que le mouvement, se communiquant de l’un à l’autre, donne et reçoive l’impulsion du progrès et en décuple et centuple ainsi la force. »
« Ce qu’il faut enfin, c’est autant de « dictateurs » qu’il y a d’êtres pensants, hommes ou femmes, dans la société, afin de l’agiter, de l’insurger, de la tirer de son inertie ; et non un Loyola à bonnet rouge, un général politique pour discipliner, c’est-à-dire immobiliser les uns et les autres, se poser sur leur poitrine ; sur leur cœur, comme un cauchemar, afin d’en étouffer les pulsations ; et sur leur front, sur leur cerveau, comme une instruction obligatoire ou catéchismale, afin d’en torturer l’entendement. » (J. Déjacques).
Nous ne pouvons entrevoir une révolution aux bienfaits durables que si elle est faite par des individus éclairés, virils et autonomes, par des hommes qui soient assez leur propre maître pour que ne puissent se reformer sur eux les maîtres et les chefs. Tant qu’il y aura défaillance et abdication renaîtra l’élèvement tyrannique. Pour longtemps encore, dans la vie publique et privée, la liberté demeurera un bien qui se défend. Et si les faibles ‒ car nous n’avons pas la naïveté de supposer que toutes les unités seront de ressort équivalent ‒ n’ont pas la clairvoyance de s’étreindre autour d’elle, en un faisceau solidaire, ils verront se reconstituer les forces régrescentes qui leur ont valu tant de maux et qu’ils auront mis des siècles à vaincre. Ils ne pourront relâcher leur vigilance que le jour, lointain peut-être, où nul ne voudra plus descendre à dominer, où les hommes ayant enfin connu, après des dévoiements séculaires, le chemin d’une existence assez haute pour que l’oppression leur apparaisse non seulement comme indigne mais comme antinaturelle et préjudiciable à leur développement, ils souffriraient ‒ alors qu’ils en jouissent aujourd’hui ‒ des « joies » cueillies dans la peine et l’agenouillement d’autrui. Car l’évolution ne se fera dans la sécurité que lorsque les humains auront dépouillé, à la faveur d’une mentalité nouvelle, l’état d’esprit qui se traduit par ces deux mots également bas : commander et obéir, et qu’ils s’épanouiront hardiment vers la plénitude d’eux-mêmes. ‒ Lanarque.
Dans les corporations médiévales, l’ouvrier devait passer par trois grades successifs, s’il voulait tenir lui-même boutique et devenir patron : l’apprentissage, le compagnonnage, la maîtrise. Peut-être l’idée qui présida à cette institution fut-elle d’arrêter l’artisan incapable ; mais rapidement elle dégénéra, les riches ou les fils de patron arrivant, ou presque seuls, à la maîtrise, conférée après la fabrication longue et souvent ruineuse du chef-d’œuvre exigé par les règlements. On sait que la Révolution française abolit les corporations et laissa chacun libre d’ouvrir une boutique à son compte. La franc-maçonnerie a gardé, dit-on, les grades d’apprenti, de compagnon et de maître, entendus non plus dans le sens d’une habileté professionnelle de plus en plus grande, mais d’une formation intellectuelle et politique plus poussée. On continue également d’appeler « maîtres », les grands artistes, les grands écrivains, les grands savants, ou du moins ceux que l’on suppose grands, ainsi que les avocats inscrits au barreau. Ce terme est fréquemment employé par flagornerie, dans le but de mieux duper celui à qui on l’adresse. « Ce gandin, qui donne du « cher maître » aux badernes falotes de Sorbonne ou de l’Institut, attend le succès de leur vanité satisfaite, non de ses mérites personnels. » Par delà l’Intérêt
En un sens différent mais qui reste voisin parce qu’il implique l’idée de supériorité, le maître est celui qui commande, celui auquel on obéit. Le propriétaire de l’esclave, dans l’antiquité, était son maître ; aujourd’hui
Maître désigne le propriétaire, en général, des personnes ou des biens : le maître d’un champ. « Les paysans russes ont cru longtemps que le ciel était réservé pour leurs maîtres » (De Custine). ‒ S’est dit du patron, de l’employeur : « Quand deux ouvriers courent après un maître, les salaires baissent » (F. Bastiat). ‒ Synonyme de professeur, d’éducateur : « Le meilleur maître est celui qui nous donne le désir d’apprendre et qui nous en offre les moyens » (Ferrand). ‒ Titre qu’on donne par bonhomie, aux vieillards, surtout à la campagne : maître François. ‒ La Fontaine en affuble, avec ironie, les animaux : maître Renard, maître Corbeau, etc. ‒ Personne talentueuse : être passé maître dans son art. ‒ Qui triomphe d’un péril, domine un danger : se rendre maître du feu. ‒ Qui a de l’empire sur soi : « Toutes les passions sont bonnes quand on en reste le maître ; toutes sont mauvaises quand on s’y laisse assujettir » (J.-J. Rousseau). ‒ Qui a la liberté, la faculté de faire quelque chose : être maître d’aller et venir.
Au figuré, se dit, par analogie, de l’objet qui régit, passionne, constitue le pivot des actions humaines : l’or est le maître du monde ; « la nécessité est la maîtresse des choses humaines » (Lerminier). ‒ Qui exerce sur l’homme une influence tyrannique : « L’argent est un bon serviteur et un mauvais maître » (Bacon). ‒ Modèle, exemple, objet qui sert d’enseignement : « Le temps et la liberté sont de grands maîtres. »
Locutions : maître de l’univers (Dieu), de la terre (rois, princes), etc. ‒ Titres de certains ordres : grand-maître. ‒ Jurisprud. maître ès-lois : jurisconsulte. ‒ Beaux-Arts : les maîtres de l’école flamande. ‒ Maîtres-chanteurs : associations de poètes et de musiciens allemands (sujet d’un conte d’Hoffmann et d’un opéra de R. Wagner). ‒ maître-chanteur : celui qui par menace, campagne de presse, etc. extorque de l’argent. ‒ Maître à danser, maître de ballet, etc. ‒ Techn. Au temps du compagnonnage, titre donné après la réception dans un corps de métier ; maître-maçon, etc. ‒ maîtresse : féminin courant de maître. Sens particulier : femme avec qui on entretient des rapports amoureux hors du mariage : « rois et grands seigneurs entretinrent de ruineuses maîtresses ». ‒ Quelques ouvrages littéraires : les maîtres mosaïstes, les maîtres sonneurs (G. Saud) ; maître Cornélius (Balzac), le maître d’école (F. Soulié) ; le maître de danses (Wicherly), ‒ Tableaux : le maître de la vigne (Rembrand) ; le maître d’école (Van Ostade), etc.
MAÎTRE (Morale de). Voir morale.