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VAN
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Quelques lignes expliqueront cette expression « d’un travail moyen et normal ». A supposer qu’un producteur, pour confectionner un objet donné, ait dû fournir un effort de x heures d’un travail sortant de l’ordinaire — par exemple se procurer certaines matières rentrant dans la composition de la chose offerte, — il est logique qu’il augmente la valeur moyenne et normale de l’objet d’un nombre d’heures de travail équivalent à l’effort spécial qu’il a dû faire.

Dans un milieu individualiste, un producteur ou une association de producteurs pourrait encore émettre des bons au porteur représentatifs de la valeur de leurs produits, et conserver ces derniers en stock. Ces bons représentatifs circuleraient, serviraient d’instruments d’échange, et au bout d’un temps plus ou moins long, reviendraient à leur lieu d’émission, afin d’être remboursés en produits — les produits mêmes dont ils représentent la valeur et dont le producteur ou l’association de producteurs détient le stock. Il se créerait d’ailleurs par la suite des associations de transporteurs qui épargneraient aux producteurs individuels de longs et ennuyeux voyages, bien qu’il faille prévoir le perfectionnement et l’universalité des moyens de locomotion individuels, tels les aviettes. De même il se formerait des associations de garde-produits, déchargeant le producteur ou l’association de producteurs du souci de la garde de leurs produits et chez lesquels le porteur du bon n’aurait qu’à se présenter pour obtenir les utilités auxquelles son bon lui donne droit.

Ce système de bons représentatifs peut remplacer avantageusement l’emploi des petits lingots de métaux précieux. Il demande moins de volume, il offre plus de transportabilité.

Dans un milieu individualiste où n’existerait ni domination, ni exploitation ou interventionnisme d’aucun genre, les étalons, les mesures de la valeur, les instruments d’échange varieraient à l’infini. Ils se concurrenceraient, et cette concurrence assurerait leur perfectionnement. Chaque personne, chaque association se rallierait au système cadrant davantage avec son tempérament, s’il s’agit d’individualités ; avec le but qu’elle se propose, s’il s’agit d’associations.

Autres opinions individualistes sur la valeur. Objections. Le rôle de la mentalité dans l’absence de la contrainte. — Ce point de vue individualiste de la valeur est d’ailleurs présenté uniquement ici à titre d’aspect particulier du problème des relations économiques entre les unités humaines. On trouve des individualistes qui ne relativisent pas la valeur du produit à la peine qu’il a coûté pour être mis au point. On en rencontre d’autres qui admettent l’idée de rétribution du service rendu en se basant uniquement sur les affinités qu’ils ressentent pour le producteur, sur le plaisir que leur procure sa fréquentation.

Il y a certains individualistes qui suppriment toute idée de valeur dans le procès de production ou de répartition à l’intérieur du groupe dont ils font partie.

On peut évidemment opposer à la conception individualiste de la valeur que nous venons d’exposer et aux conséquences où elle mène, des objections qui en reviennent toutes à cette base fondamentale : la fraude ou la mauvaise foi.

Les individualistes ne nient aucune de ces objections et voici pourquoi :

Ils ne sont pas de ceux qui prétendent que venant au jour, l’homme est « tout bon » ou « tout mauvais », c’est-à-dire s’insouciant ou non de nuire à autrui. Ils exposent que le principal souci de l’être humain est celui de sa propre conservation, et que s’il est influencé par l’hérédité, il l’est aussi par le milieu où il se développe. Néanmoins, ils pensent qu’il lui est possible de se cultiver soi-même au point d’utiliser le fait héréditaire et le phénomène des influences extérieures, et de

les combiner pour en faire jaillir, pour ainsi dire, un déterminisme personnel, une mentalité particulière, un tempérament à lui comme l’on dit vulgairement.

Donc, qu’il s’agisse de milieux sociaux, étatistes, collectivistes, communistes et autres, leur existence économique dépend de deux facteurs : ou la mentalité de leurs composants sera telle qu’elle exclura tout recours à la contrainte légale, les conditions économiques du milieu répondant absolument aux aspirations de tous — ou les conditions économiques du dit milieu ne répondront ni aux besoins ni aux vœux de tous ceux qui le constituent, d’où recours à la force, aux mesures coercitives.

Il est impossible de s’évader de ce dilemme : ou mentalité adéquate aux règlements en vigueur dans le milieu — ou recours à la réglementation obligatoire avec son cortège d’inspecteurs, de surveillants, son tarif de répressions et ses geôles.

S’il est impossible d’échapper, à la mauvaise foi, à la tromperie, à la fraude, au dol, autrement que par la menace et l’application de mesures de répression, il n’y a plus qu’à en faire son deuil. La thèse individualiste « à notre façon » demeurera une opinion, une attitude, une tendance, ni plus ni moins. La constatation que son heure de réalisation n’a pas encore sonné ne saurait empêcher d’ailleurs qu’elle satisfasse l’entendement, qu’elle réponde à la conception de la vie économique de ceux qui l’ont adoptée.

Cela n’empêcherait pas non plus que les individualistes continuent à la considérer, sur le terrain économique comme dans les autres domaines de l’activité humaine, comme répondant plus que tout autre aux besoins, aux aspirations et aux désirs intimes de la personne humaine. — E. Armand.


VANDALISME n. m. Ce mot vient du nom des Vandales, peuple de la Germanie Orientale qui participa aux invasions barbares des premiers siècles chrétiens, et qui se serait particulièrement mis en évidence par ses dévastations dans l’Europe Occidentale et le nord de l’Afrique. Dans cette dernière contrée, il fonda, en 434, avec son chef Genséric, un empire dont la capitale fut Carthage, et qui fut détruit cent ans après par les Byzantins, sous la conduite de Bélisaire, général de Justinien, empereur de Constantinople.

Les exactions attribuées aux Vandales sont restées dans l’histoire comme l’exemple de la plus sauvage barbarie, et le mot vandalisme a pris place dans la langue pour qualifier « tout procédé destructeur qui anéantit ce qui commandait le respect par son âge, ses souvenirs ou ses beautés », (Littré). Le vandalisme est la destruction, la mutilation des belles choses, en particulier des œuvres d’art. Cette définition est d’origine latine moderne, or il y a lieu d’être très réservé sur le véritable rôle des Vandales, ceux-ci s’étant montrés, par de nombreux côtés, un des grands peuples du premier moyen âge, aux temps où l’empire romain était en pleine décomposition. (Voir E.-F. Gautier : Genséric, roi des Vandales). Leur plus grand tort fut d’avoir été, parmi les Barbares, ceux qui tinrent tête le plus opiniâtrement au christianisme ; cela explique la réputation que leur ont faite les chrétiens. Laborde a dit fort justement : « Chaque époque ayant des méfaits de vandalisme à reprocher à sa devancière, et ne se sentant pas elle-même la conscience bien nette, on est tombé d’accord qu’on rejetterait le tout sur les Vandales qui ne réclameraient pas. »

Les barbares destructeurs furent ce que Flaubert a appelé « une force matérielle » ; ils furent comme les éléments inconscients, le vent, le feu, l’eau qui emportent, désagrègent, détruisent. Des vandales qui furent pires, et mille fois plus barbares, furent ceux conscients de leur destruction, qui l’organisèrent systématiquement, par fanatisme, par haine de tout ce qui pouvait