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miques, sociaux et politiques, et l’économie politique capitaliste — j’appelle économie politique capitaliste, celle qui entend régler l’ordre social par voie diplomatique, c’est-à-dire en dehors de toute action révolutionnaire — ne peut trouver pour équilibrer un ordre troublé que des palliatifs temporaires et des pis aller.

Prenons un exemple : dans une petite ville du Sud-est de la France, le travail était organisé de telle façon que chacun était son propre maître. Les industriels — non pas par philanthropie, mais parce que ce mode de production leur paraissait avantageux —, avaient divisé leurs usines en un certain nombre d’ateliers qu’ils sous-louaient aux travailleurs. L’industriel fournissait l’outillage, la machinerie et le travail dont le prix était débattu à l’avance. La plus grande, la plus large liberté était permise, accordée à l’ouvrier, qui était en apparence son propre maître, venait et quittait son travail à l’heure qui lui plaisait, œuvrait selon son bon plaisir, quatre heures ou dix heures par jour et touchait à la livraison de son ouvrage le montant de la somme qui lui était dûe. La paix la plus absolue régnait au sein de cette communauté. Survient une catastrophe indépendante de la volonté des « ouvriers » et des patrons : la mode des cheveux courts pour les femmes. Or, dans la petite ville en question on ne fabriquait que du peigne et la nouvelle mode déclanche une perturbation sur le marché. Le manque d’ouvrage provoque l’abondance de main-d’œuvre, et l’abondance de main-d’œuvre la diminution du prix du travail ainsi que le chômage. Que devient alors la liberté du travail, alors que le droit au travail n’existe pas ? et jamais au grand jamais, un capitaliste — ce serait sa fin — ne consentira à employer de la main-d’œuvre lorsque celle-ci lui est inutile.

Lorsque le phénomène est local, il est de faible importance, mais lorsqu’il est national il provoque une énorme perturbation. Que peut l’économie politique moderne ? Pas grand’chose, rien. Le protectionnisme a été condamné de longue date par tous les économistes sérieux ; quant au libre échangisme, il ne donne pas et ne donnera pas les résultats que certains en attendaient. Voir le mot : Échange (libre).

Quant à ce qui concerne l’État, son rôle dans tous les phénomènes économiques c’est d’assurer au capitalisme le maximum de bénéfice et le minimum de pertes.

« L’interventionnisme, l’intrusion de l’État ignorant, aveugle et brutal dans le jeu des phénomènes économiques, est une conception rétrograde, absurde, barbare », écrit Urbain Gohier, et il a raison ; mais où nous ne sommes plus d’accord, c’est lorsqu’il ajoute : « L’interventionnisme, c’est proprement le socialisme. Le mot de socialisme ne signifie rien, s’il ne désigne l’intervention de l’État dans tous les faits sociaux, spécialement dans les faits économiques. »

« Mais s’il y a une excuse à l’intrusion de l’État dans les phénomènes économiques, ce ne peut être que la nécessité de protéger les faibles, de limiter et de réprimer l’avidité des puissants, de rétablir dans l’enfer social une apparence de justice et d’humanité. » (Urbain Gohier.) « La Révolution vient-elle ? » — Le nouveau pacte de famine.

Qu’Urbain Gohier nourrisse des illusions sur la possibilité d’un État indépendant et humanitaire en matière d’économie politique et sociale, nous autres anarchistes, nous sommes fixés à ce sujet et l’expérience russe nous suffit amplement pour affirmer que nous ne nous trompons pas. Nous restons convaincus que seule la disparition du capitalisme et de l’État peut donner naissance à une société harmonieuse, et que l’économie politique n’est qu’un tampon entre le capital et le travail, mais que ce tampon ne peut être avantageux que pour le capital.

Que faire alors ? La Révolution ? Mais les économistes sont des pacifistes qui ont une sainte horreur de la

violence et qui voudraient que tout se passât dans le calme. Pas tant que les Anarchistes. « Nous aussi, nous avons horreur de la violence ; nous aussi, il nous répugne de verser du sang ; nous aussi, nous avons l’amour, de la paix, de la joie et du bonheur, mais lorsqu’on a souffert de cette société, dit Jean Grave, lorsqu’on a vu les siens souffrir de la faim, mourir d’épuisement, certains scrupules disparaissent, et lorsque la force vous opprime, qu’il n’y a plus que la force comme suprême argument, ceux-là qui ne maintiennent leur tyrannie qu’à l’aide de la violence, sont mal venus de se plaindre lorsqu’elle se retourne contre eux.

Lorsque la bête est acculée, elle voit rouge, fonce sur les assaillants, renverse ce qui lui fait obstacle ; tant pis pour ceux qui se trouvent sur sa route. La responsabilité première en est à ceux qui la poussèrent au désespoir. » (Jean Grave : L’Anarchie, son but, ses moyens).

Nous sommes des révolutionnaires parce que nous voulons la liberté : liberté sociale, liberté individuelle et liberté économique. Or, l’économie politique moderne ne peut nous donner satisfaction, puisqu’elle prétend rechercher un terrain d’entente entre le capital et le travail. Qu’elle poursuive ses recherches. Que les économistes bourgeois blanchissent à la tâche, qu’ils découvrent les apparences trompeuses qui retarderont peut-être l’heure de l’échéance, mais quoi qu’ils disent et quoi qu’ils fassent, la révolution viendra, entraînant avec elle le despotisme économique et la tyrannie politique. La société bourgeoise est puissante, elle a l’argent et avec l’argent tout s’achète ? C’est vrai.

« Il est fort l’homme qui dispose de quelques millions ; mais il est redoutable, l’homme qui n’a pas de besoins, qui n’a pas de crainte, et qui garde une âme ferme, une pensée lucide, l’œil juste et la main prompte. » (Urbain Gohier)

Tout passe ; la bourgeoisie a vécu plus qu’elle ne vivra et avec un peu de conscience, de raison et de courage, le peuple aura bientôt fait de se libérer de l’étreinte qui l’oppresse. Il pourra alors organiser son économie, librement, sans le concours des ruffians de la politique qui ne font qu’embrouiller la solution d’un problème qu’il serait si facile de résoudre. — J. Chazoff.


ÉCRITURE n. f. (du latin scriptura, même signification). L’écriture est l’art qui consiste à transmettre ou communiquer à l’aide de signes et de caractères conventionnels, la parole et les idées. Paul-Louis Courrier nous dit que « lorsque l’écriture fut trouvée, plusieurs blâmaient cette invention, non encore justifiée aux yeux de bien des gens ; on la disait propre à ôter l’exercice de la mémoire et à rendre l’esprit paresseux ». L’expérience a démontré une fois de plus que les adversaires du progrès étaient dans l’erreur puisque à tous les points de vue, l’écriture a amplement servi la cause de la civilisation.

L’écriture ne fut pas toujours ce qu’elle est aujourd’hui, et à l’origine pour rendre sa pensée on se servait de ce que nous appelons les hiéroglyphes. L’écriture hiéroglyphique se divisait en hiéroglyphes représentatifs, caractéristiques ou allégoriques. L’écriture hiéroglyphique représentative était la plus élémentaire et la plus simple. Pour transmettre l’idée, d’un chien, d’une table, d’un fleuve, d’une montagne, etc., on peignait simplement cet animal, cet objet ou cette chose de façon rudimentaire. Ainsi que son nom même l’indique, l’écriture hiéroglyphique caractéristique servait à peindre le caractère ; ainsi un lion, un tigre, signifiait la méchanceté, la barbarie ; un hippopotame la cruauté ; enfin l’écriture hiéroglyphique allégorique avait un caractère symbolique ; le soleil annonçait la divinité ; l’œil, un monarque, etc… On conçoit quelle difficulté on rencontrait pour transmettre sa pensée en utilisant de tels