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LIVRE vii.

nouvelle. La renommée la fait voler de bouche en bouche dans toute la grande ville de Tyr, et il ne se trouve pas un seul homme qui regrette le roi ; sa mort est la délivrance et la consolation de tout le peuple.

Narbal, frappé d’un coup si terrible, déplora en homme de bien le malheur de Pygmalion, qui s’était trahi lui-même en se livrant à l’impie Astarbé, et qui avait mieux aimé être un tyran monstrueux, que d’être, selon le devoir d’un roi, le père de son peuple. Il songea au bien de l’État, et se hâta de rallier tous les gens de bien, pour s’opposer à Astarbé, sous laquelle on aurait vu un règne encore plus dur que celui qu’on voyait finir.

Narbal savait que Baléazar ne fut point noyé quand on le jeta dans la mer. Ceux qui assurèrent à Astarbé qu’il était mort, parlèrent ainsi croyant qu’il l’était : mais à la faveur de la nuit, il s’était sauvé en nageant, et des marchands de Crète, touchés de compassion, l’avaient reçu dans leurs barques. Il n’avait pas osé retourner dans le royaume de son père, soupçonnant qu’on avait voulu le faire périr, et craignant autant la cruelle jalousie de Pygmalion que les artifices d’Astarbé. Il demeura longtemps errant et travesti sur les bords de la mer, en Syrie, où les marchands crétois l’avaient laissé ; il fut même obligé de garder un troupeau pour gagner sa vie. Enfin, il trouva moyen de faire savoir à Narbal l’état où il était ; il crut pouvoir confier son secret et sa vie à un homme d’une vertu si prouvée. Narbal, maltraité par le père, ne laissa pas d’aimer le fils, et de veiller pour ses intérêts : mais il n’en prit soin que pour l’empêcher de manquer jamais à ce qu’il devait à son père, et il l’engagea à souffrir patiemment sa mauvaise fortune.

Baléazar avait mandé à Narbal : Si vous jugez que je