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TÉLÉMAQUE.

constante vertu. Pour moi, je suis jeune, par conséquent sans expérience, exposé à la violence des passions, et plus en état de m’instruire en obéissant, pour commander un jour, que de commander maintenant. Ne cherchez donc pas un homme qui ait vaincu les autres dans ces jeux d’esprit et de corps, mais qui se soit vaincu lui-même ; cherchez un homme qui ait vos lois écrites dans le fond de son cœur, et dont toute la vie soit la pratique de ces lois ; que ses actions, plutôt que ses paroles, vous le fassent choisir.

Tous les vieillards, charmés de ce discours, et voyant toujours croître les applaudissements de l’assemblée, me dirent : Puisque les dieux nous ôtent l’espérance de vous voir régner au milieu de nous, du moins aidez-nous à trouver un roi qui fasse régner nos lois. Connaissez-vous quelqu’un qui puisse commander avec cette modération ? Je connais, leur dis-je d’abord, un homme de qui je tiens tout ce que vous avez estimé en moi ; c’est sa sagesse, et non pas la mienne, qui vient de parler ; il m’a inspiré toutes les réponses que vous venez d’entendre.

En même temps toute l’assemblée jeta les yeux sur Mentor, que je montrais, le tenant par la main. Je racontais les soins qu’il avait eus de mon enfance, les périls dont il m’avait délivré, les malheurs qui étaient venus fondre sur moi dès que j’avais cessé de suivre ses conseils.

D’abord on ne l’avait point regardé, à cause de ses habits simples et négligés, de sa contenance modeste, de son silence presque continuel, de son air froid et réservé. Mais quand on s’appliqua à le regarder, on découvrit dans son visage je ne sais quoi de ferme et d’élevé ; on remarqua la vivacité de ses yeux, et la vigueur avec laquelle il faisait jusqu’aux moindres actions. On le questionna ; il fut