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TÉLÉMAQUE.

refuser d’être roi ; et qu’Hasaël était venu de Damas en Syrie, pour s’instruire des lois de Minos, tant l’amour de la sagesse remplissait son cœur.

Les vieillards dirent à Hasaël : Nous n’osons vous prier de nous gouverner, car nous jugeons que vous avez les mêmes pensées que Mentor. Vous méprisez trop les hommes pour vouloir vous chaîner de les conduire : d’ailleurs vous êtes trop détaché des richesses et de l’éclat de la royauté, pour vouloir acheter cet éclat par les peines attachées au gouvernement des peuples. Hasaël répondit : Ne croyez pas, ô Crétois, que je méprise les hommes. Non, non : je sais combien il est grand de travailler à les rendre bons et heureux ; mais ce travail est rempli de peines et de dangers. L’éclat qui y est attaché est faux, et ne peut éblouir que des âmes vaines. La vie est courte ; les grandeurs irritent plus les passions qu’elles ne peuvent les contenter : c’est pour apprendre à me passer de ces faux biens, et non pas pour y parvenir, que je suis venu de si loin. Adieu : je ne songe qu’à retourner dans une vie paisible et retirée, où la sagesse nourrisse mon cœur, et où les espérances qu’on tire de la vertu, pour une autre meilleure vie après la mort, me consolent dans les chagrins de la vieillesse. Si j’avais quelque chose à souhaiter, ce ne serait pas d’être roi, ce serait de ne me séparer jamais de ces deux hommes que vous voyez.

Enfin les Crétois s’écrièrent, parlant à Mentor : Dites-nous, ô le plus sage et le plus grand de tous les mortels, dites-nous donc qui est-ce que nous pouvons choisir pour notre roi : nous ne vous laisserons point aller que vous ne nous ayez appris le choix que nous devons faire. Il leur répondit : Pendant que j’étais dans la foule des spectateurs, j’ai remarqué un homme qui ne témoignait aucun empres-