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Vers l’Unité Socialiste. — À ce moment, le mouvement syndical échappe aux partis socialistes. A la Fédération des syndicats, qui obéissait aux guesdistes, succède la Confédération générale du travail, en face de laquelle se dresse l’ambitieuse Fédération des Bourses, où Pelloutier attire anarchistes et allemanistes. Le mouvement syndical devient anti-politique, il oppose délibérément la grève générale à la conquête du pouvoir.

L’heure approchait où toutes les organisations socialistes allaient travailler à s’unir Pendant l’affaire Dreyfus, craignant un coup d’État réactionnaire, elles formèrent un Comité de vigilance, qui devint, peu après, un Comité d’entente (1898). Guesdistes, blanquistes, possibilistes et allemanistes y retrouvaient les indépendants (Jaurès. Viviani, Millerand, Rouanet, Gérault-Richard, Fournière). Mais quand, en juin 1899, Millerand entre inopinément dans le ministère Waldeck Rousseau, aux côtés de Galliffet, bourreau des communards, il ouvre, dans le socialisme français, une crise qui durera cinq ans. Le groupe parlementaire se coupe en deux : tandis qu’avec Jaurès, les uns défendent Millerand, les autres, avec Guesde et Vaillant, le condamnent. Dans un manifeste à la France socialiste, ces derniers qualifient de trahison l’acte de Millerand. Le Comité d’entente, pour trancher le débat, convoque un congrès général des organisations.

Ce congrès a lieu à Paris (salle Japy) du 7 au 8 décembre. Il condamne le ministérialisme, mais reconnaît que des « circonstances exceptionnelles » peuvent le rendre licite : les deux tendances adverses restent donc sur leurs positions. En même temps, le congrès parvient à établir une sorte de lien fédéral entre les cinq organisations nationales (celle des indépendants comprise) et les fédérations autonomes de province. A la tête du Parti est mis un comité général.

Mais Millerand restant au ministère, l’entente n’était pas possible. En 1900, les guesdistes se retirent. Après quoi (1901), c’est le tour des blanquistes. Guesdistes et blanquistes s’unissent alors entre eux : ainsi naît le Parti socialiste de France, opposé à toute participation ministérielle, à toute alliance avec un parti bourgeois.

En face, indépendants, allemanistes et broussistes se serrent au sein du Parti socialiste français, où bientôt se formera une gauche (Renaudel, J. Longuet, G. Hervé) qui réclamera, elle aussi, l’exclusion de Millerand et le contrôle des élus.

Entre les deux partis, la lutte est très acerbe. Cependant le mouvement syndical (C. G. T. et Fédération des Bourses) réalise son unité organique (1902) et dresse le « syndicalisme révolutionnaire » contre le « syndicalisme parlementaire ».

Malgré tout, l’unité couvait sous la cendre. L’expérience millerandiste ayant pris fin et son triste héros ayant été exclu par sa. Fédération (celle de la Seine), l’unité se refit à la suite du congrès international d’Amsterdam, grâce aux interventions pressantes des socialistes étrangers. Elle se refit à Paris, salle du Globe (23–25 avril 1906), après que les deux partis eurent signé une déclaration « d’opposition fondamentale et irréductible à l’ensemble de la classe bourgeoise et à l’État qui en est l’instrument ».


Le Parti Socialiste S. F. I. O. — Le parti ainsi unifié — section française de l’Internationale ouvrière : S. F. I. O. — se développa lentement, mais sûrement. Les Briand, Viviani, Gérault-Richard, Augagneur, l’avaient quitté, mais les travailleurs y entrèrent en grand nombre : de 1905 à la guerre, les effectifs passèrent de 34.000 à 93.000 membres. Son journal, l’Humanité, touchait les masses. La lutte contre le clémencisme, le briandisme, le poincarisme, instruments successifs de la politique bourgeoise, les ardents réquisi-

toires de Jaurès — son chef de moins en moins contesté — contre la guerre du Maroc, grosse de la guerre mondiale, contre les armements et le militarisme, l’admirable campagne de 1913 contre la loi de trois ans, tout cela valut au Parti Socialiste un crédit sans cesse grandissant. L’Europe avait les yeux fixés sur lui. A l’intérieur, son influence gagnait en profondeur. Aux élections de 1906, il obtenait 878.000 voix (52 élus) ; à celles de 1910, 1.106.000 voix (76 élus) ; à celles de 1914, 1.398.000 voix (103 élus).

De 1905 à 1914, le Parti tint 14 congrès, dont 2 extraordinaires. En voici l’énumération :

I. — Paris (23–25 avril 1905) : Réalisation de l’unité.

II. — Chalon (oct.-nov. 1905) : Tactique électorale.

III. — Limoges (nov. 1905) : Parti et syndicats ; le militarisme et la guerre.

IV. — Nancy (août 1907) : Militarisme et conflits internationaux ; et, de nouveau, Parti et Syndicats.

V. — Toulouse (oct. 1908) : Vote de la motion Jaurès sur l’action générale du Parti.

VI. — Saint-Étienne (avril 1909) : Élections de 1910 question agraire.

VII. — Nîmes (février 1910) : Retraites ouvrières tactique électorale.

VII. — bis. — Paris (juillet 1910) : Ordre du jour du congrès international de Copenhague (socialisme et coopération, etc.).

VIII. — Saint-Quentin (avril 1911) : Régies municipales ; tactique électorale.

VIII. — bis. Paris (nov. 1911) : Révision des statuts.

IX. — Lyon (février 1912) : Action syndicale ; franc-maçonnerie.

X. — Brest (mars 1913) : Lutte contre les trois ans.

XI. — Amiens (janvier 1914) : Programme et tactique électorale.

XI bis. — Paris (juillet 1914) : Ordre du jour du congrès international de Vienne (qui devait avoir lieu en août et que la guerre empêcha) ; chômage ; impérialisme et conflits internationaux.


L’Internationale Socialiste. — Complétons cette nomenclature par celle des congrès internationaux de 1889 à la guerre :

I. — Paris (juillet 1889) : Deux congrès eurent lieu en même e temps, l’un convoqué par les broussistes, salle Lancry, qui ne fît rien, l’autre par les guesdistes, salle Pétrelle, qui décida la manifestation internationale du Premier Mai.

II. — Bruxelles (1891) : Législation protectrice du travail ; antisémitisme militarisme et conflits internationaux.

III. — Zurich. (1893) Question de l’admission des anarchistes (rejetée) ; journée de 8 heures ; militarisme et conflits internationaux ; travail des femmes ; action électorale et parlementaire.

IV. — Londres (1896) : Exclusion définitive des anarchistes ; action politique ; question agraire ; grève générale et action syndicale.

V. — Paris (1900) : Action politique ; ministérialisme (cas Millerand) ; alliances avec la bourgeoisie ; action municipale ; trusts ; création d’un comité permanent siégeant à Bruxelles.

VI. — Amsterdam (1904) : Unité socialiste en France ; condamnation du ministérialisme ; assurances sociales ; grève générale.

VII. — Stuttgart (1907) : Militarisme et conflits internationaux (vote de la motion fameuse : « Si la guerre éclatait néanmoins… » ) ; Partis et syndicats.

VIII. — Copenhague (1910) : Socialisme et coopération ; renvoi au congrès suivant de la motion Keir Hardie-Vaillant sur la lutte contre la guerre.

Le congrès suivant (Vienne, août 1914) n’eut pas lieu. La classe ouvrière se trouva précipitée dans la guerre avant d’avoir eu le temps d’engager la grande