Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
LIVRE vi.

pouvait cacher : ses yeux errants allaient sans cesse de Mentor à Télémaque, et de Télémaque à Mentor. Quelquefois elle voulait que Télémaque recommençât cette longue histoire de ses aventures ; puis tout à coup elle s’interrompait elle-même. Enfin, se levant brusquement, elle mena Télémaque seul dans un bois de myrte, où elle n’oublia rien pour savoir de lui si Mentor n’était point une divinité cachée sous la forme d’un homme. Télémaque ne pouvait le lui dire ; car Minerve, en l’accompagnant sous la figure de Mentor, ne s’était point découverte à lui, à cause de sa grande jeunesse. Elle ne se fiait pas encore assez à son secret pour lui confier ses desseins. D’ailleurs elle voulait l’éprouver par les plus grands dangers ; et, s’il eût su que Minerve était avec lui, un tel secours l’eût trop soutenu ; il n’aurait eu aucune peine à mépriser les accidents les plus affreux. Il prenait donc Minerve pour Mentor ; et tous les artifices de Calypso furent inutiles pour découvrir ce qu’elle désirait savoir.

Cependant toutes les nymphes, assemblées autour de Mentor, prenaient plaisir à le questionner. L’une lui demandait les circonstances de son voyage d’Éthiopie ; l’autre voulait savoir ce qu’il avait vu à Damas ; une autre lui demandait s’il avait connu autrefois Ulysse avant le siège de Troie. Il répondait à toutes avec douceur ; et ses paroles, quoique simples, étaient pleines de grâce.

Calypso ne les laissa pas longtemps dans cette conversation, elle revint : et, pendant que ses nymphes se mirent à cueillir des fleurs en chantant pour amuser Télémaque, elle prit à l’écart Mentor pour le faire parler. La douce vapeur du sommeil ne coule pas plus doucement dans les yeux appesantis et dans tous les membres fatigués d’un homme abattu, que les paroles flatteuses de la