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« La feuille de la plante est riche en cellules vivantes, fonctionnant d’une manière active. Sauf quelques rares exceptions, elles ne contiennent que peu d’aliments de réserve. La feuille est le laboratoire de la plante. Son pigment vert, la chlorophylle, lui permet d’utiliser l’énergie de la lumière solaire. A partir de l’acide carbonique qu’elle absorbe de l’air et à partir de l’eau et des sels minéraux tirés du sol, la feuille construit l’albumine, le sucre et la graisse. Ces matières sont utilisées soit pour permettre la croissance des tissus de la plante, soit pour constituer des réserves dans les grains, tubercule ou autres organes. La surface de la feuille est une mosaïque de cellules vivantes. Elle contient toutes les substances nécessaires à l’alimentation des cellules animales. La feuille est au point de vue qualitatif un aliment complet. » (Mac Collum : The Newer Knowledge of Nutrition, p. 137.)

La feuille apporte en quantité suffisante de l’albumine complexe, ce qui permet au végétalien d’écarter de sa consommation la viande, les œufs et le lait. On sait aujourd’hui, par l’analyse et par les expériences biochimiques (Mac Collum) sur les animaux, que l’albumine ordinaire ne peut pas former de l’albumine animale. La molécule d’albumine est très grande et d’une structure compliquée, elle se compose d’un certain nombre d’acides aminés, parmi lesquels la tryptophane, la lysine, la tyrosine et la cystine sont indispensables pour reconstruire l’albumine animale. Nous appelons « complexe » l’albumine qui possède en quantité suffisante ces acides aminés indispensables. D’ailleurs le besoin total d’albumine (ordinaire et complexe) est moins grand pour le végétalien, dont l’alimentation est en général alcaline, que pour le mangeur de viande et de pâtes cuites. Les expériences du Dr Hindhede au Danemark, du Dr Roese en Allemagne, et des végétaliens français ont démontré que le minimum nécessaire d’albumine varie selon l’alcalinité du régime. Avec un régime végétalien bien conduit, 40 grammes d’albumines suffisent. La feuille est très riche en sels minéraux. Un régime exclusif de feuilles vertes serait même dangereux par excès des sels. La cellulose y est en abondance et les vitamines au complet (A, B, C, D, E). Mais l’absence des sucres et de l’amidon qui se concentrent dans les racines, tubercules et fruits rend cette diète impraticable.

Un régime composé exclusivement des racines et des tubercules nous fournirait en abondance l’aliment de réserve (amidon et sucre), des sels, de la cellulose, de la graisse, mais la série des vitamines ne se trouverait pas complète et il y aurait manque d’albumine complexe. Il serait impossible de composer un menu synthétique avec des racines et des tubercules seuls.

Un régime exclusif de fruits nous fournirait des sucres en excès (danger de diabète), de la cellulose, des graisses en abondance, certaines vitamines, mais les sels ne se trouveraient pas au complet (manque de fer et de chaux) et l’albumine complexe en quantité presque nulle.

La combinaison des feuilles, des racines, des tubercules et des fruits permet de composer un repas synthétique, satisfaisant à tous les besoins de l’organisme, ayant un débit régulier qui, contrairement à la viande, utilise toute la longueur du tube digestif. A l’aube de la civilisation, c’était certainement le régime de l’homme primitif. Sa constitution n’indique-t-elle pas qu’il n’est pas fait pour manger ses « frères inférieurs », les animaux, Il ne court pas assez vite pour atteindre le gibier (il a fallu l’invention du fusil ou tout au moins d’un arc et des flèches), il n’a ni griffes, ni dents assez fortes pour dépecer l’animal et le broyer avec les os, comme fait le tigre et le chat. Il est doué d’une sensibilité nerveuse qui se développe toujours, ce qui lui. permet de posséder sa qualité « d’homme », tandis que ses mains industrieuses seules n’en feraient qu’une

brute enrichie. Selon A. de Mortillet, chez les premiers hommes il n’y a pas de traces d’industrie avec de l’os des animaux. Et les légendes anciennes ne nous transportent-elles pas à l’âge d’or où « les bêtes parlaient », c’est-à-dire qu’elles pouvaient se faire comprendre par l’homme qui ne parlait pas encore et vivaient avec lui en paix. Il n’y a rien d’extraordinaire à ce que, dans des couches géologiques, des ossements humains se trouvent à proximité des ossements d’animaux. Ils étaient tous mortels… Ils pouvaient quelquefois être en lutte… mais la présence d’un squelette animal dans le voisinage d’un squelette d’homme ne prouve nullement qu’il ait été mangé par ce dernier. Mais sous l’influence de diverses circonstances, comme la variabilité du climat qui s’accuse de plus en plus et aussi de l’industrialisation progressive du milieu, l’homme s’est habitué à l’alimentation carnée et à son inévitable cortège d’épices, d’acides et de boissons fermentées. Allez donc offrir à un homme dont le palais est brûlé par des sauces sucrées, vinaigrées, alcoolisées, épicées un repas naturel composé de feuilles, de racines et de fruits. Aussi, pour rendre ce régime moins « héroïque », les colons du Milieu Libre de Bascon (près de Château-Thierry, Aisne), fondé par G. Butaud, en 1920, ont réussi à présenter ces aliments naturels, revigorants sous forme d’un plat excitant, fort agréable au goût que nous appellerons « la Basconnaise ». Voici sa formule :

Pour un poids total de 300 grammes (quantité moyenne pour une personne) : 1° 1/10 du poids total, soit 30 grammes de racines et tubercules crus (carottes, betteraves, topinambours, pommes de terre, navets, céleris-raves, radis avec les feuilles), coupés finement au couteau, ou râpés dans une machine à râper le gruyère ; 2° 4 fois autant de feuilles vertes que de racines, donc 120 grammes (dont 1/3 de choux et 2/3 de salades diverses, cultivées et sauvages) ; 3° Autant de pommes de terre cuites que de verdure, donc 120 grammes ; 4° 24 grammes d’huile d’arachide et 1 gramme de sel de cuisine ; 5° On peut ajouter 5 grammes d’oignon, un peu de persil, de cerfeuil ou de fenouil. Les pommes de terre sont cuites en robe des champs. Il faut enlever la pelure.

Il est utile de consommer très peu de pain et d’ajouter à la Basconnaise une cuillerée de blé trempé dans l’eau salée au moins deux jours auparavant. Il faut mastiquer soigneusement, comme le reste d’ailleurs. On peut ajouter à la Basconnaise des haricots cuits, des châtaignes cuites. Il vaut mieux consommer les plats cuisinés séparément, pour faciliter la mastication et par raisons gustative.

Les racines et les tubercules sont nettoyés il l’eau avec l’aide d’une brosse, mais le topinambour demande à être pelé.

Les fruits sont mangés séparément, indifféremment à la fin ou au commencement du repas. L’argument de ceux qui préconisent de consommer les fruits les premiers, afin d’alcaliniser les humeurs, vaut pour ceux qui ont une alimentation acide ou acidifiante, cet argument n’a pas de valeur pour le consommateur de Basconnaise.

La composition de la Basconnaise varie avec les saisons. Mais, en chaque saison, on peut composer ce plat de façon à ce qu’il soit varié. On sait aujourd’hui que la vie est caractérisée par des processus chimiques simples, rapides et dus en grande partie à des ferments et des sels minéraux qui jouent le rôle de catalyseurs. L’organisme humain a besoin d’une foule d’éléments, des sels minéraux en petite quantité et qui sont quelquefois rares chez les plantes. Il est facile à comprendre que nous trouverons d’autant plus aisément tous les principes nécessaires à la vie que notre alimentation sera plus variée.

La Basconnaise est un plat synthétique ; il renferme les albumines, les amidons, les sucres, les sels, les