de foi profonde, dresser des bûchers pour la défendre, et que toute la chrétienté s’alarme sans cesse des progrès incessants de l’athéisme ? Mais le monde ne peut revenir en arrière, et comme on ne peut arrêter l’essor de la science, le déiste est bien obligé de composer en proclamant qu’il n’y a nulle opposition entre la raison et la foi. Il faut voir « en quels termes galants ces choses là sont dites », c’est-à-dire avec quelle impudence et quelle perfidie.
« La foi et la raison, non seulement ne peuvent jamais se contredire, mais elles se prêtent une aide réciproque, parce que la droite raison établit les bases de la foi et, éclairée par sa lumière, cultive la science des choses divines, tandis que la foi, de son côté, la libère ou la préserve de l’erreur et l’enrichit de connaissances diverses. C’est pourquoi l’Église, bien loin de s’opposer à la culture des arts et des sciences humaines, l’aide et la favorise de beaucoup de manières. Car elle n’ignore ni ne méprise les avantages qui en résultent pour la vie de l’humanité ; elle répète même que ces sciences issues de Dieu, qui est le Maître des Sciences, doivent, avec sa grâce, si elles sont traitées comme il faut, conduire à Dieu. Et elle ne s’oppose en aucune manière à ce que ces sciences, chacune dans leur champ d’action, usent de principes et de méthodes qui leur soient propres ; mais, tout en reconnaissant cette juste liberté, elle veille avec soin pour empêcher que, par hasard, se mettant en contradiction avec la doctrine chrétienne, elles ne tombent dans l’erreur, ou bien qu’en sortant de leurs frontières elles n’envahissent pour le bouleverser le terrain de la foi. » (Con. Vat., sess. 3, C. 4.)
Et encore : « Dire que l’Église voit de mauvais œil les formes plus modernes des systèmes politiques et repousse en bloc toutes les découvertes du génie contemporain, c’est une calomnie vaine et sans fondement. Sans doute, elle répudie les opinions malsaines, elle réprouve le pernicieux penchant à la révolte, et tout particulièrement cette prédisposition des esprits où perce déjà la volonté de s’éloigner de Dieu ; mais comme tout ce qui est vrai ne peut procéder que de Dieu, en tout ce que les recherches de l’esprit humain découvrent de vérité, l’Église reconnaît comme une trace de l’intelligence divine ; et comme il n’y a aucune vérité naturelle qui infirme la foi aux vérités divinement révélées, que beaucoup la confirment, et que toute découverte de la vérité peut porter à connaître et à louer Dieu lui-même, l’Église accueillera toujours volontiers et avec joie tout ce qui contribuera à élargir la sphère des sciences ; et ainsi qu’elle l’a toujours fait pour les autres sciences, elle favorisera et encouragera celles qui ont pour objet l’étude de la nature. » (Encyc. Immortale Dei Léon XIII, 1er nov. 1885.)
En somme, c’est toujours l’antique : « Hors de l’Église, point de salut ! » Dieu dit aux savants : « Touchez à tout ce que vous voudrez ; étudiez les mœurs des escargots, des oursins et des bélugas ; inventez des troncs inviolables pour que le denier du culte ne soit plus en danger ; et puis des mitrailleuses, des tanks et des gaz asphyxiants pour la prochaine ; intéressez-vous à « l’influence des queues de poissons sur les ondulations de la mer » ; bref, débrouillez-vous à rendre votre Terre, que j’ai laissée en plant, jadis, plus habitable que du temps d’Adam, plus sanguinaire que du temps de Caïn, cela tant que vous voudrez ; je vous donne pleine liberté. Mais je vous préviens : traitez les choses comme il faut, n’ayez pas d’opinions malsaines ; et si, par hasard, vous vous mettiez « en contradiction avec la doctrine chrétienne », si vous « bouleversiez le terrain de la foi », d’abord vous ne seriez point des savants, mais de vulgaires bafouilleurs hérétiques et suppôts de Satan, et ensuite malédiction sur votre enveloppe terrestre, si le bras séculier obéit à nos saintes sentences
Non, il n’y a pas contradiction entre la Science et la Foi si celle-là se fait l’humble servante de celle-ci ; c’est-à-dire si elle se renie elle-même. Dans ce cas, elle n’est plus qu’une science étriquée, diminuée, châtrée ; elle n’est plus la Science tout court pour laquelle rien n’est inviolable, rien n’est sacré, tout étant sujet à expériences, tout étant soumis au jugement de la raison, même l’Église, même les dogmes, même Dieu !
Les Savants selon l’Église. — Car il y a eu des savants selon l’Église. Ou alors, comment appeler ces lumières ( !) qui ont osé expliquer la nature sans que l’ombre d’un doute assombrît leurs pensées ; tranchant souverainement, avec l’aide de la grâce divine ? Certainement le pape Zacharie (741) était de ceux-là. Il faut être un Voltaire pour écrire sur son compte qu’ « il anathémisa ceux qui démontraient qu’il y a des antipodes : l’ignorance de cet homme infaillible était au point qu’il affirmait que, pour qu’il y eût des antipodes, il fallait nécessairement deux soleils et deux lunes. » (Annales de l’Empire.)
Et citons :
Nider, dominicain, une des lumières du concile de Bâle, qui expliqua, vers 1431, dans son Formicarius, « comment les sorciers s’y prenaient pour soulever des tempêtes, faire tomber la grêle, transporter chez eux la moisson de leurs voisins, rendre les femmes stériles ». Hollen, moine (1481), écrivant le Praceptorium, raconte « l’histoire d’une femme de Norvège qui vendait le vent dans un sac fermé par une corde à trois nœuds. Un vent doux s’élevait quand le premier nœud était défait. Le vent devenait violent après la disparition du second nœud. Enfin, une tempête furieuse s’élevait quand le troisième nœud était dénoué ». (Janssen, 8.525.) Sprenger, dominicain — dans le Maillet des sorcières (1486), qui fut le manuel des inquisiteurs, couvert par le patronage du pape Innocent VIII — nous apprend (2-1-15) « que pour produire de la grêle, les sorcières font un trou, y versent de l’eau, et remuent avec le doigt ». (Turmel, Histoire du Diable, p. 196.)
N’est-ce pas aussi Origène, qui disait : « À parler rigoureusement, si les démons jouent ici quelque rôle, ce qu’il faut leur attribuer, c’est la famine, la stérilité des arbres et des vignes, les excès de chaleur, la corruption de l’air qui détruit les fruits, tue les animaux et amène sur les hommes le fléau de la peste. Les auteurs de ces maux sont les démons dont la justice divine se sert comme de bourreaux… » (Turmel, op cit., p. 139.)
Et voilà ! Ce n’est pas plus difficile que ça. Quand Dieu daigne vous éclairer d’une si éclatante façon, on se demande pourquoi certains s’obstinent encore à inventer, par exemple, des liquides pour tuer mouches et moustiques. Que n’adoptent-ils la méthode du grand Saint Bernard, de celui qui avouait ingénument, à propos de la Vierge Marie, qu’ « il est grand d’être vierge ; mais être vierge et mère en même temps, c’est ce qui dépasse toute mesure » ? Qu’ils sachent donc comment opérait le saint homme :
« A Foigny, près de Laon, lieu infesté de mouches, Saint Bernard s’écrie : Je les excommunie. Les mouches, immédiatement, passèrent de vie à trépas, et on les enleva à la pelle. » (Première vie de Saint Bernard, 1 52.)
Voici également, à titre documentaire, un autre procédé employé par les « savants » selon l’Église dans le même but que plus haut : C’est une « lettre adressée au clergé de Langres, en 1552, par le Vicaire général » :
« De l’autorité du Révérend Père en Dieu, Monsei-