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que de ce maître « c’est l’homme mûr qui expie les péchés du jeune homme, c’est le mari qui paie la dette du garçon », c’est la femme, ajouterai-je, qui paiera la dette du mari ; c’est l’enfant qui paiera la dette du ménage. Dernière et inexcusable lâcheté.


Ce sera la fin de mon réquisitoire. La syphilis tue les petits le plus souvent dès les premiers mois de la conception. L’avortement syphilitique à répétition fait le désespoir de nombre de ménages qui n’y comprennent rien. Puis, un peu plus tard, ce sont les accouchements prématurés ; enfin, c’est le meurtre à la naissance. L’enfant naît pour ne vivre que quelques heures. Chiffre officiel : 458 enfants morts sur 996 naissances issues de femmes syphilitiques, venues pour accoucher dans les hôpitaux de Paris, de 1880 à 1885 (40 %).

Puis il y a la syphilis héréditaire tardive dans la première et la seconde enfance. « C’est par milliers qu’on dénombre les cas où la syphilis a tué deux, trois, quatre, cinq enfants dans une même famille, parfois tous les enfants, remède héroïque employé par la nature elle-même pour arracher un rameau pourri d’un arbre malade. N’oublions pas cette vérité sociale : la multimortalité des jeunes est un signe usuel de l’hérédo-syphilis. Voulez-vous un chiffre écrasant ? Je l’emprunte encore au vieux maître Fournier : « J’ai vu de mes yeux, ceci : 90 femmes contagionnées par leur mari sont devenues enceintes dans la première année de leur syphilis. Or, voici le résultat : 50 des grossesses se sont terminées par avortement ou mort à la naissance, 38 par mort rapide après la naissance et 2 seulement ont survécu » ! »

Mais ce n’est pas fini. Le microbe malin ne lâche pas sa proie volontiers. C’est un gros mangeur d’hommes !

Quelle effroyable collection d’infirmes et de dégénérés parmi les survivants ! Voici le groupe des éclopés partiels : on y trouve des déformations des dents, du squelette de la face (le bec de lièvre), du crâne (grosse tête bosselée), l’hydrocéphalie, la microcéphalie avec l’imbécillité en partage. On y voit des déformations du nez, des oreilles, des yeux. On y voit des membres géants ou des membres nains, des doigts supplémentaires, des pieds bots, la surdimutilé, des testicules frappés de stérilité, des ovaires incapables de reproduire.

Dans un autre groupe mettons le petit avorton syphilitique, pauvre être rabougri, décrépi avant le temps qui, s’il ne meurt pas, est voué à toutes les maladies, graine d’hôpital toute sa vie. Le rachitisme est étroitement lié à l’hérédo-syphilis. La plupart des monstruosités congénitales ont cette origine.

Et puis, quand par malheur ces pauvres êtres procréent, c’est pour reproduire des déchets humains comme eux-mêmes.

Les grosses poussées de contamination syphilitique se produisent : pour l’homme, entre 20 et 26 ans ; pour la femme, entre 18 et 21 ans, périodes de la floraison amoureuse. Telles sont les années néfastes de la contagion. Allons, les amateurs, qui en veut ?


Personne, entends-je dire ! D’accord. Alors, défendons-nous. Et pour nous défendre, allons à l’école. Ouvrons nos oreilles et apprenons à voir ! Garantissons notre santé : morale et physique. Il n’a pas tout à fait tort le député paralytique et incapable quand il nous répond : « Le public réclame des lois, des règlements pour le protéger contre la syphilis, mais qu’il commence par se protéger lui-même. La syphilis ne tombe pas du ciel. Celui qui la contracte sait fort bien qu’il s’y est exposé. »

Alors, c’est la fin de l’amour ! dira-t-on. Quelle erreur ! C’est la fin des amours malpropres, mais au profit de la pureté morale et physique. C’est la fin de la bestialité, de la chiennerie. C’est la fin des galvaudages des coins de rue, des flirts animaux dans le métro, dans

tous les lieux de débauche, où toutes les séductions sont si fortement intensifiées par l’alcool et le tabac abrutissants. C’est la fin des devantures excitantes et corruptrices des libraires vivant de la débauche, devant lesquelles défile, avide des choses « secrètes et honteuses » qu’on lui cache, toute notre jeunesse, mâle et femelle.

C’est la fin du mercantilisme de l’amour, au profit d’un peu plus de dignité et du respect de la femme, notre égale depuis les Droits de l’Homme. C’est la fin des éducations ratées qui font le malheur public et privé. C’est le renouveau de la belle responsabilité du citoyen conscient de sa vraie valeur, de la beauté, de la grandeur d’âme, de tout ce qui élève et fait de l’Homme quelque chose d’un peu mieux que la bête. C’est enfin la naissance de la vraie liberté, celle qui affranchit l’homme de ses passions matérielles au profit de sa culture, celle qui lui fait prendre en mépris sa servitude vis-à-vis des entraves légales. L’homme qui a une conscience et veut vivre une vie épanouie n’a pas besoin d’autre loi. La terreur du gendarme et de l’oppression avilit. L’homme qui sait s’affranchir tout seul est vraiment seul digne de vivre.

La syphilis, les maladies vénériennes, la prostitution, toutes les lèpres sociales sont le plus éloquent des réquisitoires contre le passé d’obscurantisme où la société artificielle a laissé croupir l’individu, contre les régimes humiliants et les hypocrisies, contre les fétidités de l’Argent égoïste.

Quel soupir d’aise poussera l’Homme qui aura dû à lui-même sa libération et purifié la vie de tous en commençant par sa propre purification !

C’est une noblesse que de s’affirmer libre. Et noblesse oblige ! — Docteur Legrain.


SYSTÈME n. m. (du grec sun, avec, istemi, être placé). Ce mot peut s’appliquer soit aux objets de nos connaissances, soit à nos connaissances elles-mêmes. On parlera par exemple du système solaire, du système digestif, du système capitaliste, voulant désigner des réalités dont l’existence ne dépend pas de notre bon vouloir. On parlera aussi de système philosophique, religieux, scientifique, etc. pour désigner un ensemble de principes et d’idées que notre esprit lie entre eux et organise en un tout cohérent. Dans les deux cas, le mot système implique les notions d’assemblage, de coordination, de rapports plus ou moins heureux ; en conséquence, il garde un sens identique. N’en soyons pas surpris. Si l’intelligence humaine introduit un ordre déterminé dans ses concepts, c’est qu’elle suppose, à tort ou à bon droit, qu’un ordre semblable existe dans les choses. L’idéal serait que notre esprit introduisît, entre ses représentations, des rapports correspondant exactement à ceux que la nature impose aux êtres et aux objets. Mais, substituant une contrainte artificielle à l’harmonieux accord engendré par les lois naturelles, la société consacre l’existence de relations absolument anormales entre les humains. On le constate dans le système capitaliste, qui permet à des fainéants de dépouiller à leur profit les travailleurs des champs ou de l’usine. De même il arrive qu’en organisant ses idées et ses principes, l’intelligence se trompe complètement. D’où la multitude des faux systèmes religieux, philosophiques, politiques, etc. ; d’où tant d’hypothèses scientifiques, incapables de résister au contrôle de l’expérience et du calcul.

Inventer un nouveau système, étonner le public par l’énoncé d’une doctrine que nul n’avait encore formulée jusque-là, telle fut longtemps la grande préoccupation des intellectuels en mal de célébrité. Elle anime encore, malheureusement, de trop nombreux contemporains. Nous lui devons ces thèses aussi brillantes qu’éphémères, ces audacieuses affirmations, ces ébouriffantes synthèses qui, après une vogue imméritée, retombent dans