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vidus. La division du chiffre de la production nette par celui des hommes, donne la ration réelle ;

5° Comparaison de la ration réelle à la ration type.

Je ne puis m’étendre ici sur le détail. Il suffira de dire que je faisais à l’optimisme la part la plus large que je favorisais, dans tous les sens, la croyance à l’abondance.

Ma conclusion, contraire au dogme courant, était que l’humanité civilisée ne disposait que de récoltes insuffisantes et que, à l’époque étudiée, la planète ne fournissait, aux plus industrieux de ses habitants, que les deux tiers environ de la nourriture requise pour leur aisance.

M. Yves Guyot, l’année suivante (1905), sur un plan un peu différent, s’inspirant en partie de mon travail, publiait, à la Société d’Anthropologie et à la Société de Statistique, les recherches qui l’amenaient à déclarer que « la production du froment et de la viande, dans le monde, est de beaucoup inférieure à la ration nécessaire… ».

L’agronome Daniel Zolla, dans ses ouvrages et conférences sur la productivité du sol, sur le blé et les céréales, concluait aussi, vers 1908, approuvé par Paul Leroy Beaulim, à l’insuffisance de la production agricole comparée à la population.

Je me garde de présenter ces travaux comme définitifs. Mais l’étude de cette question poursuivie attentivement durant des années m’assure dans la conviction que la surabondance tant invoquée toujours — et plus que jamais au moment où j’écris — par les socialistes, les communistes, les anarchistes, aussi bien que par les économistes ou politiciens « bourgeois », est loin d’être démontrée.

L’étude, sur le plan que j’ai adopté ou sur tout autre, devrait, certes, être reprise par un comité de chercheurs désintéressés, d’experts aux opinions sociales divergentes, statisticiens, physiologistes, hygiénistes, agronomes, zootechniciens agriculteurs, horticulteurs, chefs d’industrie, etc., capables de fournir les éléments les plus précis pour la solution de la question. J’ai suggéré, à ce point de vue une enquête permanente et la publication d’un annuaire offrant une indication autorisée sur les ressources dont l’humanité dispose, non seulement au point de vue alimentaire, mais sous le rapport vestimentaire, immobilier, de confort physique et intellectuel, de l’aisance générale, individuelle et communautaire, privée et publique. Une telle œuvre serait, par exemple, de la compétence de la S. D. N.

Quoi qu’il en soit, si les travaux d’Yves Guyot, ceux de Daniel Zolla et les miens doivent être pris en considération, il y a, dans les pays civilisés, de nos jours, comme il y a trente ans, et comme toujours selon moi. pénurie de produits agricoles. Les chiffres suivants le montrent.

Voici d’abord la production du froment dans les pays gros producteurs, aux périodes 1901-10 et 1921-30, la première étant celle précisément où MM. Yves Guyot, Zolla et Leroy Beaulieu constataient l’insuffisance des récoltes. Les contrées ci-dessous ont donné, en milliers de tonnes, les récoltes annuelles moyennes suivantes — chiffres établis sur ceux de l’Annuaire Statistique de la France (1931) et de l’Annuaire Statistique de la S. D. N. (1930-31) ;

FROMENT (milliers de tonnes)
1901-10 1921-30
Europe 51.500 52.500
Etats-Unis 18.000 22.500
Canada 3.000 11.000
Argentine 3.500 6.000
Australie 1.500 4.000
————— —————
Totaux 77.500 96.000

La population de ces seuls pays, durant, les mêmes périodes, est passée de 530 millions d’habitants à 630 millions. Mais nous réduirons le nombre de ces consommateurs enfants, femmes, vieillards, pour l’assimiler à un nombre d’hommes adultes travailleurs. Pour ce faire, le mathématicien Lagrange diminuait d’un cinquième la population totale. Nous la réduirons d’un quart. Ce sera 400 millions d’habitants environ pour la période de 1901 à 1910, et 475 millions pour celle de 1921 à 1930. Nous leur attribuerons tout le froment récolté, sans réserves ni pour la semence, ni pour les animaux et l’industrie, nous ne tiendrons compte ni des pertes inévitables même en régime idéal, ni des pertes par gâchage.

La part annuelle d’un adulte, en froment, en pain (car poids de froment égale poids de pain) et en produits similaires), ressort à environ 195 kilogrammes en 1901-10 et à 200 en 1921-30.

M. Yves Guyot estime qu’il faut compter pour un adulte homme 360 kilogrammes de pain par an. Pour n’être point taxé d’exagération, j’attribue 750 grammes de pain par jour à un travailleur homme, soit 260 kilogrammes par an.

On voit que ce poids n’est pas atteint, bien que nous n’ayons distribué les récoltes qu’entre les habitants relativement privilégiés des pays qui les produisent. Si, dans de semblables recherches sur le monde, nous comprenions populations et récoltes des contrées dont l’agriculture intensive ou extensive, est inférieure en quantité nous diminuerions la part effective déjà insuffisante. On voit aussi que, d’une période à l’autre, cette part n’a guère augmenté, malgré l’ampleur extraordinaire prise, après la guerre, par la production du froment, au Canada surtout, et bien que les obstacles préventifs et répressifs se soient fait sentir plus violemment qu’à aucune autre époque.

Il y a d’autres aliments. Mais, insuffisance en blé indique, d’une façon générale, insuffisance en tout. Dans une étude à larges traits il est d’ailleurs difficile de s’étendre sur chaque espèce de produits. Voici, à titre d’indication, la production en pommes de terre aux mêmes époques :

POMMES DE TERRE (milliers de tonnes)
1901-10 1921-30
Europe 121.700 116.000
Etats-Unis 8.000 10.500
Canada 1.200 2.300
Argentine 1.100 800
Australie 300 400
Totaux 132.300 130.000

La récolte d’après guerre est légèrement inférieure à celle d’avant guerre. Et si nous défalquons la part prise par la semence, la distillerie, la nourriture animale, celle surtout des 80 millions de porcs qu’élève la seule Europe, consommant chacun au minimum 2 kilogs de pommes de terre par jour, nous trouverions probablement assez maigre la ration de pommes de terre octroyée à chaque homme par la culture.

Il y a la viande. On peut assez facilement donner une idée de la part qui peut être attribuée à chaque adulte homme. Le nombre d’animaux était, en millions :

1901-10 1921-30
Bovins 243 277
Ovins 400 385
Porcs 127 153

En admettant que tous ces animaux aient en moyenne, le poids moyen des races fournissant le plus de