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conscience est distincte de l’organisme qu’elle anime, bien qu’elle en subisse certaines vicissitudes. » Selon sa coutume, notre académicien n’apporte aucune preuve à l’appui de ses dires ; son hostilité systématique à l’égard de l’intelligence le dispense de fournir des arguments d’ordre rationnel ; des comparaisons, de grands mots, de belles phrases lui semblent suffisants pour engendrer la conviction. Son imagination enfante des mythes qui n’ont même pas, dans l’ensemble, le mérite de l’originalité ; et son intuition fut une de ces fumisteries qui suffisent à condamner les causes qu’elles s’efforcent de servir. Aujourd’hui, le spiritualisme n’est pris au sérieux que par les arrivistes, les snobs et les ignorants ; malgré la Sorbonne, malgré les ministres républicains, malgré tous les docteurs de l’Institut, il n’inspire aucune confiance à celui qui prend la peine de réfléchir. — L. Barbedette.


SPORT n. m. (mot anglais). Vient de l’ancien français : desport qui signifie : amusement. Il est employé pour désigner tout exercice en plein air : course de chevaux, pêche, chasse, canotage, tir, escrime, gymnastique, football, bicyclette, etc. Le sport « est la pratique méthodique des exercices physiques, non seulement en vue du perfectionnement du corps humain, mais encore de l’éducation de l’esprit » (Larousse). On voit que, d’après cette définition, le domaine du sport est très vaste. Il englobe non seulement les jeux, mais tous les exercices d’entraînement, physiques et intellectuels. Toutefois, dans l’acception courante du mot sport, entre une idée de compétition qui ramène la chose aux exploits athlétiques. C’est le point de vue étriqué de la question, nous l’étudierons plus loin. D’une façon générale, le sport étant pratiqué en vue du développement harmonieux de la personne, il en résulte qu’est sport tout effort méthodique accompli dans ce but. Nous pourrons dire, en élargissant la chose jusqu’à son ultime limite : le sport, c’est la lutte même et c’est la vie. « Être, c’est lutter ; vivre, c’est vaincre. » (Le Dantec).

Il est évident que l’homme, dont l’origine remonte à une époque très reculée, n’a pu s’adapter aux diverses périodes préhistoriques qu’en luttant sans cesse contre les conditions changeantes de vie. Il a été pour lui d’une nécessité impérieuse d’habituer son corps à résister aux variations atmosphériques, aux maladies, au milieu ennemi. Il a fallu qu’il s’ingénie à dominer ce milieu, sinon c’était la fin de l’espèce, comme ça l’a été pour certaines espèces animales (mammouth, bison). Il a fallu qu’il éduque son corps à la course, à la natation, à la lutte. Il a fallu que, dans son cerveau, jaillisse la première lueur d’intelligence qui, justement pour combattre les forces mauvaises acharnées à sa perte, lui a permis d’ajouter à sa force et à son agilité, son ingéniosité, son adresse, sa ruse. Tout cela a demandé des expériences sans nombre, tout cela a coûté d’innombrables vies. Mais l’homme a triomphé grâce à cet entraînement incessant. Si maintenant nous considérons l’individu en lui-même, nous voyons que, depuis le jour où il a été conçu jusqu’à celui de sa mort, c’est encore par la pratique incessante de la lutte contre le milieu hostile qu’il est parvenu à vivre. Il lui faut sa place au soleil, coûte que coûte. Si on la lui dispute, il se rebelle ; et s’il est le moins fort, il succombe. La vie est le triomphe du muscle allié au cerveau.

Le fœtus se développe au détriment de sa mère ; l’enfant fait la connaissance de tout ce qui l’entoure pour mieux éviter les embûches, pour mieux s’imposer plus tard. Et plus cette connaissance sera poussée, plus l’espèce de carapace qui l’emprisonne sera disloquée, plus il acquerra de maîtrise et de confiance en soi. Il en est de même pour tout être vivant. Nous pouvons dire que le sport date des origines de la vie. Mais au fur et à mesure que l’homme s’est élevé, il a cultivé son intelligence au détriment de ses muscles. Cette

intelligence lui a permis, en effet, de ménager ses efforts et d’atteindre des buts bien plus étendus. La massue fut supérieure aux poings de l’anthropoïde. La hache, l’arc, l’arbalète, le fusil, le revolver, la mitrailleuse, marquent dans l’art de la défense et de la destruction les étapes de ce progrès. Aujourd’hui, l’intellectuel tendrait à n’être plus qu’un cerveau. D’où cette anomalie : une tête bien faite sur un corps débile. En réaction : revenons au culte du muscle ; allons aux exercices physiques ; allons aux sports ! La vérité est dans la conciliation des extrêmes : « Le corps d’un athlète et l’âme d’un sage, disait Voltaire, voilà ce qu’il faut pour être heureux. » Et il pensait sans doute à Eschyle, à Sophocle, vainqueurs aux jeux olympiques, ou à Platon, « l’homme aux larges épaules ». Un corps d’athlète ne s’acquiert que par un méthodique entraînement. Le corps humain est une machine dans laquelle les combustions organiques doivent être actives pour ne laisser aucun déchet ; mais il faut, pour assurer son bon fonctionnement, que tous ses organes soient harmonieusement développés. D’où la nécessité de pratiquer des exercices rationnels et progressifs. Ces exercices sont utiles à l’enfant qui se développe chaque jour ; ils sont utiles à l’adolescent et à l’homme mûr pour entretenir la souplesse des organes ; ils sont indispensables dans certains cas (arthritisme, obésité) pour redonner au corps sa capacité de résistance et de rendement. Les méfaits de la sédentarité — cette plaie de la « civilisation » — sont connus. Voici, à ce sujet, l’opinion du Docteur G. Durville :

« … en collaboration avec l’alimentation mal comprise, elle crée deux types opposés de malades : les gras et les maigres. Les gras sont des déchus à la première période : leur organisme résiste à la sédentarité en entassant de la graisse dans les tissus, en congestionnant le foie et les viscères, en hypertendant la circulation sanguine ; de temps en temps, quand l’organisme est par trop plein, une soupape s’ouvre, qui déverse le trop plein : c’est la crise d’eczéma, de furoncles, d’entérite, de saignements hémorroïdaire, utérin, nasal, etc., la crise de gravelle, de rhume, de toux, etc. Par cette crise de nettoyage toujours considérée comme une mauvaise chose, alors qu’elle est un sauveur, le gras retrouve, pour un temps, des conditions plus normales de vie ; il a puisé en lui l’énergie de réagir. Comme il va récidiver à la même existence, une nouvelle crise reviendra un jour, mais sans doute serat-elle moins efficace, car l’organisme prend de l’âge et s’use ; il arrivera même, peut-être, que l’organisme laisse ouvrir la soupape là où il ne faut pas. Au lieu des veines hémorroïdaires, si une artère cérébrale s’ouvre, parce que devenue durcie, cassante, artério-sclérieuse, ce sera l’apoplexie, mortelle peut-être. Les maigres sont des types plus déchus de sédentarisés. Ce sont souvent des fils de sédentaires et de dyspeptiques. Leur organisme débilité n’a plus la force de faire de la graisse. Même s’ils mangent « bien », c’est-à-dire « trop », « rien ne leur profite plus », car leur nutrition est trop tarée. S’il leur arrive de prendre, par hasard, du poids, leur embonpoint est fugace ; en quelques semaines, ils l’ont reperdu ; ils sont redevenus ces êtres jaunes, faibles, à ventre flasque et vide, gastritiques et entériteux, sans muscle et sans ressort. La sédentarité a fait cela. La sédentarité détruit la forme de l’être. Or, quand l’être perd sa forme, il devient non seulement laid, mais malade. » Et, plus loin : « D’où provient cette déchéance ? Il se passe que le muscle s’en va, et avec lui la forme du corps. Il n’est pas douteux qu’aux yeux de bien des gens, le muscle a une mauvaise réputation. Combien d’intellectuels, aujourd’hui encore, regardent le muscle comme un instrument pour imbéciles et pour brutes ! Pourtant, pendant plus de mille ans, la Grèce sut imposer au monde sa suprématie, grâce à sa splendide conception de l’éducation