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FAK
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la chose publique, tant que le capital subsistera, il y aura des parlementaires, des magistrats et des prisons et derrière les murs de ces prisons des hommes qui feront la grève de la faim pour s’élever contre l’injustice des lois et la tyrannie des puissants.


FAKIR ou FAQUIR n. m. (de l’arabe fakara, pauvre). Les Faquirs sont des ascètes musulmans qui se divisent en deux classes : les réguliers et les irréguliers. Les premiers, les ba-char appartiennent à un ordre et observent rigoureusement les règlements de cet ordre ; les seconds sont les bi-char. En Perse, en Turquie et dans le nord de l’Afrique, les fakirs sont désignés sous le nom de derviches. C’est surtout les ascètes hindous que l’on nomme faquirs.

Le costume des fakirs se compose d’un manteau de feutre blanc ou noir et d’une coiffure également en feutre. Leur existence est purement contemplative et ils ne vivent que d’aumônes. Pour les soutenir durant leurs contemplations, ils sont toujours munis d’une béquille en bois ou en fer sur laquelle ils reposent la tête ou le coude. Leur matériel se complète par une baguette en bois terminée par une main et qui leur sert à se gratter, car ils sont d’une crasse remarquable.

Pour mériter une félicité éternelle, les fakirs soumettent leurs corps à certaines pratiques cruelles et douloureuses. Ils restent parfois de nombreux jours sans manger et des nuits sans dormir, répétant sans cesse ces mots : Lâ ilâha illâ allah (Il n’y a d’autre Dieu qu’Allah). En un mot, ce sont des fanatiques, des fous, qui, malheureusement exercent encore une puissante influence en Orient, car les Musulmans ont pour eux une grande admiration.


FAMILISTÈRE n. m. Le mot familistère désigne un établissement où plusieurs familles vivent en commun, dans le système de Fourier, ou plus précisément : des familles, unies par des liens moraux et économiques et groupées en des habitations contiguës, qui apportent à la satisfaction de leurs besoins généraux le renfort et les bienfaits d’une organisation commune. Cette organisation est regardée comme fonction d’un milieu favorable à la naissance et au développement d’une nouvelle moralité sociale et le familistère devient la cellule initiale d’un régime appelé à substituer l’harmonie de l’association au désordre de la concurrence. Avant d’aborder, à ce propos et sur ce principe, l’examen de la plus typique et de la plus durable des tentatives qu’ai animé l’esprit fouriériste, il est bon, si nous voulons en suivre de plus près l’inspiration, que nous embrassions, à travers la première moitié du XIXème siècle, le mouvement social à son éveil.

Les idées sociales au début du xixe siècle
Quelques précurseurs

La Révolution de 1789 ‒ à part l’effort tardif et primaire de Babeuf et de sa République des Égaux ‒ avait limité d’une part à l’abolition du servage et à la possibilité d’acquérir les biens nationaux, et, d’autre part, il la délivrance du métier du cadre des corporations, une tâche économique dont l’importance, par ailleurs, lui avait échappé. Dans une France foncièrement agricole, où l’industrie sommeillait encore dans l’artisanat, la libération des couches paysannes appelées à la propriété semblait ouvrir, avec une dispersion équitable de la richesse nationale, l’ère d’une harmonieuse prospérité. Le transfert opéré, souvent au profit d’habiles accapareurs, on s’aperçut qu’il ramenait à l’astuce et à la rapacité une partie des terres enlevées aux seigneurs et que s’ébauchait, au détriment de l’équilibre, une décevante concentration. En même temps, le réveil véritable de l’industrie qui arrachait à l’atelier et à

l’échoppe toute une branche du travail et poussait l’ouvrier sous les fourches caudines du salariat faisait surgir de l’ombre une face encore insoupçonnée de l’esclavage. À l’observateur attentif apparurent les symptômes d’un mal grandissant, dont le prodigieux épanouissement mécanique du siècle allait précipiter les ravages. Et des chercheurs passionnés se lancèrent à la poursuite de remèdes dont l’urgence se poserait vite avec brutalité. De leurs chevauchées audacieuses et souvent chimériques, suivons le défilé succinct…

Le premier en date de ces réformateurs sociaux est Saint-Simon (1760-1825). Des divers ouvrages qu’il écrit au cours d’une vie active et mouvementée se dégage le curieux principe d’une société toute scientifique où le déisme fait place au physicisme et dont l’organisation s’appuie sur le pouvoir des « sages », des savants. Mais surtout s’y affirme une philosophie (celle des Leibnitz, des Condorcet), demeurée abstraite jusque là, et dont Saint-Simon veut faire un facteur de progrès économique : c’est la perfectibilité, non seulement des êtres, mais de la société. « L’âge d’or, dit-il, est en avant, non en arrière ». Il rêvait, sur la fin de sa vie, de voir la religion s’élargir, elle aussi, sous la poussée de cette sollicitation universelle et gagner une réalisation étendue des maximes évangéliques. Il ouvre, par l’entrebâillement du dogme sur les sciences positives, la voie d’une part au catholicisme assoupli de modernisme et, par tactique, démocratique à ses heures et, d’autre part, à ce libéralisme chrétien qui, à travers Reynaud et Lamennais ira mourir à Marc Sangnier. Nonobstant leur dynamisme, ses idées sont, de son vivant, très peu remarquées. Mais ses disciples (Duvergier, Enfantin, Bazard, Pierre Leroux, Lechevalier, Jean Reynaud, H. Carnot, Auguste Comte, etc., et, pour un temps, Blanqui) lui assureront un glorieux retentissement.

Penchés sur le passé, non plus pour enfermer le présent dans la glace tombale des « vérités » retrouvées, mais pour en démêler les clartés qui jalonnent et les lois qui régissent le développement du genre humain, ils vont, élargissant le domaine des tâches de l’esprit jusqu’aux intérêts du peuple dont leur cœur rejoint la souffrance, et, pénétrés des enseignements de Condorcet, à savoir que « toutes les institutions doivent avoir pour but l’amélioration matérielle, intellectuelle et morale de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre », travailler à la régénération de l’humanité. Pour les saint-simoniens, l’association universelle (avec ses états organiques) doit se substituer à l’antagonisme (états critiques). « Tout homme doit travailler » et le principe « à chacun selon sa capacité, à chaque capacité selon ses œuvres » étagera, sous l’omniscience de l’État, toute la société. Mais, pour mettre fin à l’exploitation de l’homme par l’homme, il faut d’abord récuser, en droit et en fait, la propriété héréditaire. « L’État héritera des richesses accumulées et répartira les instruments de travail suivant les besoins et les capacités. Une banque centrale, avec des banques spéciales, organisera la production méthodique sans disette ni encombrement. L’enseignement exercera l’activité matérielle de l’enfant pour l’industrie, la faculté rationnelle pour la science, la sympathie pour les beaux-arts. Il faut, d’autre part, une religion plus puissante que les religions antérieures, réhabilitant la matière actuellement sacrifiée à l’esprit. Les prêtres coordonneront les efforts des savants et des industriels : c’est vers une théocratie nouvelle que s’acheminera la Société. » (Larousse.) Et voilà Dieu et l’État (providence en deux personnes) « scientisés » et promus guides suprêmes du nouveau char social…

Un des disciples sociaux ‒ le plus original peut-être ‒ de Saint-Simon, et longtemps un chef reconnu,