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d’acier, dont les résultats profitent uniquement au patronat. Pour les producteurs, par contre, cette nouvelle méthode signifie l’ensevelissement de leur santé physique et intellectuelle et la soumission sans d’esclavage industriel les contraignant à un état de chômage continuel et à un abaissement continu des conditions de vie.

Le congrès, loin de voir dans cette nouvelle transformation de l’économie capitaliste une condition pour la réalisation du socialisme, voit dans les nouvelles méthodes une forme plus parfaite de l’exploitation des vastes masses de producteurs et des consommateurs, formes qui, dans le meilleur des cas, peuvent être considérées, comme les prémices d’un capitalisme d’État Futur, mais jamais comme les préparatifs nécessaires à l’avènement du socialisme.

Le Congrès est d’avis que, le chemin vers le socialisme n’est pas déterminé par une ascension continuelle de la capacité de production, mais, en première ligne, mais d’abord, par une claire connaissance de l’état social et la ferme volonté d’activité socialiste constructive, trouvant leur expression dans les aspirations à la liberté et à la justice sociale. Le socialisme n’est pas seulement un problème économique, mais aussi un problème psychologique et culturel et en ce sens, aspire à lier spirituellement les individus à son œuvre, en ce qu’il s’efforce de présenter le travail d’une façon complexe et attractive, une aspiration qui ne sera jamais conciliable avec la rationalisation moderne. Non pas la centralisation des industries d’après les principes soi disant spéciaux de l’économie des différents peuples, mais décentralisation de l’ensemble de notre système de production, comme il l’est de plus en plus exigé par le développement de la technique moderne ; non pas par une spécialisation de toutes les branches de la production poussées au paroxysme, mais unité du travail, union de l’agriculture et de l’industrie et une éducation complexe des individus pour le développement de leurs facultés intellectuelles et manuelles. C’est dans cette voie que se dirige le socialisme.

Le Congrès est d’avis que le nouveau développement du capitalisme, qui trouve son expression dans la formation des trusts et cartels nationaux et internationaux gigantesques, rend de plus en plus inoffensives les vieilles méthodes de la classe ouvrière, et que ce nouveau développement ne peut être envisagé qu’avec la formation d’organisations économiques révolutionnaires internationales qui viennent tout d’abord en question pour la défense des revendications des travailleurs au sein du système actuel et aussi pour la réalisation et la réorganisation pratique de la société dans l’esprit du socialisme. Ce n’est qu’inspiré par l’esprit du socialisme international que le mouvement ouvrier, que les travailleurs seront à même de préparer leur libération économique, politique et sociale, et de la réaliser pratiquement.

Le Congrès est d’avis que le socialisme libertaire est l’unique moyen de protéger l’humanité contre la chute d’un nouveau servage industriel et que ce grand but final doit être la base de toutes les luttes quotidiennes pratiques qui nous incombent par la misère de l’heure.

Le Congrès voit dans la diminution de la journée de travail un des moyens les plus importants pour enrayer le chômage en masse, rendu chronique par le nouveau système, et ce de façon que toute augmentation de la production corresponde à une diminution de la journée de travail.

Le Congrès est d’avis que ce but ne peut être atteint que si les organisations économiques des ouvriers se décident à reconnaître à chaque travailleur le droit à la vie ; conséquemment l’exercice, d’une activité productive, et ce, de façon que, dans chaque arrêt de l’économie au sein du système actuel, il ne reste pas

une partie des travailleurs dans les usines, alors que l’autre est jetée à la rue, comme ce fut le cas jusqu’à présent, mais que, par une diminution du temps de travail appropriée, tous les ouvriers continuent d’être employés. Avec une telle méthode, l’organisation recevrait pour les travailleurs une toute autre importance en tant que classe, et leurs sentiments de solidarité seraient renforcés d’une façon tout à fait insoupçonnée.

Le Congrès appelle tous les membres de l’A.I.T. à mener la propagande de ces idées parmi les masses et de contribuer ainsi à la réalisation prochaine du socialisme libertaire, et de mettre la lutte pour la journée de six heures en tête de ses actions immédiates.

Résolution sur les six heures

xxxLe Congrès,

Constatant que les crises du chômage revêtent de plus en plus un caractère aigu et chronique, que le prolétariat est victime de ces crises dans tous les pays du monde ;

Déclare que les causes de chômage résident :

1° Dans le développement du machinisme ;

2° Dans l’accroissement continuel du nombre des travailleurs, accroissement constitué par l’emploi de plus en plus grand de la main d’œuvre féminine et par la venue au travail industriel d’éléments qui, jusqu’alors, étaient employés aux travaux de la terre ;

3° Dans l’introduction de nouvelles méthodes de production dans l’industrie, méthodes qui ont pour effet d’augmenter considérablement la vitesse de production ;

4° Dans les bas salaires qui ne permettent pas aux salariés d’avoir un pouvoir d’achat suffisant à absorber la production.

Le Congrès constate que le perfectionnement et le développement du machinisme, qui auraient dû apporter un soulagement à la peine des travailleurs, n’ont, jusqu’à présent, servi que les intérêts des capitalistes ; tout en s’affirmant partisans convaincus du progrès sous toutes ses formes, le Congrès déclare qu’en aucun cas, il ne peut avoir pour rançon un renforcement de l’exploitation humaine.

En ce qui concerne les nouvelles méthodes de production, connues sous le nom de rationalisation, le Congrès, après avoir sérieusement étudié la question, dénonce cette forme de travail comme portant atteinte à la dignité humaine et comme étant un facteur considérable de chômage.

Le Congrès dénonce par-dessus tout la volonté du capitalisme de créer, dans tous les pays, une armée de chômeurs, constituant un réservoir de main d’œuvre qu’il opposera aux travailleurs lorsque ceux-ci voudront entreprendre une lutte revendicative quelconque. Le chômage aurait ainsi pour effet de diviser la classe ouvrière, de diminuer d’autant sa combativité, de l’amener à délaisser les organisations révolutionnaires et de l’orienter de plus en plus vers les politiciens.

L’association internationale des Travailleurs, poursuivant un but diamétralement opposé, désire avant tout que chaque bras soit employé et que les travailleurs aient constamment plus de bien-être et de liberté et qu’ils prennent de en plus conscience de la nécessité de la lutte pour leur émancipation totale.

Le congrès préconise de façon pressante, et pour porter remède à la douloureuse situation du prolétariat mondial, la diminution des heures de travail, concrétisée par l’application de la journée de six heures.

En conséquence,

Les organisations centrales nationales, réunies en Congrès international s’engagent à mener dans leurs pays respectifs une lutte intense en faveur de la journée de six heures et pour la suppression du travail aux