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dépressions, c’est-à-dire, dans les deux cas, aux lignes de moindre résistance caractérisées par de nombreuses fractures du sol. Aussi, beaucoup de géologues ont admis que la vapeur d’eau joue un rôle primordial dans les manifestations volcaniques. La quantité de vapeur rejetée par un volcan est, en effet, considérable. L’eau de la mer, pénétrant à travers les fissures de l’écorce terrestre, se vaporiserait sous une pression énorme, au contact du feu central, pour y produire les éruptions. Mais il reste à expliquer l’origine de la vapeur d’eau en si grande quantité au centre de la terre. Les uns l’explique en faisant remonter la dissolution de la vapeur d’eau dans le milieu igné au temps de la première solidification de l’écorce terrestre ; les autres alimentent ce milieu par les eaux de la mer se précipitant sur le centre à la faveur des fractures de la croûte solide. Mais, une grande partie des savants admet que cette eau pénètre au sein de la terre par le mécanisme des mouvements orogéniques résultant de la contraction lente de l’écorce terrestre.

Quoi qu’il en soit, le volcanisme est un facteur d’insécurité pour les populations vivant à proximité des volcans. Faut-il rappeler les éruptions constantes du Vésuve et de l’Etna ; la catastrophe du Krakatoa (1883) (40.000 victimes) ; celle de la Montagne Pelée, en 1902, anéantissant la ville de Saint-Pierre en quelques minutes, pour se rendre compte du danger des phénomènes volcaniques ?… — Ch. Alexandre.


VOLONTÉ n. f. Quiconque rentre en lui-même découvre aisément des états intellectuels ou affectifs ; par contre, la volonté échappe aux efforts de l’introspection. Genèse des alternatives possibles, délibération, décision, toutes les phases que distingue la psychologie traditionnelle, dans l’activité réfléchie, se réduisent en définitive à des combinaisons de désirs et de jugements. Et, si l’abstraction dissocie ces synthèses en leurs premiers composants, toujours ils sont d’ordre intellectuel ou affectif ; jamais l’on ne rencontre d’états spécifiquement volitifs. La décision même, le fiat, dont maints philosophes font tant de cas, se réduit à déclarer une action possible et, de plus, désirable ; c’est la proclamation, en langage intellectuel, de la clôture du débat. Ainsi, dans le processus qui, selon les intimes préférences du moi, aboutit à l’acceptation ou au rejet d’un voyage de longue durée, images lointaines et magnifiques, associés au désir de connaître, au besoin d’émotion, à l’amour du risque, et, parmi les forces antagonistes, crainte des fatigues, de l’imprévu tragique, goût du bien-être, douce vision du milieu où s’écoule l’existence quotidienne seront les facteurs rencontrés. Néanmoins, la volonté existe, associant les phénomènes psychologiques ou les dissociant ; elle répond à la propriété qu’ont les états mentaux de se prolonger en mouvement, et désigne le côté actif de tout sentiment comme de toute pensée.

Idées, désirs tendent à se réaliser tels des forces ; en fait ils se réalisent, quand ne les contredisent pas représentations ou besoins opposés. Chez l’enfant, chez l’anormal, une image sans contrepoids déclenchera des actes irraisonnés, parfois terribles ; d’où la néfaste influence, sur les jeunes cerveaux, du cinéma et des romans policiers ; d’où la contagion, même parmi les adultes, de l’exemple et de l’émotion. Une lutte surgit, chez l’homme sain, entre inclinations ou idées antagonistes ; dans la conscience, elle se traduit par la délibération. La décision marque le triomphe de l’alternative qui concorde avec les affinités du moi, avec la synthèse personnelle des états d’âme hiérarchisés. Si je choisis la voie douloureuse, un sentier solitaire, non le chemin accessible au grand nombre, c’est pour réaliser l’idéal où se concrétisent les plus chers de mes souhaits. Cette intervention de la personnalité entière différencie le mouvement réfléchi de celui que provoquent représen-

tations ou désirs isolés ; le second se réduit à des réflexes idéomoteurs, le premier intéresse tout l’individu. En définitive, vouloir c’est assurer le premier rang à la raison, c’est remplacer le règne des images incohérentes, des impulsions aveugles par celui de la pensée logique, des sentiments intellectualisés. La volonté domine, dans la mesure seulement où joies et douleurs morales se surajoutent à celles du corps, où l’esprit critique se développe ; non qu’elle se confonde avec l’entendement, mais elle le suppose, n’étant que l’application, dans le domaine pratique, de notre aptitude à juger. Soit comme frein, soit comme puissance d’initiative, elle n’a rien de la faculté mystérieuse que les spiritualistes ont supposée. Essentiellement, elle se ramène à une coordination de tendances, d’images, d’idées ; sa base plonge dans les données sensibles, alors qu’à son sommet brillent les pures clartés de la raison. À ces dernières de rester maîtresses, de commander souverainement, car, sans déprécier les besoins du corps, ceux de l’esprit passent avant.

Mais ne soyons pas surpris que très peu parviennent à la liberté totale, au vouloir pleinement intellectualisé, ni que le grand nombre reste esclave et des tendances les plus viles et des contraintes imposées du dehors. Un obstacle sérieux s’oppose au triomphe pratique de la raison : sans être dépouillée de toute propulsion motrice, l’idée pure s’extériorise peu en action ; au contraire, espoir, passion, émoi et autres états affectifs s’avèrent générateurs de mouvements énergiques. Ambition, amour, désir des richesses, peur de l’enfer sont les pivots solides d’une agitation ininterrompue ; pour prolonger leur existence, fuir la maladie, obtenir honneur ou pouvoir, amasser de l’or, nulle extrémité n’arrête les humains. Mais, seuls, des spécialistes rarissimes ne vivront que pour le calcul différentiel ou la philosophie ; encore des motifs intéressés les soutiennent-ils parfois dans leurs difficiles recherches. C’est à cause de leur utilité pratique que les sciences expérimentales plaisent aux contemporains ; et, s’ils ne délaissent pas complètement métaphysique et religion, c’est afin de se prémunir contre les risques d’un problématique au-delà.

Les spéculations pures, les vérités qui demeurent étrangères à nos douleurs comme à nos plaisirs, sont jugées inutiles d’ordinaire ; elles s’avèrent dénuées d’influence sur notre comportement. Par bonheur, raison et cœur ont associé leurs qualités hétérogènes ; idées morales, vrai, beau, bien sont devenus générateurs d’états affectifs intellectualisés, les sentiments, qui, moins vifs que les sensations organiques, sont plus durables. Soumis à l’action de la volonté, inséparables de l’entendement, ils apparaissent comme un compromis entre les concepts et la sensibilité physique, comme une extension de la pensée réfléchie au monde de l’affectivité. Au moi, ils permettent de refréner les manifestations d’une exubérante énergie ou d’intervenir activement dans le sens de nos meilleures aspirations ; désirs inhumains, instincts sanguinaires sont mis en échec par l’idéal que conçoit la raison. D’effroyables tortures, et physiques et morales, furent supportées par certains sans une larme, sans une plainte, tant leur esprit restait maître de leur corps. L’histoire a retenu le nom de bien des martyrs, elle en a oublié beaucoup, dont les souffrances furent non moins terribles mais restèrent cachées. Aujourd’hui, le sang du juste continue de couler ; pour que la vérité triomphe, sur l’autel du sacrifice, des apôtres ne cessent de s’offrir. Dirai-je qu’à l’heure actuelle leur phalange est plus glorieuse, mieux fournie que dans les siècles écoulés ? Non, car les circonstances, pour une large part, font les héros et l’histoire du vouloir humain est encore à écrire. Mais une constatation s’impose, faite par maints psychologues : il paraît croître avec le temps le nombre des adultes peu sensibles aux grandes joies et aux douleurs