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Mieux que qui que ce soit, Wilson sait qu’un Pierpont Morgan, le trusteur de l’Océan, et un John Rockefeller, le trusteur du pétrole, contrôlent, à eux seuls, plus d’un tiers (exactement 36 %) des capitaux actifs des États-Unis ; que l’actif des sociétés soumises à la domination financière des deux groupes Rockefeller et Morgan s’élevait (nous étions alors en 1913) à quelque 40.000.000.000 (40 milliards) de dollars ; groupes englobant les services publics, les chemins de fer, les entreprises industrielles, les établissements de crédit, les mines et les pétroles, d’autres entreprises encore. Il est facile, grâce à de tels chiffres, d’imaginer la redoutable puissance de certains magnats de la finance, aussi bien dans le domaine du commerce et de l’industrie que dans celui de la politique, en Amérique comme dans tous les pays du monde, les partis et plus encore ceux qui en ont la direction, n’étant pas du tout insensibles aux subventions ! Outre-Atlantique, comme partout, les politiciens ne sont que les chargés d’affaires des oligarchies industrielles ou financières et c’est ainsi que l’on voit le trusteur Morgan, dont la tentative d’accaparer toutes les grandes lignes maritimes de l’Océan avait échoué, venir, en 1907, faire au Marché américain une petite avance de 150 millions de francs, prélevés sur sa fortune personnelle, en vue d’éviter une débâcle plus considérable des grandes valeurs industrielles.


On comprendra mieux encore le processus de ce phénomène capitaliste qu’est le trust si l’on envisage, par exemple, la plus puissante combinaison industrielle de capitaux que le monde connût à la veille de la grande guerre : l’United States Steel Corporation, autrement dit : Trust de l’Acier.

Sa formation remonte aux premiers mois de l’année 1901 ; elle résultait de la fusion de la Société Carnegie et du Trust Morgan-Moore. Carnegie, qui n’était, vers 1860, qu’un très modeste industriel, étendit très rapidement ses affaires et, à la fin du siècle dernier, il n’employait pas moins de 50.000 ouvriers. Le groupe Morgan-Moore qui, de son côté, contrôlait les plus grandes entreprises sidérurgiques des États-Unis, n’hésita pas à payer l’apport de Carnegie de plus de 1.500.000.000 de francs ! Et c’est ainsi que s’était constitué le Trust de l’Acier qui, par suite d’ébauches successives, de la réalisation d toute une série de combinaisons, d’ententes, parfois de luttes féroces entre groupes hostiles, de l’absorption d’une poussière de petits intérêts et en s’abstenant de traiter avec des centaines de manufactures mais visant, au contraire, la jonction, l’assemblage des intérêts de quelques gros propriétaires possédant chacun de nombreuses usines, c’est ainsi que s’était constitué le Trust de l’Acier qui disposait, en fin de compte, d’un capital de 4 milliards et demi de francs !…

A côté de ces trusts de grande envergure qui sont plutôt le fait du capitalisme américain, une foule d’autres, mais de moindre importance, virent le jour tant dans notre Europe qu’aux États-Unis. Tout a été trusté : viande, blé, sel, sucre, papier, chemins de fer, bois, poudres, jusqu’au tabac à priser et à chiquer !

On devine aisément de quel monstrueux pouvoir de spéculation disposent ces géants de la production. En se plaçant sur le terrain purement capitaliste, on peut dire que les trusts sont comme une sorte de défi aux libertés économiques, tant exaltées cependant par nos économistes officiels ; puis, en raison de l’accaparement constant et progressif auquel ils se livrent, ils aboutissent, en fait, à la monopolisation et, du même coup, détruisent, tuent toute concurrence ! Soufflant, tout à tour, le chaud et le froid, faisant, comme on le dit couramment, la pluie et le beau temps, ils pourraient même, s’ils n’avaient à craindre les représailles de leurs victimes, pousser à ce point leur appétit d’accaparement d’un produit ou d’une denrée indispensables

à la vie, qu’ils condamneraient des populations entières à la plus affreuse pénurie, peut-être même à mourir de faim !

Mais ne constituent-ils pas également, les trusts, de très graves dangers pour la paix des peuples ? Ne sait-on pas déjà que l’une des raisons (que, certes, l’on n’avouera pas, mais qui n’en sera pas moins décisive) du prochain massacre d’hommes sera l’accaparement du pétrole, de ce précieux liquide dont on a osé dire que « chaque goutte valait une goutte de sang » et que « qui aura le pétrole aura l’empire » ! Trois grands groupes, on le sait, contrôlent tous les gisements et la plus féroce des luttes s’est engagée entre la Standard Oil des Rockefeller-Teagle, le Grand Trust pétrolier russe des Soviets et la Royal Dutch Shell de Deterding, le grand patriote anglais qui n’en fut pas moins l’un des premiers commanditaires du tortionnaire Hitler ! Quand le pétrole américain sera totalement épuisé et l’échéance en est bien proche — les puits de Bakou seront, plus que jamais, l’objet des plus âpres convoitises…

Et le sang du pauvre, de nouveau, coulera à torrent… à moins que l’Humanité, conquise enfin par cette sagesse qui veut que l’homme cesse d’être sous la dépendance et à la merci d’un autre homme, n’ait, d’ici-là, pris possession d’elle-même, en utilisant, pour la joie et la satisfaction des besoins de tous, les inépuisables richesses que noire planète recèle en son sein, et que les hommes, librement associés pour un commun effort, feront, chaque jour, sortir de leurs mains industrieuses ! — A. Blicq.


TUBERCULOSE n. f. Maladie infectieuse qui, comme son nom l’indique, provoque la formation de tubercules dans une partie de l’organisme, quelquefois même dans l’organisme tout entier, la tuberculose est due au bacille de Koch, découvert par le médecin allemand du même nom en 1882. Villemin avait déjà prouvé qu’elle était contagieuse ; mais, parce qu’on manquait de colorants assez énergiques, les premières recherches bactériologiques ne révélèrent la présence d’aucun germe. Les bacilles de Koch se présentent sous la forme de bâtonnets un peu incurvés, de 1,5 à 3,5 microns de longueur et de 1 micron d’épaisseur. Dans un seul crachat de tuberculeux, on en rencontre des milliers ; dans les cultures, ils sont souvent groupés par deux et forment même de petits amas en broussaille. La lumière solaire atténue rapidement leur virulence, mais ne les tue qu’après 6 ou 7 jours d’exposition. A 50°, la chaleur humide les détruit en 12 heures ; à 70°, en dix minutes ; à 95°, en une minute. Mais ils sont très peu sensibles au froid, et résistent bien aux antiseptiques : l’acide phénique à 3 pour 100 ne les tue qu’au bout de 20 heures. Desséché, le bacille de Koch garde longtemps sa nocuité, surtout à l’abri de la lumière et à basse température. C’est un bacille acido-résistant que les uns rangent parmi les bactéries ordinaires, que d’autres rapprochent des moisissures.

La découverte d’un virus filtrant tuberculeux, déjà annoncé par le Brésilien Fontès en 1910 et bien étudié depuis, a complètement transformé les théories médicales concernant le bacille de Koch et la tuberculose. Cet ultravirus, qui traverse les filtres Chamberland, rendrait possible la transmission intra-utérine des germes de la maladie. Il aurait d’abord l’aspect de grains excessivement petits, puis de granules cocciformes ; à leur tour, certains de ces derniers se transformeraient en bacilles très ténus qui donneraient finalement les bacilles acido-résistants de Koch. Ainsi, l’on n’avait découvert, en 1882, que l’un des stades d’évolution et l’une des formes de résistance du virus tuberculeux. Par ailleurs, la transmission héréditaire, autrefois admise, rejetée ensuite, apparaît comme certaine bien que moins habituelle que la contagion post-natale. Ainsi s’expliqueraient