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En effet, en dépit de la résolution votée à Saint-Étienne et présentée par le Bureau de la C. G. T. U., qui sauvegardait l’autonomie du syndicalisme, le 2e Congrès de l’I. S. R. vota, avant l’adhésion de la C. G. T. U., une résolution présentée par le camarade Dogadov, secrétaire de la C. G. T. russe, et ainsi conçue :

xxx « Considérant :

« 1°) Que l’I. S. R. a pour tâche de grouper tous les ouvriers révolutionnaires dans le but d’une lutte commune contre le capital et pour l’instauration de la dictature prolétarienne ;

« 2°) Que ce but ne peut être atteint que si tous les lutteurs de la révolution sociale sont, profondément pénétrés de l’esprit communiste ;

« 3°) Que la victoire même du communisme n’est possible que sur le plan international, ce qui suppose une liaison intime et une coordination d’action entre l’I. C. et l’I. R. S. ;

« 4°) Qu’il y a, parmi les ouvriers, des groupes à tendance syndicaliste révolutionnaire qui veulent sincèrement établir un front unique avec les communistes, tout en croyant que la représentation réciproque entre l’I. C. et l’I. S. R. établie par le Congrès de l’I. S. R. ne correspond pas aux traditions du mouvement de leur pays ;

« 5°) Que la C. G. T. U. française, qui représente ce point de vue, se prononce énergiquement pour la collaboration de l’I. C. et de l’I. S. R. et pour les mouvements communs dans toutes les actions offensives et défensives contre le capital ;

« Les délégations des syndicats de Russie, d’Allemagne, d’Italie, de Bulgarie, de Pologne et d’Espagne, tout en se plaçant au point de vue de la nécessité absolue de donner le rôle directeur au Parti communiste dans chaque pays et à l’I. C. sur le plan international, proposent néanmoins, de tendre la main aux ouvriers révolutionnaires français et d’adopter les propositions de la C. G. T. U. »

Cette résolution, qui est bien, en fait, la consécration de la subordination du mouvement économique à l’Internationale communiste, confirme purement et simplement la motion Rosmer-Tom Mann, votée par le premier Congrès.

Les soi-disant concessions qu’elle fait, dans le texte, à l’esprit syndicaliste révolutionnaire sont, en réalité, inexistantes.

Le vote de cette résolution aboutit, en France, à une deuxième scission et à la constitution d’une IIIe C. G. T., la C. G. T. S. R., qui a repris toute la doctrine du syndicalisme révolutionnaire, qui était celle de la C. G. T. d’avant-guerre.

Le 3e Congrès, qui se tint à Moscou, s’occupa surtout de la question du front unique et de celle de l’Unité.

Les thèses — toutes tactiques — édifiées au cours de ce Congrès ne reçurent jamais aucun commencement d’application. Il s’agissait, pour l’I. S. R., de bluffer et de faire croire aux ouvriers que Moscou désirait l’unité et que cette unité ne se réalisait pas parce que les autres Internationales ne le voulaient pas.

Peu après ce Congrès, qui mit au monde le fameux Comité anglo-russe qui devait amener les Trade-Unions dans le giron de l’I. S. R., la liquidation de l’I. S. R. et la rentrée des syndicats rouges à la F. S. I. d’Amsterdam fut envisagée.

Cette façon de voir était d’ailleurs partagée par une partie du Bureau politique de l’I. C. et, en particulier, par Tomsky, président de la C. G. T. russe et membre du Bureau politique de l’I. C.

Des efforts furent tentés, en France, par la C. G. T. U., et en Bulgarie par les syndicats autonomes sympathisants de l’I. S. R.

Toutes ces tentatives de conquêtes du dedans furent déjouées par les dirigeants d’Amsterdam.

Le 4e Congrès, qui eut lieu encore à Moscou, en 1928, se convainquit rapidement de la stérilité des efforts dans cette direction.

L’intérêt diplomatique du gouvernement russe n’exigeant pas, pour le moment, le sacrifice de l’I. S. R., le 4e Congrès changea brusquement de direction.

Alors que le 3e Congrès déclarait qu’il fallait 90 % de l’activité à la réalisation de l’unité, le 4e Congrès recommande, lui, de renforcer les Centrales existantes et d’en créer au besoin de nouvelles.

En réalité, alors que le 3e Congrès avait pour plate-forme essentielle l’unité, le 4e Congrès a choisi, pour principale plateforme, l’aggravation de la scission.

A l’heure où j’écris ces lignes, nous en sommes là.

Il est, toutefois, vraisemblable que la rentrée définitive dans le concert des nations de la Russie soviétique et son admission à la Société des Nations auront pour conséquence la fusion de la F. S. I. d’Amsterdam et de l’I. S. R. de Moscou. Quand et comment s’opérera cette jonction ? Nul ne le sait !

Tel est, à ce jour, le processus de la vie de l’Internationale russe qui ne compte, à l’exception des Centrales russe et française, que des fractions de mouvements.

Filiale et chose de l’I. C., elle est dirigée par un homme de paille qui n’agit que par ordre de l’Exécutif communiste.

Alors qu’elle eût pu grouper toutes les forces syndicalistes révolutionnaires du monde et faire figure, en face de la F. S. I. d’Amsterdam, elle ne fut qu’un organisme de division dont il faut souhaiter au plus tôt la disparition.



L’Association Internationale des Travailleurs. — Cette Internationale, qui est la continuation, sur le plan syndical, de la Ie Internationale, appelée elle aussi A. I. T., a été fondée en décembre 1922, à Berlin.

Je ne reviendrai, ni sur les deux Conférences préparatoires de 1921 et 1922, ni sur le Congrès constitutif, ni sur la Conférence d’Insbruck (1923) et le Congrès d’Amsterdam (1925).

Toutes ces manifestations de la IIe A. I. T. ont été exposées par le Secrétaire général, A. Souchy, lorsqu’il a fait son étude sur l’A. I. T. (Voir Association Internationale des Travailleurs).

Il ne me reste donc qu’à relater le Congrès qui s’est tenu à Liège en juillet 1918, et qui est le troisième de l’actuelle A. I. T.

Il consacra ses travaux aux questions suivantes : Rationalisation, chômage et 6 heures, la guerre et le militarisme, la création d’un fonds de secours international, l’attitude de l’A. I. T. dans les luttes syndicales actuelles.

Il condensa son point de vue sur toutes ces questions dans les résolutions ci-après, dont l’intérêt n’échappera à personne.

Résolution sur la Rationalisation

Le Congrès considère la rationalisation actuelle de l’économie capitaliste comme un résultat direct d’une nouvelle phase de développement du système capitaliste trouvant son expression dans la disparition du vieux capitalisme privé et son remplacement par le capitalisme collectif moderne. Cette nouvelle phase signifie pratiquement la disparition de la libre concurrence et l’instauration de la dictature économique, laquelle, par l’exclusion de toute concurrence économique, travaille consciemment à l’exploitation du monde d’après un système unique.

La rationalisation n’est qu’une conséquence de cette transformation nouvelle du monde capitaliste et ne personnifie dans ses méthodes que la concurrence brutale de la machine de chair et sang et de celle de fer et