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sure pour les gouvernements Clémenceau, Laforgue, H-P. Gassier dont les Empapahoutés sont l’illustration la plus spirituelle des imbécillités de la guerre de 1914.


La parodie est une forme du burlesque. Tous deux sont de la satire, quand leur but est de critiquer, pour attirer l’attention sur une erreur, un travers quelconque, en soulignant ce qu’ils ont de ridicule. Mais le plus souvent, le but de la parodie n’est que d’amuser par une imitation bouffonne, un grossissement caricatural, et celui du burlesque, de faire rire par un comique exagéré et trivial. Il faut une tournure d’esprit particulière pour pratiquer le burlesque, et ses auteurs sont peu nombreux. Scarron, auteur de l’Enéide travestie, est le plus remarquable, avec certains de ses contemporains, comme Cyrano de Bergerac dont le burlesque se mêle à des conceptions philosophiques audacieuses et à des anticipations scientifiques curieuses, telle celle de l’invention du gramophone. Le burlesque fut la première forme de la comédie italienne (voir Théâtre). La parodie est plus ancienne et plus répandue. Les Grecs s’en servirent dans le genre appelé aujourd’hui héroï-comique qui exprime, dans un langage pompeux, des sentiments vulgaires et montre comme des héros des personnages ridicules. On n’a pas cessé de la voir au théâtre, depuis Aristophane, et en France, depuis la formation du théâtre classique, au XVIIe siècle. Le Chapelain décoiffé, parodie du Cid par Racine et Boileau, vengea Corneille de Chapelain et de ses autres détracteurs. La parodie trouva un élément inépuisable dans les invraisemblances et le ton trop souvent héroï-comique du théâtre classique, de même que dans les exagérations fougueuses du romantisme ; elle montra leurs ridicules. Quand elle n’a pas un but de critique, de véritable satire, la parodie est le plus souvent d’esprit bas, envieux, jaloux, comme celui du mauvais pamphlet et du libelle. Elle contribue à faire perdre le goût du beau, à faire confondre ce dernier avec le vulgaire, l’art avec ses imitations et toutes les camelotes de ses contrefaçons. Ainsi, le cinéma est la parodie du théâtre (voir Spectacle) et le public y apprend à ne connaître les chefs-d’œuvre littéraires et dramatiques que par d’infâmes adaptations opérées par de malpropres tripatouilleurs (voir Tripatouillage). La parodie avilit d’abord le goût, puis le caractère de celui qui s’y plaît. C’est un amusement d’eunuque incapable d’avoir une pensée forte, et d’esclave indifférent devant la dégradation de l’esprit.

L’épigramme est une petite pièce de vers où l’intention satirique est exprimée par un trait d’esprit qui la domine. Boileau en a dit :

« L’épigramme plus libre, en son tour plus borné,
N’est souvent qu’un bon mot de deux rimes orné. »

Il en est resté de piquantes de l’antiquité, mais pour nous, son époque fut surtout le XVIIIe siècle où toutes les préoccupations trouvaient en elle leur forme et leur exutoire. On en écrivait à tout propos. Elles composaient entre autres ce répertoire « d’agréables ordures qui plaisaient infiniment à la cour » (Bachaumont) et que Voisenon, en particulier, alimentait de ses « petits vers polissons ». Mais nombreuses étaient les épigrammes qui atteignaient à la vraie satire, faisaient réfléchir et préparaient la Révolution autant que les traités philosophiques. Plus d’un auteur d’épigrammes alla méditer à la Bastille sur l’inconvénient d’avoir trop d’esprit.


Tant que les hommes penseront — ce à quoi ils semblent de plus en plus renoncer — la satire existera. Si elle est parfois une plante vénéneuse poussée sur le fumier social, elle est surtout le souffle pur qui vient du large de la pensée pour assainir l’air empuanti par le mensonge et répandre la vérité, la justice et la révolte. Sans elle, l’esprit critique, impuissant devant le lourd monument de la sottise, aurait été depuis longtemps

écrasé. À cette sottise brutale, stupide de l’enivrement d’une force qui ne veut pas raisonner, la satire dit avec un sourire ironique le mot de Thémistocle : « Frappe, mais écoute ! » Elle est la réaction de l’intelligence irritée par la cuistrerie, de la sensibilité violentée par la goujaterie, de la bonté mise en fureur par la méchanceté. C’est la satire de Flaubert, de Baudelaire, de Villiers de l’Isle Adam, de Mirbeau, de Tailhade, contre la sottise « au front de taureau ».

« Frappe, mais écoute ! » Nous sommes au temps où la satire doit le crier plus que jamais, alors que la brutalité sportive, la sauvagerie militariste, la duplicité politicienne emportent de plus en plus les hommes pour les empêcher de penser et les conduire aux dictatures. Les cavernes ont de nouveau lâché leurs fauves sur le monde : que l’esprit se réveille. — Edouard Rothen.


SAVANTS (Les) ET LA FOI. Leur argument. — Souvent, il nous a été donné, de la part de nos adversaires, d’entendre ce raisonnement : « Ce qu’il y a de plus impressionnant c’est que tous les grands esprits qui sont la gloire de l’Humanité ont été convaincus de l’existence de Dieu. Platon, Aristote, Kant, Descartes, Saint Thomas, Lamartine, V. Hugo, etc… ont employé les ressources de leur génie à glorifier le Créateur, et cette idée leur a inspiré leurs plus belles pages. Les encyclopédistes même ont combattu l’athéisme et Voltaire a cru en Dieu. Il n’est pas jusqu’aux grands révolutionnaires de 1789 qui n’aient été des déistes convaincus : Robespierre, lui qui voulait qu’on inscrivît sur tous les monuments : « Le peuple français croit à Dieu et à l’immortalité de l’âme », a glorifié l’Être Suprême. Et personne n’ignore que les plus grands savants contemporains, les Pasteur, les Roux, ont été des croyants sincères. Enfin, il a été constaté, après enquête rigoureuse, que, sur 100 savants, 85 se proclament déistes. L’infime minorité restante se classe parmi les indifférents et les athées. Eh bien, Messieurs, ces simples constatations vous montrent qu’entre la science et la foi, il n’y a nulle opposition, au contraire, et nous sommes fiers de nous ranger résolument du côté des savants ! »

Que vaut une telle affirmation ? Tout de suite, on peut répondre : l’argument du nombre, ou de la majorité, n’a jamais prouvé la véracité d’un raisonnement. Ce n’est pas parce que tous les chrétiens croient ou feignent de croire et affirment que 1 + 1 + 1 = 1, que je suis obligé de les suivre. Ce n’est pas parce que tous les hommes ont cru jadis que la terre était immobile et plate que la chose était vraie. 85 %, ou même 100 % des savants en faveur de l’existence de Dieu, qu’est-ce que cela prouve si un seul être humain nie Dieu ? Et, si l’universalité de la croyance était reconnue aujourd’hui, pourrait-on être assuré que, demain, un homme ne se lèverait pas pour crier l’erreur ? Devant tout ce qui n’est pas rigoureusement démontré par l’expérience, la seule attitude raisonnable est le doute ; mais peut-on demander à des croyants de rester dans une position dubitative ? Leur disposition d’esprit s’y oppose.

Et cette réplique suffirait à détruire l’argument exposé plus haut. Cependant nous allons pousser plus avant notre examen afin de montrer irréfutablement comment on peut tromper les esprits superficiels avec des arguments spécieux.


Les savants. — Tout d’abord, il n’est pas niable qu’on se fait, en général, illusion sur le mot : savant. L’esprit humain, à peine dégagé de la gangue des siècles d’ignorance, attribue à ce mot — plus ou moins inconsciemment — la valeur mystérieuse nuancée de respect déléguée jadis aux mots : devin, prophète, thaumaturge ou sorcier. Qu’est-ce qu’un savant ? Le Larousse dit : « Celui, celle qui a de la science. » Qu’est-ce qu’un homme savant ? L’homme « qui a la science de quelque