnelle. Ici, en face de son maître, l’écolier n’est plus celui des deux qui doit comprendre l’autre. Il ne s’agit plus d’enseigner à tous les élèves les mêmes procédés et les mêmes formules. Il faut fournir à chacun d’eux l’occasion d’améliorer ce que la nature lui a donné de bon. Car chacun d’eux, en qualité d’être humain, a des aptitudes