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aux forts ; elle fait parfois de l’amour du carnage, de la soif du sang de nécessaires conditions d’existence. Autant qu’une mère elle est une tombe ; à la joie elle associe volontiers la douleur, et la plante même n’est point exempte, peut-être, d’imprécises souffrances.

Mais l’homme a dépassé ce stade, grâce à sa conscience et à sa raison ; il n’est plus l’esclave d’une nature aveugle. A lui donc d’adoucir, tout au moins, le trépas de la bête ; et qu’une fin soit mise aux vivisections atroces, pratiquées sans anesthésie préalable par des carabins dépourvus de cœur. La science, espérons-le, découvrira un jour des possibilités nouvelles et heureuses, qui sauvegarderont la vie de nos serviteurs silencieux ; la destruction des germes assurera la disparition, sans douleur, des espèces dangereuses. Dès aujourd’hui, mettons un terme au martyre des éternels enfants que sont les animaux. Enfants chez qui sommeillent d’étranges virtualités : à preuve ceux qui pensent et calculent à la manière des hommes. Qu’ils soient pour nous des compagnons et des amis, non des souffre-douleur !

Comprenons aussi que dans l’univers tout s’enchaîne et se tient, que des rapports étroits nous relient à l’animal et à la plante. En pleine nature, quand la houle des verts aux nuances infinies se constelle de fleurs éclatantes, quand les corolles déversent à torrent leurs parfums, et que les mille bruits de la vie s’élèvent en harmonieux concert, il arrive au moi de se fondre, vibrant à l’unisson d’un rythme souverain. Et devant l’éternel tourment de la mer agitée, et devant les pics altiers aux robes virginales, s’élargit aussi,

dans un envol divin, l’horizon borné de notre personne. Tressaillements d’une âme sensible aux frissons de la terre ; intime communion des hommes et des choses ; fraternité totale dans l’universalité de ce qui vit.

Poésie, dira-t-on. Poésie sans doute, mais qui a le mérite de se confondre avec la vérité ; poésie dont les racines plongent, non dans la fiction, mais dans un savoir que n’obscurcit nul préjugé. Car elle est aujourd’hui évidente, la fondamentale identité de ce qui pense et de ce qui vit, de ce qui vit et de ce qui est. Minéraux, plantes, animaux, humains, comme les branches dans l’arbre, la verdure et les fleurs, sont seulement les étapes d’un même devenir vivant. Partis de communs germes, ils se rejoignent dans une semblable destinée ; sous la diversité des formes et des individualités transitoires s’avère la pérennité d’éléments primordiaux. La mort ne peut atteindre que la synthèse éphémère des personnes ; tout se meut, tout vit dans le cosmos, et la matière inorganique elle-même recèle de sourdes aspirations. La pitié n’est donc point trompeuse qui nous incline vers l’oiseau blessé ou la rose qui meurt ; et c’est faire œuvre de rédempteur que d’apprendre aux hommes qu’il est temps de s’aimer. L’interdépendance des terriens est un fait que les recherches positives ont rendu plus certain. Et, puisque les virtualités d’amour et de pensée, en sommeil chez le végétal, s’épanouissent chez l’homme en magnifiques floraisons, à lui d’instaurer l’ère d’une paix souveraine, à lui de soumettre le monde à l’empire de la raison. — L. Barbedette.