de la clientèle pour les commandes futures ; ces deux facteurs étant influencés eux-mêmes par la concurrence. À cela s’ajoute, souvent encore, le rapport de l’argent employé. Pour tenir haut son intérêt tout en ménageant le consommateur, l’entrepreneur est porté non à réduire son prélèvement, mais à diminuer la part de l’ouvrier. Compression grosse de risques, malgré l’état de dépendance du travail : exécution inférieure, intensité affaiblie, éloignement des capacités, pénurie même de la main-d’œuvre, grève ouverte ou perlée, etc. Cependant, il y a tendance à maintenir le taux de la main-d’œuvre aux alentours du niveau strict des besoins (voir salaire) et ceux-ci sont généralement sous-estimés. Il en résulte une baisse, accidentelle ou chronique dans l’effort effectif par suite de la répercussion, sur les possibilités physiques, d’une rétribution insuffisante (mauvaise qualité des aliments d’entretien, logement exigu et malsain, etc.) À ces défaillances, à ces affaiblissements, certaines entreprises s’emploient à parer, avec plus ou moins de succès, par une rigueur accrue dans la surveillance ou par l’introduction de procédés mécaniques qui enlèvent à l’ouvrier la latitude du relâchement (voir rationalisations), etc.
D’autres éléments, sans rapports directs avec la main-d’œuvre, peuvent avantager l’entrepreneur vis-à-vis du client : telle la fraude sur la matière ou les matériaux (nombre, qualité) employés, l’éviction de besognes préparatoires ou intermédiaires, etc., procédés aujourd’hui fréquents par exemple dans le bâtiment. Mais, d’une façon générale et pour ainsi dire systématiquement, la reprise déloyale, du côté du consommateur, n’empêche pas le resserrement des tarifs du personnel. En dehors de ces pratiques malhonnêtes et des économies, à la fois déraisonnables, inhumaines et souvent maladroites, que constituent les réductions de salaires, il est des dépenses que l’on peut réduire ou supprimer, dans les conditions actuelles de la production : introduction de certaines machines qui allègent la tâche et accroissent le rendement, sans mécaniser l’ouvrier, suppression des forces mortes, des débours improductifs, contrôle et choix avisé des méthodes, plans simplifiés d’opération, réduction des pertes secondaires, etc.
La comparaison et les réflexions de Larousse, quant au ménagement et à la rétribution de l’ouvrier, ‒ toutes tendances à l’équité insuffisantes et relatives, mais difficiles et souvent impossibles à réaliser sans toucher au fond même du système de production ‒ ne manquent ni de bon sens, ni de piquant « Un laboureur, dit-il, a deux façons de réduire la dépense que lui occasionnent ses bêtes de labour : diminuer leur nourriture et augmenter leur travail ; mais, s’il est intelligent, il saura que ni l’un ni l’autre procédé ne conduisent à des résultats véritablement économiques, et qu’en tout cas leur association aurait des conséquences fatales. Bien plus fatales seraient les conséquences si les bœufs du laboureur avaient la faculté de discuter la conduite de leur maître et de s’insurger contre ses exigences tyranniques. La nécessité d’entretenir la santé et la satisfaction de l’ouvrier s’impose donc à l’entrepreneur dans la question de la main-d’œuvre. Le bon marché à outrance a des résultats anti-économiques et antisociaux, et lorsqu’on est appelé à utiliser le travail des hommes, on est tenu d’être au moins aussi intelligent qu’un simple bouvier ». Paroles que méditeraient avec fruit nombre d’employeurs modernes, mais ils s’en gardent généralement, même quand leur intelligence le leur permet.
Nous avons vu que la main-d’œuvre est un facteur de premier ordre dont l’exploitation est obligée de tenir compte pour établir le profit à tirer. Le capitaliste n’a
Cependant la main-d’œuvre ‒ le travail ‒ est le principal facteur : celui dont la valeur intrinsèque est la plus grande, malgré qu’il ait tendance à être le plus méprisé. Le capitaliste peut disparaître avec son système, l’entrepreneur devient un rouage inutile, au moins dans son ensemble, dans un régime où les travailleurs seraient les seuls organisateurs du travail, comme les producteurs le seraient de la production. Mais la main-d’œuvre demeurera toujours, malgré que le travail manuel proprement dit s’efface toujours davantage devant la machine comme transformateur des choses. D’une estimation plus régulière serait alors la main-d’œuvre, enfin située dans son cadre exact et avec sa portée normale. Elle n’entrerait en discussion dans l’établissement du « revient » que pour définir le temps nécessaire à l’achèvement d’un travail et pour calculer le nombre d’ouvriers qu’il serait utile d’employer pour y parvenir. En admettant à la rigueur que le salaire subsiste (si l’on peut encore donner ce nom aux bons de travail, ou coupons d’échange ou à tout autre procédé en usage dans un système à base socialiste) il s’agirait simplement d’en examiner le montant collectif pour le travail accompli, et, l’accord établi sur le chiffre rémunérateur de la main-d’œuvre entre producteur et consommateur (deux conditions qui s’interpénètrent étroitement dans une société rationnelle et cessent de se contrarier et de s’opposer), le montant du travail serait également réparti entre tous les ouvriers. Ainsi la main-d’œuvre serait équitablement et logiquement rétribuée et la consommation, mise en contact direct avec la production et pénétrée de leurs rapports constants, verrait s’établir la valeur du produit, non plus au détriment de la main-d’œuvre et suivant la fantaisie du fabricant ou du vendeur (des deux la plupart du temps) mais sur confrontation des exigences légitimes du travail et du calcul exact des frais généraux.
Mais la main-d’œuvre n’est pas encore parvenue à ce stade heureux de juste appréciation. Il est donc nécessaire que ceux qui la constituent opposent une résistance constante et solidaire aux empiétements des appétits adverses. Si les avantages ainsi conservés ou arrachés ne sont que des adoucissements provisoires, bons seulement à rendre possible la vie et la lutte, si les réformes en elles-mêmes, avec leur contre-partie de vie chère et de difficultés nouvelles, ne sont qu’un va-et-vient de perte et de reprise sans portée sociale durable, un véritable piétinement économique et, somme toute, un leurre, elles constituent une réaction d’ordre quotidien indispensable et, bien situées, dépouillées de leurs illusions, elles sont susceptibles d’entretenir une cohésion et une combativité si nécessaires à la tâche révolutionnaire. ‒ Georges Yvetot.
MAISON. n. f. (latin mansio, demeure). On a vu, aux mots architecture, habitation, logement ; on reverra à taudis, ville, etc., la plupart des aspects du problème de l’habitation : artistique, historique, technique, social, scientifique, hygiénique, etc., et le sens de l’évolution, particulièrement lente, du logement. Nous ne nous arrêterons donc à ce mot que pour quelques notes complémentaires, les sens spéciaux, et quelques