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LIVRE vii.

fier qu’à ses propres mains. Il se renfermait dans le lieu le plus reculé de son palais, pour mieux cacher sa défiance, et pour n’être jamais observé quand il préparerait ses repas : il n’osait plus chercher aucun des plaisirs de la table ; il ne pouvait se résoudre à manger d’aucune des choses qu’il ne savait pas apprêter lui-même. Ainsi, non-seulement toutes les viandes cuites avec des ragoûts par des cuisiniers, mais encore le vin, le pain, le sel, l’huile, le lait, et tous les autres aliments ordinaires, ne pouvaient être de son usage : il ne mangeait que des fruits qu’il avait cueillis lui-même dans son jardin, ou des légumes qu’il avait semés, et qu’il faisait cuire. Au reste, il ne buvait jamais d’autre eau que celle qu’il puisait lui-même dans une fontaine qui était renfermée dans un endroit de son palais, dont il gardait toujours la clef. Quoiqu’il parût si rempli de confiance pour Astarbé, il ne laissait pas de se précautionner contre elle ; il la faisait toujours manger et boire avant lui de tout ce qui devait servir à son repas, afin qu’il ne pût point être empoisonné sans elle, et qu’elle n’eût aucune espérance de vivre plus longtemps que lui. Mais elle prit du contre-poison, qu’une vieille femme, encore plus méchante qu’elle, et qui était la confidente de ses amours, lui avait fourni : après quoi elle ne craignit plus d’empoisonner le roi.

Voici comment elle y parvint. Dans le moment où ils allaient commencer leur repas, cette vieille dont j’ai parlé fit tout à coup du bruit à une porte. Le roi qui croyait toujours qu’on allait le tuer, se trouble, et court à cette porte pour voir si elle est assez bien fermée. La vieille se retire : le roi demeure interdit, et ne sachant ce qu’il doit croire de ce qu’il a entendu : il n’ose pourtant ouvrir la porte pour s’éclaircir. Astarbé le rassure, le flatte, et le presse de