Page:Faure - Histoire de l’art. L’Art antique, 1926.djvu/72

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plans et les profils pénètrent les uns dans les autres avec une continuité qui dénonce non seulement la science infaillible du statuaire, mais sa croyance intime qu’il peut et doit tout se permettre parce que le symbole est en lui, qu’il le pense, qu’il le vit pour ainsi dire, et que le monstre imaginaire est une expression cohérente, réelle, organisée des sentiments organisés, réels et cohérents qui habitent son propre esprit. Le subjectivisme asiatique, qui exprime le monde intérieur en prenant pour moyen le monde extérieur - au lieu que l’objectivisme européen décrit le monde extérieur admis, éprouvé, contrôlé par le monde intérieur - est encore là pris sur le fait. Il faut, pour le comprendre, invoquer la liberté de la musique. Précisément, n’est-ce pas par le détour de la musique que l’Allemagne et la Russie, les peuples les plus asiatisés du monde occidental, sont parvenus à entrer dans l’âme européenne et à la transformer ainsi de telle sorte que l’art asiatique tout entier lui soit accessible aujourd’hui ?

Voilà pour quelle raison les scrupules qui m’ont saisi quand j’ai revu ce vieil ouvrage lors de sa réimpression, reviennent me rendre visite quand je relis l’art égyptien. La demi-ignorance où nous étions, il y a quelque vingt ans, du réel esprit asiatique et de ce qui se rattache en partie à son domaine dans le nord de l’Afrique et l’Orient européen, nous a fait commettre bien des erreurs non seulement sur la signification vraie de cet esprit asiatique, mais sur la signification vraie de l’esprit occidental. I1 est absurde, par exemple, de considérer du même œil l’intrusion de la religion - ou plus exactement du sacerdoce - dans l’art d’Orient et dans l’art d’Occident. Toutes les religions de l’Occident, du moins de l’Occident moderne, viennent d’Asie. Elles ne pouvaient donc avoir, dans leur aspect originel qu’un caractère très différent du caractère des peuples qui les adoptaient - extérieur à lui pour ainsi dire - et ne faire corps avec ces peuples qu’après de longs siècles de pénétration réciproque. Dans la cathédrale française même, où se réalise cependant leur fusion la plus étroite, un certain dualisme - très appréciable,