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à l’éthique et celle-ci à l’esthétique. Et la connaissance, loin d’être le but exclusif de la vie, n’est que la conséquence de la vie. L’esthétique n’est qu’un effet du chaos. Faire du spectacle des choses la raison d’être de l’existence, c’est tomber dans le finalisme, c’est admettre une sorte d’harmonie préétablie, une justification de l’univers. C’est admettre, avec l’alpiniste tombé dans une crevasse, que le tas de neige qui l’a sauvé, n’avait d’autre raison d’être que d’éviter son écrasement.

Il n’y a pas de fin dans l’infini.

L’homme peut faire, contre mauvaise fortune, bon cœur ; l’homme peut, faute de mieux, être un spectateur ; mais, contrairement à Jules de Gaultier, j’estime que la connaissance est, d’abord et avant toute chose, action, et qu’elle ne devient spectacle qu’ensuite, par simple fonctionnement cérébral, par une utilisation totale de l’influx nerveux. Celui-ci utilisé tout d’abord dans les centres affectifs les plus puissants parvient finalement dans les centres intellectuels toujours sous la dépendance des centres affectifs. Physiologiquement, toute la vie n’est qu’une suite de réactions de la substance vivante contre les excitations du milieu. Ces réactions n’utilisent pas totalement l’énergie nerveuse déclenchée par les excitations ; une partie de cette énergie inutilisée modifie la substance cérébrale, préparant d’autres actions plus complexes lors des futures excitations. La pensée, étant un effet de ces excitations, ne peut donc être une cause initiale, créatrice, indépendante de spectacles. Elle subit tous les avatars des chocs et des heurts d’un univers instable et chaotique. La vie existe d’ailleurs en grande partie sans conscience et sans apparence spirituelle.

La pensée est donc bien un luxe, c’est-à-dire un surplus et l’homme, c’est-à-dire l’enfant, et philogénétiquement le pré-humain, a d’abord senti, puis réagi et enfin pensé.

L’homme est acteur vivant avant d’être spectateur.

Il n’y a pas de connaissance sans sensations. L’espace, le temps sont des concepts issus du mouvement. Pour vivre, il faut agir, lutter, conquérir, connaître, prévoir, penser. Penser, c’est jouer mentalement le drame de la vie, de l’univers. C’est commencer des actes qui n’aboutissent pas. La pensée est un acte différé ou un acte avorté. Elle n’a de valeur que celle que lui donnent notre activité, notre énergie, notre expérience, notre vie. Le plus pur des savants agit, crée, utilise des instruments, des appareils parfois extrêmement coûteux et compliqués, fait des expériences, plie la matière à ses calculs et à ses caprices et ressent, quoi qu’on en dise, un sentiment de joie et de puissance à en pénétrer les secrets et à la dominer, car en lui le conquérant, antérieur ou curieux, est toujours vivant.

Nous ne pouvons donc séparer la pensée de l’action et de la morale. L’homme est à la fois acteur, parce qu’il est vivant et par conséquent conquérant et qu’il lui est absolument impossible d’exister autrement ; il est en même temps spectateur, non pas parce que tout l’univers s’est coordonné pour cette fin, ou que son esprit s’est donné volontairement ce but, mais parce que tel est le fonctionnement nerveux chez lui qu’une partie inutilisée de l’influx nerveux ne peut faire autrement que s’éparpiller en de multiples ramifications appelées pensées, contemplation, sensibilité spectaculaire.

Et, conséquemment, la morale est l’ensemble des actes qui, basés sur une réelle et profonde connaissance du fonctionnement biologique de l’être humain, lui assure le meilleur fonctionnement de cette sensibilité.

L’éthique et l’esthétique sont indissolublement liées l’une à l’autre et nous pouvons conclure qu’elles permettent à l’homme, acteur et spectateur, de vivre, de jouir et de durer. — Ixigrec.


SPECTRALE (Analyse). On donne ce nom à la méthode qui permet d’analyser toute source lumineuse à travers un prisme ou par sa réflexion sur un réseau.

Newton, en 1702, avait établi que la lumière du soleil, qui nous apparaît blanche est, en réalité, composée de sept couleurs principales qui sont : violet, indigo, bleu, vert, jaune, orange et rouge. Ces sensations colorées nous sont fournies par des vibrations différentes, en nombre extrêmement élevé. Les plus rapides parmi ces vibrations (750 trillions par seconde) et qui sont les plus divisées par la réfraction engendrent le violet ; les plus lentes (450 trillions par seconde) et les moins réfractées nous donnent le rouge. D’un bout à l’autre du spectre, c’est une gamme régulièrement décroissante.

On connaît la propriété que possède le prisme de verre de réfracter un rayon lumineux qui le traverse et de l’étaler en une nappe diversement colorée : le spectre ou la succession des couleurs est invariable. En faisant passer un rayon de soleil ou de toute autre source lumineuse, à travers un prisme, l’image colorée ainsi formée s’étalera sous la forme d’une bande colorée qui sera striée de raies fines, obscures ou brillantes, dont chacune caractérisera un corps simple et dont la présence permet d’affirmer que ce corps existe dans la source lumineuse que l’on étudie. Quand la lumière est émise par un corps incandescent, le spectre est continu. Mais quand elle traverse un espace contenant des corps en vapeur, eau ou vapeur de métaux (sodium, plomb, mercure, etc…), le spectre continu est strié de raies noires dont chacune ou chaque groupe est caractéristique du corps dont elle émane et occupe toujours la même place dans le spectre, appelé alors spectre d’absorption. On distingue ainsi les spectres de lignes à raies lumineuses qui sont produits par les gaz portés à l’incandescence et le spectre de bande qui comprennent des portions de spectres se résolvant en lignes fines qui proviennent de gaz incandescent à l’état de combinaisons chimiques.

Cette décomposition de la lumière ou analyse spectrale permet d’étudier la nature chimique des corps. Celle-ci s’opère à l’aide du spectroscope dont voici la description : imaginez un appareil muni d’une fente mince dans laquelle est concentrée la lumière à analyser et située au foyer d’une lentille ou collimateur. Ce collimateur rend parallèles les rayons du faisceau lumineux issus de la fente. Ces rayons traversent ensuite un prisme qui les disperse. Le faisceau ainsi obtenu est recueilli par une seconde lentille qui fournit à son foyer une image nette de chacune des images de la fente se succédant pour former un spectre continu. Ce spectre continu est donné par tout corps incandescent solide ou liquide. Quand ce corps incandescent est à l’état gazeux, le spectre se réduit à quelques lignes brillantes correspondant à des vibrations déterminées dont elles ont précisément la coloration. Ainsi le spectre du lithium montre seulement une raie rouge. Chaque corps possède donc son spectre particulier, formé de raies, toujours les mêmes, et dont l’emplacement mesurable permet de les identifier. Maintenant si, derrière ce gaz, se trouve une source incandescente liquide ou solide et d’une lumière obligatoirement plus éclatante, on constate le phénomène suivant : les raies du spectre observé se dessinent en noir sur le fond brillant du spectre continu issu de la source incandescente. L’emplacement des raies noires nous fournit donc un second moyen d’analyse aussi précis que le premier.

Cette méthode d’analyse est si merveilleuse, si sensible qu’elle révèle l’existence de substance en quantité infiniment petite. La présence d’un millionième de milligramme se décèle dans la flamme d’une bougie !

L’Astronomie a su tirer un prodigieux parti de l’emploi du spectroscope. Grâce à lui, nous pouvons connaître la constitution, la température, l’âge des astres