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que Berthelot a réalisé ses remarquables synthèses, à ceux du Muséum et des Gobelins que Chevreul étudia les corps gras, etc… Les Facultés des sciences, dans les Universités de province, ont également leurs laboratoires de chimie et le plus grand nombre des Facultés de médecine ont aussi un laboratoire de physiologie, destiné à la pratique des vivisections.

Depuis longtemps, les savants français et la partie du public qui s’intéresse aux conditions qui leur sont faites se sont plaints et se plaignent encore de l’insuffisance et de la pauvreté des laboratoires de leur pays. C’est devenu lieu commun que de parler de « la grande pitié des laboratoires de France ». Et leur misère a pu servir, ces temps derniers, de publicité à un journalisme éhonté… Quand on sait la haute valeur humaine de ces foyers d’interrogation scientifique (je ne parle pas ici des antres où opèrent les chimistes criminels qui mettent leur gloire à doter les nations d’un arsenal de toxiques et à combiner ces gaz foudroyants que les oiseaux de mort porteront à travers les peuples en vagues d’anéantissement), quand on pénètre les bienfaits qui peuvent en surgir pour une humanité encore languissante et douloureuse, on ne peut, sans une bouffée de honte pour notre temps, songer que les laboratoires délaissés par ceux qui ont la charge du bien public sont à la merci de précaires interventions charitables. Alors que des milliards sont allègrement consacrés aux œuvres de destruction, à la multiplication des engins meurtriers, à l’entretien de contingents formidables de parasites armés, il paraîtra invraisemblable aux générations futures qu’on ait pu marchander les crédits et laisser pâtir, dans une humiliante mendicité, les chantiers où l’intelligence humaine accroît notre plus riche et notre meilleur butin…

Que diraient aujourd’hui — en face d’une situation inchangée, d’une incurie chronique — ceux-là qui, il y a cinquante ans, frappés déjà de la pénurie des soins affectés à des œuvres si précieuses et des sommes intimes — ailleurs jetées aux gouffres, dilapidées sans compter dans une gabegie permanente — apportées à l’édification et à l’entretien des laboratoires, s’écriaient : « Pour donner une impulsion énergique et salutaire aux recherches scientifiques, il faut réorganiser complètement l’enseignement supérieur, en décupler le budget et créer d’opulents sanctuaires pour les ouvrir à deux battants à tous les chercheurs qu’embrase le feu sacré de la découverte. C’est ce qui ne pourra être accompli que par un gouvernement convaincu de la haute importance des sciences spéculatives et assez libéral pour ne pas marchander l’argent aux savants qui veulent se consacrer à la besogne difficile de l’expérimentation féconde. D’ici là, beaucoup de savants seront dans une gêne voisine de la misère et renonceront, faute de ressources, faute d’instruments de travail, à la vérification expérimentale des idées que leur suggère une pensée toujours en travail, une vive et lumineuse conception des lois du monde. » Après un Palissy brûlant ses meubles, les Curie pleurant sur leur tâche arrêtée !… Les gouvernements avaient, d’ailleurs, besogne plus pressante ; avec les milliards trempés dans le sang des peuples, ils propageaient les charniers. Et ils ne marchandaient pas l’argent, ma foi. Après s’être servis royalement — démocratie oblige ! — nos gouvernants le dispersaient entre les mains des professionnels de l’armée et des fournisseurs de matériel de guerre. Aujourd’hui encore, si les laboratoires végètent, anémiques, on ne chôme pas sur les chantiers de la marine et dans les firmes d’avions et les fonderies du Creusot n’ont pas besoin d’implorer les commandes…

A l’étranger, chez les Germains et les Anglo-Saxons notamment, en Amérique aussi, dans la Russie nou-

velle (tant il est dit que les nations latines : France, Espagne, Italie, monuments de verbiage stérile, le bureaucratisme et de furia militaire se laissent incorrigiblement distancer), les laboratoires sont davantage à l’honneur. On ne leur ménage pas les sacrifices et des efforts constants en assurent le progrès. Les Universités, au dehors, ont des laboratoires de physique, de chimie, des instituts anatomiques et physiologiques où de nombreux travailleurs ont à leur disposition les ressources nécessaires à la recherche. « Pour ce qui concerne, en particulier, les laboratoires de physiologie, il semble que c’est en France, la patrie des premiers grands expérimentateurs de la vie, de Bichat, de Legallois et de Magendie, qu’on aurait dû fonder des établissements aussi utiles au progrès de la médecine. Il n’en a rien été et ce sont nos voisins qui nous ont donné l’exemple de l’expérimentation suivie, publique et régulière… »

Par delà « nos » frontières, on trouve des laboratoires qui sont de véritables palais, et dont la construction a coûté des millions. Bonn, Berlin, sont en Allemagne des centres de chimie magnifiques où peuvent œuvrer, dans l’aisance, des équipes de savants. Les grandes cités universitaires d’Autriche et d’Allemagne, de Suisse aussi, ont également des laboratoires importants qui gardent la mémoire des Liebig, des Bunsen, des Wœhler et de tant d’autres… Les laboratoires de physiologie sont particulièrement bien installés à l’étranger. Vaste est celui de Petrograd, celui d’Utrecht est un modèle. Florence même nous dépasse. En Allemagne : à Heidelberg, Berlin, Leipzig, Vienne, Tübingen, Munich, Göttingen, etc., s’érigent des laboratoires richement organisés pour les études sur la vie.

Pour insuffler aux laboratoires, enfin partout multipliés, l’enthousiasme de la vie saine, pour les situer à leur place, qui est première, et les ouvrir à leur véritable rôle, si fécond, il faudra l’atmosphère d’une société libérée des petitesses de l’argent, de la corruption des affaires et des sophismes patriotiques, des hostilités de la convoitise et des basses émulations de la vanité, de toutes les contraintes qui freinent l’humanité dans sa marche, des déviations qui la désorientent et la déciment, qui la jettent loin des chemins normaux où l’effort des cerveaux les mieux doués assure des conquêtes utiles pour l’espèce toute entière. — Lanarque.


LABYRINTHE n. m. (étymologie probable : latin labyrinthus ou grec laburinthos, même sens. Certains le rattachent aux deux mots égyptiens labari et thi, ville ou monument de Labari, roi d’Égypte). On donnait ce nom dans l’antiquité à des salles et galeries souterraines, suites de tombeaux, exagérément ramifiées, et cette appellation s’est étendue, plus tard, à des édifices conçus sur le même plan ou à des agencements qui rappelaient le dédale trompeur des labyrinthes anciens. Des cinq plus fameux dont on a conservé les noms, deux appartiennent à l’Égypte : le labyrinthe de Mendès, dans l’île du lac Mœris et le labyrinthe des Douze, ainsi nommé parce qu’il fut construit, vers 660, par les douze seigneurs qui régnaient alors sur l’Égypte. Il y avait aussi le labyrinthe de Crète, près de Gnosse, construit dans les carrières et destiné à la sépulture des rois : la fable l’attribuait à Dédale et y plaçait le Minotaure ; puis le labyrinthe de Lemnos, qui semble avoir été une grotte de stalactites, abri mystérieux du culte des Cabires, et enfin le labyrinthe de Clusium, que l’on attribuait à Porsenna, et qui dut être un de ces hypogées étrusques dont on a découvert un si grand nombre de nos jours…

De ces labyrinthes, les auteurs antiques abondent en descriptions enthousiastes et ils en vantent la richesse. Mais il est curieux qu’aucun de ces édifices n’ait laissé de traces et qu’on ne soit d’accord sur aucun de leurs