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FER
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en raison directe de ses intérêts. Cette haine se déplace selon les besoins de la cause. Hier, on poussait à la haine de l’Allemand, demain on poussera à la haine de l’Anglais, et le « Capital » fera battre le peuple français ou allemand contre l’Angleterre ou l’Amérique, pour le fer, s’il le juge utile.

Un autre danger, encore plus immédiat que celui de la guerre, découla du « Cartel de l’Acier », qui va s’étendre, dit-on, à toute l’Europe Centrale ; c’est que ce monopole international, dont les dirigeants auront seuls autorité pour fixer les prix, permet une surenchère dont souffrirait nécessairement la classe ouvrière. Ce danger fut signalé en ces termes dans le grand journal démocrate allemand, le Vorwaerts : « La classe ouvrière allemande, moins que tout autre, parce qu’elle est dans sa plus grande partie employée dans l’industrie de transformation, ne devra jamais sous-estimer le danger que représente pour elle la mainmise de puissants groupements internationaux sur le monopole de certaines matières premières. Pour l’industrie de transformation, la matière première est un des principaux facteurs du prix de revient. Toute augmentation ou toute exagération du prix de la matière première équivaut à mettre sur le pavé de grandes masses d’ouvriers. C’est pourquoi il est nécessaire de s’opposer par tous les moyens possibles, à une trop grande tension des prix, provoqué par de tels monopoles internationaux… »

« …Des offices de cartel nationaux et internationaux devront être créés, pour éviter que ces organisations purement capitalistes n’assurent leurs bénéfices qu’en faisant supporter aux consommateurs et aux ouvriers le poids de tous les risques ».

Nous voyons que le dilemme reste entier en ce qui concerne le fer et toutes les autres matières premières, et que la monopolisation ou autrement dit : le centralisme capitaliste menace le prolétariat d’abord en tant que producteur en le contraignant au chômage, ensuite en tant que consommateur, ne lui permettant pas de se munir de ce qui est indispensable à la vie. Et, pour couronner cet arbitraire, la guerre reste toujours là, au cas où les divers groupes de capitalistes n’arrivent pas à s’entendre et à concilier leurs intérêts particuliers.

La course au fer, au caoutchouc, et au pétrole sont les trois dangers les plus immédiats. Il ne semble pas que la classe ouvrière se rende compte du péril. La guerre marocaine de 1926 n’eut d’autres causes que la possession du sol marocain par divers groupes de capitalistes avides d’en exploiter les richesses souterraines. En régime capitaliste, le fer et l’acier, qui ne devraient servir qu’à la fabrication de machines et d’outils, qui pourraient être une source de richesse et de fécondité pour l’humanité, sont des sources de carnage et de destruction. Et cela, pour l’unique raison qu’ils sont en la possession d’une poignée de parasites qui dirigent le monde.

Il n’y a pas de palliatifs à un tel état de choses. La puissance économique du monde est dirigée par un capitalisme avide qu’il faut abattre, si l’on veut que cela change. Il n’y a pas d’autre remède que la révolution pour atteindre ce but. C’est au peuple de la faire, s’il ne veut pas être écrasé et être livré au plus terrible des esclavages.


FERMAGE n. m. Le fermage est la redevance, le loyer, qu’un locataire d’un bien ou d’une propriété agricole doit verser au propriétaire pendant toute la durée du bail fixé d’un commun accord entre le locataire et le propriétaire. Le locataire s’appelle le fermier.

Le fermier peut se comparer au tâcheron, avec cette différence qu’il a beaucoup plus de risques que celui--

ci. En effet, un tâcheron accepte de faire à la tâche un travail déterminé, alors que bien souvent dans les contrats de fermage, le fermier s’engage à verser à son propriétaire, soit en argent soit en nature, une valeur supérieure à ce que la terre et sa ferme lui rapporteront. Il est à la merci d’une bonne ou d’une mauvaise récolte et, ayant toutes les charges de la ferme, il n’en a pas les bénéfices. Le fermage, qui, au lendemain de la Révolution française, devait s’éteindre par suite de la répartition de la terre entre les petits paysans, s’étend aujourd’hui de plus en plus. La terre devient une industrie comme l’automobile ou l’aviation, et est exploitée par des puissances d’argent qui en tirent des ressources incalculables. D’autre part, les descendants de la vieille aristocratie française achètent à prix d’or toute la terre qui se trouve à vendre et la grosse bourgeoisie ne dédaigne pas non plus cette catégorie de revenus. Cependant, ni la bourgeoisie, ni l’aristocratie ne consentent à abandonner la ville pour la campagne ; ils afferment donc leurs propriétés agricoles pour une somme déterminée, à charge pour l’affermataire, s’il veut réaliser des bénéfices, de fournir un rendement, une production supérieure à la valeur du fermage.

Il est évident que l’affermateur cherche à retirer de son exploitation le plus large revenu possible, et le fermier qui ne possède ni terre, ni bétail est contraint d’accepter toutes les conditions, aussi onéreuses soient-elles, qui lui sont imposées. Il en résulte que, la plupart du temps, le fermier ne travaille uniquement que pour son propriétaire, car une fois qu’il a payé son fermage, il ne lui reste plus rien. Et c’est ainsi que, toute son existence, il arrachera des richesses à la terre, sans jamais en profiter, sans jamais avoir à lui un petit lopin.

Il y a plusieurs catégories de fermiers : les gros et les petits. Les gros sont naturellement du côté des propriétaires et exploitent également les petits. C’est dans l’ordre des choses. Le petit fermier, quoi qu’il fasse, ne peut être qu’écrasé en régime capitaliste ou tout s’achète avec de l’argent. La Révolution française, en distribuant la terre, n’a pas aboli la propriété, et il était inévitable qu’à la longue cette terre retournât aux possédants de la richesse sociale. Le « fermage », tel qu’il s’exerce dans nos pays démocratiques, démontre qu’une révolution qui repose sur le principe de la propriété et qui laisse subsister après elle la puissance d’argent, est une révolution incomplète, puisqu’elle laisse la possibilité d’acquérir et de reconstituer ce qu’elle entendait détruire. Le fermage : c’est la féodalité, et l’affermateur est un véritable seigneur qui ne fait rien et qui n’a d’autres soucis que d’encaisser le produit du travail des autres.

Dans l’industrie, un usinier peut prétendre fournir un travail quelconque représentant une certaine valeur ; dans le fermage, le propriétaire ne peut rien invoquer, sinon sa propriété. Il gagne de l’argent sans rien faire. C’est logique, puisque nous sommes en société capitaliste.

Faut-il dire que la situation précaire du fermier rend plus misérable celle du simple travailleur des champs ? Tiraillé par les exigences du propriétaire, le fermier devient à son tour exigeant en ce qui concerne ses ouvriers. Pour arriver à boucler son budget, il demande à ceux qu’il emploie, de longues heures de travail pour de maigres salaires, et cela explique peut-être l’abandon de la terre par la jeunesse campagnarde. Si le fermage n’était pas une honteuse exploitation, il est probable que la culture ne manquerait pas de bras, ainsi qu’on se plaît à le dire.


FERMENTATION n. f. Transformation qui s’opère dans les matières organiques, dans les corps, dans les